Des responsables de l’opposition en Guinée ont dénoncé des fraudes massives lors des élections locales de dimanche, les premières depuis 2005 dans un pays marqué par plus de 50 ans de régimes autoritaires,
« Il y a une fraude à l’échelle nationale », a déclaré après la fermeture des bureaux de vote à 18H00 GMT pour les quelque 5,9 millions d’électeurs inscrits, l’une des figures de l’opposition, l’ancien premier Ministre Sidya Touré (1996-1999).
« Nous constatons des problèmes, notamment celui de l’encre, dans pas mal de bureaux de vote », a expliqué à la presse, sans expliciter, M. Touré, qui préside l’Union des Forces républicaines (UFR). Il a cité également le cas d’un « sous-préfet » qui a voulu « changer le président d’un bureau de vote » à Tanéné, dans le nord-ouest du pays.
La fin d’après-midi, lorsque l’affluence constatée le matin n’était plus au rendez-vous, a été le « moment choisi par certains chefs de quartiers qui détenaient des dizaines de procurations, pour les livrer à des partisans du pouvoir », a-t-il affirmé.
Il a cité trois communes de la capitale, Dixinn, Matam et Matoto, « où un chef de quartier a été pris par des électeurs de l’opposition en possession de 2.000 procuration qu’il était prêt à introduire dans les urnes ».
M. Touré s’est toutefois dit « confiant » de l’emporter, à condition que les opérations de dépouillement supervisées par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui ont commencé dans la soirée, se déroulent correctement.
« Si la transparence est au rendez-vous, je pense bien que les résultats de l’UFR seront étonnants. Si les résultats sont faussés, nous ne les accepterons pas », a-t-il prévenu.
La Céni a indiqué qu’elle espérait proclamer les résultats « le plus tôt possible ».
« Nous allons démontrer que le président Alpha Condé a, à l’aide de l’administration, volé cette élection, ce qui ne lui profitera pas », a pour sa part lancé un autre ancien Premier ministre, Cellou Dalein Diallo (2004-2006), chef de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti de l’opposition.
Opposant historique, élu président de Guinée en 2010, Alpha Condé avait appelé ses partisans, après avoir déposé son bulletin, à « rester mobilisés pour refuser la fraude ». « Nous ne souhaitons pas la fraude et si cela arrivait, il faudra qu’on résiste comme on l’a toujours fait », a-t-il déclaré.
Des échauffourées ont eu lieu entre électeurs et entre des administrateurs territoriaux et électeurs de l’opposition ou candidats indépendants, selon des témoins.
Au lycée Kipé de Conakry, de nombreux électeurs n’ont pas pu voter parce que leurs noms ne figuraient pas sur les listes électorales. D’autres étaient abandonnés à eux-même, sans assistance de l’administration, a constaté un correspondant de l’AFP.
Les dernières élections locales remontaient à 2005, sous la présidence du général Lansana Conté (1984-2008), dont le parti avait raflé plus de 80% des suffrages.
Après de nombreuses manifestations de protestation, souvent meurtrières, elles avaient été fixées à février 2017, puis à noveau retardées en raison de divergences sur l’organisation du scrutin, pour être finalement convoquées en décembre par le président Condé pour le 4 février.
Pour désigner les dirigeants des 342 communes guinéennes, les électeurs devaient choisir parmi 29.554 candidats, dont 7.055 femmes, répartis sur plus de 1.300 listes. Les élus constitueront les conseils municipaux, chargés ensuite de désigner les exécutifs locaux.
En province, si des villes comme Kankan (est) et Labé (centre) paraissent respectivement acquises au pouvoir et à l’opposition, la bataille s’annonçait rude à Kindia (ouest) ou N’Zérékoré (sud).
A Kindia, le maire, appartenant à l’opposition, faisait face au candidat du parti présidentiel, qui a reçu le renfort de deux ministres, Cheick Taliby Sylla (Energie) et Oyé Guilavogui (Transports), tous deux natifs de la ville.