L’opposition au Zimbabwe a revendiqué mardi la victoire de son candidat Nelson Chamisa dès le premier tour de la présidentielle face au chef de l’Etat sortant Emmerson Mnangagwa, provoquant la colère du gouvernement qui a menacé d’arrestations ceux qui annoncent des résultats alors que le décompte traine en longueur.
Lundi, les Zimbabwéens se sont rendus en masse et dans le calme aux urnes pour élire leurs président, députés et conseillers municipaux, lors des premiers scrutins depuis la chute de Robert Mugabe, tombé en novembre après trente-sept ans au pouvoir.
La présidentielle se joue entre Emmerson Mnangagwa – ancien bras droit de Robert Mugabe et membre de la Zanu-PF, au pouvoir depuis l’indépendance en 1980 – et Nelson Chamisa du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
Les résultats officiels des élections nationales n’ont pas été encore annoncés, mais l’opposition a d’ores et déjà crié victoire.
« Les résultats montrent au-delà de tout doute raisonnable que nous avons gagné les élections et que le prochain président du Zimbabwe est Nelson Chamisa », a déclaré un haut responsable du MDC, Tendai Biti, expliquant se baser sur les informations des agents électoraux du parti.
De son côté, M. Mnangagwa, qui a succédé à Robert Mugabe à la faveur d’un coup de force militaire, s’est dit confiant de l’emporter.
« Les informations obtenues par mes représentants sur le terrain sont extrêmement positives », a-t-il assuré sur Twitter.
La menace, semble-t-il, d’un haut responsable du MDC de donner le détail de « ses résultats » a provoqué les foudres du ministre de l’Intérieur, Obert Mpofu, qui s’est dit prêt à « envoyer en prison » ceux qui seraient tentés de donner des chiffres.
« Je suis sûr que personne ne souhaite provoquer les foudres de la loi », a-t-il lâché.
Les Zimbabwéens doivent encore faire preuve de patience avant de connaître les résultats de la présidentielle qui ne seront pas connus avant vendredi ou samedi, a prévenu la commission électorale (ZEC).
Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue, un second tour sera organisé le 8 septembre.
Le retard pris par la commission suscite les pires inquiétudes de l’opposition, qui n’a cessé de dénoncer pendant la campagne la « partialité » et le manque de transparence de la ZEC.
« Il y a un retard délibéré dans l’annonce des résultats. Ce retard est totalement inacceptable », a estimé Tendai Biti.
Pendant ce temps, devant le siège du MDC, des partisans de l’opposition criaient victoire en brandissant des affiches « Votez Nelson Chamisa », tandis que des policiers équipés de canons à eau patrouillaient à proximité.
– « Aucune fraude » –
Aucun incident n’a été signalé depuis la fin du scrutin, qui s’est déroulé dans le calme, contrairement aux élections de l’ère Mugabe.
Mais l’opposition est sur ses gardes, victime ces dernières décennies d’élections truquées et entachées de violence.
Le président Mnangagwa, soucieux de se démarquer, a promis cette année des scrutins libres, justes et transparents et a invité, pour la première fois en seize ans, des observateurs électoraux occidentaux.
L’Union européenne doit présenter mercredi un premier rapport très attendu.
La ZEC de son côté a affirmé mardi que les élections n’avaient été entachées d’ »aucune fraude ».
« Nous, à la commission électorale du Zimbabwe, ne volerons pas le choix » des électeurs, « quel qu’il soit », a assuré mardi sa présidente Priscilla Chigumba.
– « Avides de changement » –
Dans les rues d’Harare, des habitants s’inquiétaient cependant des réactions du parti au pouvoir en cas de défaite.
« Il est exclu que la Zanu-PF accepte » la victoire du MDC, a estimé Tracy Kubara, une commerçante de 26 ans.
Mais si le MDC est déclaré vaincu, « les gens descendront à coup sûr dans la rue parce qu’ils sont avides de changement », a-t-elle ajouté.
Selon le cabinet BMI Risk Consultancy basé à Londres, la défaite éventuelle du parti gouvernemental pourrait provoquer « une intervention de l’armée pour sécuriser le pouvoir pour la Zanu-PF ».
Depuis son indépendance, le Zimbabwe n’a connu que deux chefs de l’Etat, tous les deux issus du même parti, la Zanu-PF. D’abord M. Mugabe, contraint à la démission en novembre dernier à l’âge de 93 ans, puis M. Mnangagwa, son ancien vice-président.
M. Mnangagwa, 75 ans, a promis un « nouveau Zimbabwe » et la relance de l’économie, au bord de la faillite.
M. Chamisa, âgé de 40 ans et sans grande expérience politique, a lui fait de sa jeunesse son arme principale pour séduire un électorat en quête de sang neuf
AFP