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Editorial: 26 mars 1991-26 mars 2025, la mise à jour de la mémoire collective s’impose

Pour la 34ᵉ fois, la nation toujours endeuillée a commémoré hier la journée des martyrs. En attendant demain le cérémonial traditionnel de dépôt de gerbe du chef de l’Etat au monument des Martyrs, au nom de l’Etat, le Colonel Assa Badiallo TOURE, ministre de la Santé et du développement social en procédant « au dépôt de gerbes de fleurs en la mémoire des victimes » a rassuré la jeunesse que le Gouvernement de la Transition « tiendra toute sa place dans le respect de la mémoire de nos martyrs en faisant que tous les jours son action contribue à matérialiser leurs idéaux ». Quant aux parents des victimes (Association pour la défense des victimes de la répression, ADVR), elle estime « les victimes de la répression des évènements de janvier à mars 1991 méritent le respect et la reconnaissance de la nation et demeurent dans le cœur et dans l’esprit du peuple malien ».

 

Dans la même prise de parole, une haute autorité de la transition renvoie le peuple à cogiter à travers deux prismes. En parlant à la jeunesse de «Martyres» et à l’ADVR de «victimes», Mme le ministre est, pourtant, contre toute la sémantique, dans le lexique officiel, qui use pêle-mêle les deux termes. Mais lequel revêt le sceau de la République, l’onction de l’Etat souverain du Mali ? Car, tous ceux qui savent quelque chose de la subtilité de la langue de Molière perçoivent le grand fossé qui s’élargit en termes d’idéal entre ‘’victime’’ et martyrs (ou martyres). La nuance est de taille, de grande taille.

Si le peuple souverain du Mali, dans son expression constitutionnelle du 23 juillet 2023, «affirme sa volonté de renforcer les acquis démocratiques de la révolution du 26 mars 1991», il ne reconnait la qualité de martyrs qu’à ceux qui sont tombés dans la lutte contre le colonialisme. En fixant le 26 mars fête légale en République du Mali, le législateur a bien pris soin de l’appeler «Journée du 26 mars » tout court (Loi N°05/040 du 22 juillet 2005 relative aux fêtes légales en République du Mali).

De l’hôpital Gabriel TOURE au monument des Martyrs en passant par le carré des martyrs, le fameux triangle ne tranche pas la qualité de ceux qui sont tombés. Si la tradition républicaine se conforme complaisamment bien avec le terme Martyrs, nulle part dans la légistique, on ne le rencontre. Donc nul n’ira faire des noises à Mme le ministre pour évoquer la mémoire de nos martyrs du 26 mars qui n’ont aucune existence légale au Mali.

L’aggiornamento de la mémoire collective devrait aussi concerner, au-delà de leur qualité, leur nombre. La communication officielle de Mme la ministre de la Santé et du développement social, sûrement sous le coup de la jeunesse, évoque un «Carré des martyrs sis au cimetière de Niarela où reposent des milliers de victimes tombées pour la démocratie ». Doit-on les en vouloir ?

Un ancien Premier ministre de la République, Moussa MARA, qui avait pourtant ses 32 dents le 26 mars 1991, et qui estime qu’au « moment où la démocratie et les libertés sont remises en cause, … que jamais nous devons rester vigilants et actifs », que «34 ans après le vendredi noir qui vit des centaines de Maliens donner leurs vies pour la démocratie ».

D’après le site officiel de la présidence de la République, la manifestation de milliers d’étudiants du 22 mars a fait « une centaine de morts », au lieu de milliers qui reposent à Niarela.

Au lieu de 314 victimes officiellement reprochés aux accusés par l’acte d’accusation lors du procès crimes de sang, Me Laïty KAMA, Avocat Général près la Cour de cassation du Sénégal et Expert du Groupe de travail sur la détention arbitraire de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, dans un rapport fait à la demande de la Commission Internationale de Juristes (C.I.J.), évoque «d’après les chiffres officiels la mort de quelque 106 personnes et plus de 500 blessés ».

Dans cette forêt de chiffres, un jeune malien de moins de 20 ans se perdrait de bonne foi, et il n’est nullement de notre responsabilité historique commune de le laisser s’égarer. L’égard est considérable entre les 314 victimes pour lesquelles Moussa Traoré (paix à son âme), son gouvernement et le Bureau Exécutif central (BEC) du parti unique constitutionnel, UDPM avaient été poursuivis dans le cadre du procès crimes de sang et les 106 victimes pour lesquelles ils ont été condamnés à mort.

Le monde change, il faut que la nation se mette à jour. Le 26 mars, ce n’est plus hier, ni avant-hier. À la chute de Moussa TRAORE la majorité aujourd’hui de notre peuple n’était pas née. Que savent-ils du 26 mars ? Ce que nous leur disons, ce qu’ils liront et entendront de notre part. Aussi, doit-on à cette jeune génération et à celle à l’avenir de notre pays vérité, sincérité et objectivité.

Le monde a changé, notre pays doit faire son aggiornamento, sa mise à jour. La République du 26 mars est morte et enterrée. Le Mali n’est plus aux temps où «le peuple souverain du Mali, fort de ses traditions de lutte héroïque, engagé à rester fidèle aux idéaux des victimes de la répression et des martyrs tombés sur le champ d’honneur pour l’avènement d’un Etat de droit et de démocratie pluraliste ; affirme sa volonté de préserver et de renforcer les acquis démocratiques de la Révolution du 26 mars 1991… ». Avec l’avènement de la 4e République, le Peuple souverain est simplement « fidèle aux idéaux des martyrs du colonialisme, des pères de l’indépendance et de tous ceux qui sont tombés au champ d’honneur pour la défense de la Patrie, l’avènement d’un Etat de droit, de démocratie pluraliste et pour une bonne gouvernance ».

Foin d’une remise en cause, mais une mise à jour est indispensable dans le logiciel politique et institutionnel. Le 26 mars étant désormais un repère historique comme un autre, il faudrait intégrer et accepter que tous les vainqueurs parés et drapés de visage d’ange ne sont pas des saints. Bien au contraire. Mais que chaque acteur ou prétendu acteur du 26 mars accepte de se voir à travers le prisme de la vérité, celle des faits. Que celui qui a été docteur grâce à Moussa TRAORE ait la grandeur d’âme enfin de tourner la page de la rancœur et de la haine qui ne le grandissent pas. Que ceux qui ont enlevé la veste, ont failli en venir aux mains afin d’être candidat du parti «Moussaiste» à la première présidentielle, arrêtent d’avoir honte de leur passé.

Que ceux qui ont également caressé dans le grand secret avec ou sans Macron d’être président de cette transition et ceux qui en ont voulu à mort à l’imam DICKO de n’avoir pas été Premier ministre de la Transition puis à Assimi de les avoir roulés dans la farine lors du limogeage de Choguel en ne leur offrant pas la Primature, le ministère de l’Industrie et du commerce ou celui de la jeunesse laissent tomber le masque du 26 mars. Que les barons de la transition de 1992 qui se tapent une centaine de millions de dividendes annuels pour leur participation dans des sociétés juteuses arrêtent de revendiquer la garde de la mémoire de ces pauvres martyrs qui n’ont jamais vu la couleur de leur pognon et de leurs villas.

Tournons la page et avançons

Trente-quatre (34) ans, au-delà des passions, des haines, il est temps d’harmoniser les vérités, de concilier les faits et les discours, de réconcilier le peuple et sa mémoire… Sans aucune volonté de réécrire l’histoire, sans aucune ambition de maintenir les générations futures derrière un écran de fumée, qui ne serait prospéré ad vitam ad aeternam. Il est temps d’écrire la vraie histoire du 26 mars, sans aucune légende urbaine, en restituant les choses telles qu’elles se sont déroulées.

Parce que demain, nos petits s’étonneront de nous voir commémorer la fête ou la semaine des martyrs dans une République qui, à notre connaissance, ne leur consacre aucune existence légale. Sinon, la nation sera toujours abreuvée à la source du vainqueur. Et celui du 26 mars n’avait pas d’état d’âme.

PAR SKOU BAH

Source : Info Matin
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