Notre fichier électoral est l’un des meilleurs du monde, toutes proportions gardées. En termes de sûreté, de sécurisation et d’enrôlement, sa fiabilité est sans équivoque. C’est ce qui ressort de la conclusion des travaux du comité d’experts internationaux, présentée, vendredi dernier, au Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga. C’était en présence des représentants des partis politiques, des responsables des structures et acteurs en charge de l’organisation et de l’accompagnement au processus électoral ainsi que des membres du gouvernement.
L’audit du fichier électoral était une requête de l’opposition politique pour renforcer la confiance des acteurs du processus électoral en général et du fichier électoral en particulier. Ainsi par la lettre N°236 PM-CAB du 21 février 2018, le Premier ministre a sollicité l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) pour faire l’audit de notre fichier électoral.
Celle-ci a ainsi dépêché un comité d’experts dans notre pays, appuyé à l’occasion par des experts nationaux, pour évaluer et analyser les opérations de révision des listes électorales, notamment la validation des électeurs potentiels, les opérations de radiation et de transfert, la création des centres et bureaux de vote, l’affectation des électeurs aux bureaux de vote en vue d’identifier les forces et les faiblesses du mécanisme de mise à jour du fichier électoral et définir les mesures correctives applicables.
Les experts devaient également analyser la base de données du fichier électoral dans ses dimensions juridique, administrative, technique, statistique, géographique et sécuritaire afin de rédiger un rapport portant sur les constats, les résultats des analyses et les recommandations. Après deux semaines de travail ardu, les experts ont partagé avec le gouvernement et les acteurs du processus électoral, les résultats de leurs investigations.
Dans sa présentation, le rapporteur du comité d’experts, Dr. Samuel Azu’u Fonkam, ancien vice-président du Réseau des compétences électorales francophones (RECEF), a tenu à rappeler le caractère inclusif du processus d’expertise ainsi que ses treize membres composés des représentants des partis politiques (majorité, opposition et partis non alignés), de la société civile et des structures en charge des élections appuyés de quatre experts de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), notamment Abibe Fall, ancien directeur de l’Automatisation des fichiers du Sénégal, Séraphin Kouaho, expert en systèmes d’informations électorales et Mme Karine Sahli-Majira, démographe.
Il a été constaté que les auditeurs internationaux, conformément à leur mandat et sur la base d’une méthodologie adoptée d’un commun accord, ont travaillé parallèlement aux auditeurs nationaux. «Les deux équipes ont régulièrement présenté à l’ensemble du comité les résultats de leurs investigations. Des débats francs et constructifs s’en sont suivis et ont souvent abouti à d’autres investigations permettant de clarifier les doutes qui subsistaient.
Il y a lieu, par ailleurs, de relever que le comité a procédé, après chaque investigation tant par les auditeurs internationaux que par les auditeurs nationaux, à une restitution d’étape pour s’accorder sur les constats et les recommandations. En conclusion, il est à noter qu’il n’y avait ni sujet tabou ni fin de non-recevoir opposées aux différentes requêtes formulées» a expliqué Dr. Samuel Azu’u Fonkam.
L’expert de l’OIF indiquera, en outre, que l’analyse du cadre juridique s’est fondée, notamment sur la Loi 2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi électorale telle que récemment amendée par la Loi 2018-014 du 23 avril 2018 et sur la Loi 2013-015 du 21 mai 2013 portant protection des données à caractère personnel en République du Mali. «La chaîne de révision des listes électorales a été examinée et vérifiée sur la base des documents issus des travaux des commissions administratives de révision des listes électorales (listes de radiations et listes de transferts) et confrontées aux données mises à jour par la Délégation générale aux élections (DGE).
En outre, le comité a procédé à l’analyse de la base de données du fichier électoral de 2018 et de son mode de mise à jour, et a rapproché les données démographiques à celles du recensement général de la population et de l’habitat de 2009 (RGPH 2009). Des requêtes ont été exécutées sur la base de données du fichier électoral, conformément aux termes de référence. Ainsi, l’adéquation technologique des traitements des données a été examinée.
Il s’est agi de vérifier le processus de traitement des données en provenance du CTDEC et des Commissions administratives de révision des listes électorales (CARLE) jusqu’à l’importation des données éligibles, dans la Table «électeurs» finale de la base de données électorale de la DGE», a détaillé Dr. Samuel Azu’u Fonkam, avant d’indiquer que l’essentiel des travaux du comité a été consacré à l’analyse du fichier électoral biométrique.
Celui-ci étant issu du fichier de l’état civil, il était nécessaire de porter une attention toute particulière sur ce fichier géré par le CTDEC. «Des investigations sur de possibles cas d’anomalies dans le fichier électoral ont été conduites, elles portaient sur la qualité des données, la complétude des enregistrements, les noms et prénoms présentant des caractères spéciaux et la présence d’inscriptions multiples.
Lorsque des anomalies ont été identifiées, leur origine a été recherchée afin de formuler des recommandations. Aussi des requêtes ont-elles été exécutées sur la base de données gérées par la DGE afin de faire ressortir les anomalies du fichier électoral et d’en établir des statistiques», a déclaré Dr. Fonkam.
DONNÉES D’ÉTAT CIVIL – Après les explications importantes sur le processus d’évaluation et d’analyse, l’expert de l’OIF dévoilera que l’ensemble des investigations par échantillonnage à partir des données alphanumériques, avec contrôle des photographies, n’a permis de déceler d’inscriptions multiples. «Cela rassure sur le sérieux des travaux du CTDEC et de la DGE. Néanmoins, tout risque de doublon ne peut être écarté.
Ainsi, la proportion du nombre d’électeurs potentiels ayant une date de naissance mise par défaut (c’est-à-dire enregistrés au 31/12), s’élève à 72%, y compris ceux qui sont véritablement nés à cette date). Le phénomène tend à s’amenuiser avec le temps. Concernant les jeunes de 18-23 ans, seuls 45% ont une date de naissance par défaut. Parmi les anomalies pouvant affecter la recherche d’inscriptions multiples et la qualité du fichier électoral, notons la présence de caractères spéciaux dans les noms ou les prénoms. Seuls 11 cas avec caractères spéciaux, soit 0,00% du fichier», a-t-il relevé.
S’agissant de la qualité de la saisie des données d’état civil des électeurs potentiels, l’on retiendra que cela dépend exclusivement de la qualité des opérations d’enrôlement sur les kits et de la capacité de remplissage des formulaires par la population sur le terrain. Ni la DGE, ni les commissions administratives, ni même le CTDEC ne peuvent modifier ces informations. La numérisation des actes de naissance présentés pour l’enrôlement permettrait au CTDEC de procéder à des vérifications, sous réserve d’une autorisation de porter des corrections.
Le comité d’audit a procédé à la vérification des photos des personnes enrôlées en 2017 et dont l’année de naissance était antérieure à 1919, soit des personnes plus que centenaires venues se faire enrôler pour la première fois en 2017. Bien que l’ensemble de ces cas soient suspects relativement à l’exactitude de la date de naissance, le contrôle à partir des photographies indiquait que seuls 6 cas présentaient des photos de personnes «jeunes», c’est-à-dire de moins de 40 ans (dont 2 à l’étranger, 2 à Gao, 1 à Kayes et 1 à Koulikoro), soit 6% de l’ensemble des cas.
Concernant les supputations autour des cartes NINA vierge, l’audit révélera qu’à partir de l’aide-mémoire préparé par la Direction des finances et du matériel du ministère de l’Administration territoriale et de la note sur la supervision par la CENI de la confection et de la personnalisation des cartes NINA, après l’impression de 2013, il restait 895.156 cartes NINA vierges.
Sur la période allant d’avril 2015 à mai 2016, 880.687 cartes NINA ont été personnalisées (3.290 ratées ou extraites) pour répondre à la demande des nouveaux enrôlés. Aussi à la date d’aujourd’hui, il ne reste que 11.179 cartes non personnalisées. Concernant la cartographie électorale, on peut affirmer qu’à chaque électeur est affecté un et un seul bureau de vote et que la DGE a bien pris en compte les demandes de transfert signalées par les commissions administratives.
En effet, sur un échantillon aléatoire de 100 cas réalisés sur l’ensemble des régions du Mali, tous les cas de transfert ont été correctement pris en compte par la DGE. Ainsi chaque bureau de vote est composé de 50 à 500 électeurs, à l’exception de 17 bureaux de vote situés à l’étranger et dans lesquels moins de 50 électeurs sont inscrits. Ainsi, l’examen de la cartographie électorale (répartition des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire national et dans les juridictions diplomatiques et consulaires) respecte, sur le territoire national, les seuils fixés par la loi.
Enfin, Dr. Samuel Azu’u Fonkam a indiqué que sur la base des résultats des analyses et des investigations, le comité d’audit conclut que le fichier électoral du Mali, contenant 8.000.462 noms d’électeurs répartis entre 23.041 bureaux de vote, est suffisamment fiable pour permettre la tenue des élections générales de 2018. Cependant, les conclusions de ce rapport de synthèse ont suscité des interrogations chez les représentants des partis de l’opposition présents. A ce propos, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, a tenu à rassurer en disant qu’il s’agissait du rapport de synthèse de l’audit et que d’autres cadres de concertations seront mis en place pour prendre en charge ses interrogations.
Essor