La contagion a de quoi devenir préoccupante: après le Soudan, le Tchad, le Mali et la Guinée, ce fut au tour du Burkina Faso de connaître un coup d’Etat. Pourquoi, comment expliquer cette tournure des évènements dans une région sahélo-saharienne, devenue le terrain de jeu de nombreux groupes extrémistes dont ceux de Daesh et d’Al-Qaïda? Si le phénomène des putschs reste, d’abord, lié à l’histoire propre d’un pays et aux soubresauts politiques qui s’y déroulent, il est, aussi, tributaire des circonstances géostratégiques qui l’entourent, voire qui l’encerclent.
Lorsque la situation interne s’avère fortement dégradée, notamment au plan sécuritaire, il revient à l’armée de prendre en charge le problème, quitte à entrer, souvent avec fracas, sur le terrain politique. Tel est l’argument qui a servi au Mali, en Guinée et au Burkina Faso dont les populations ont multiplié les manifestations de colère contre le pouvoir civil, incapable de venir à bout des attaques terroristes. Autre conséquence, la colère s’est reportée sur la présence des forces internationales diverses, vues comme des occupations néocoloniales, avec, pour alibi, la lutte contre l’extrémisme. Ultime recours de cette colère populaire, l’armée devient seule à même de garantir la stabilité sécuritaire, quitte à compromettre l’édifice constitutionnel. Le scénario est, parfois, bousculé par des mécanismes supranationaux, comme on l’a vu au Tchad où l’accession au pouvoir du fils d’Idriss Deby n’a été possible que grâce à sa validation par «un partenaire important», la France. Au Mali, les choses ont été différentes, les objectifs des putschistes ne s’inscrivant pas dans un cadre similaire. D’où la pluie de sanctions décrétées officiellement par la Cédéao, dont le statut ne permet pas de telles mesures. En somme, les coups d’Etat résultent des contextes sécuritaires mais les enjeux politiques influent, dans un sens ou un autre, sur le cheminement de chaque pays, tributaire de son histoire civile et militaire et d’une trajectoire politique rarement rectiligne. Il est faux de considérer les putschs comme un recul démocratique, d’abord parce que la démocratie, dans ces conditions, reste un objectif lointain et, ensuite, parce qu’ils interviennent toujours comme la sanction de graves dérives dans la gouvernance. En témoigne la forte adhésion populaire qui accompagne, systématiquement, l’annonce d’un coup d’Etat, synonyme de rupture avec un régime contesté. En s’inscrivant dans la dynamique d’une transition porteuse d’espoirs et de changements, plus ou moins réels, la nouvelle donne permet aux peuples de croire en des lendemains meilleurs.
Source: lexpressiondz