La composition du gouvernement Oumar Tatam Ly, le dimanche 8 septembre, a surpris les alliés politiques d’IBK. Il s’agit bien de la CODEM, du MPR, du CNID et de certains candidats qui lui ont apporté leur soutien au second tour. Résultat : IBK a pratiquement doublé son score du premier tour.
Les mécontents laissent entendre qu’ils n’ont pas été respectés par le tout nouveau Président de la République, pas parce qu’ils n’ont pas intégré le gouvernement, mais parce qu’ils n’ont eu aucune possibilité de communication avec IBK. Ils ne connaissent donc pas ses véritables intentions politiques. C’est pourquoi, rares sont ceux des alliés qui ont produit un communiqué de presse pour prendre acte de la composition du gouvernement ou pour des félicitations ou un soutien. Ils restent toujours froissés. Des conciliabules discrets seraient déjà entamés pour se regrouper et, au besoin, élargir la base politique de l’opposition en rejoignant Soumaïla Cissé. Ils ont donc envie de savoir si IBK a réellement besoin d’eux.
Certains pensent déjà à un règlement de comptes politique parce que la CODEM est sortie des entrailles du RPM et que le CNID et le MPR, naguère Espoir 2002, ont eu à trahir IBK au profit d’ATT.C’est pourquoi, ils ont été ignorés dans le gouvernement au profit de Moussa Mara dont le score est bien en deçà de celui du trio. Cela est-il suffisant pour conclure à un règlement de comptes ?
La réponse est, de notre point de vue, négative. Le cas Moussa Mara suffit en lui-même pour affirmer que la composition du gouvernement est loin d’être inspirée par un règlement de comptes politique. Qui a fatigué IBK, dans son fief de la commune IV plus que ce jeune maire ? C’est bien Moussa Mara qui a mis IBK, le tout-puissant président de l’Assemblée nationale, en ballotage le contraignant à un second tour, lors des législatives de 2007. Si IBK était un revanchard, il commencerait par Moussa Mara, en essayant de l’affaiblir et non en le renforçant comme il l’a fait.
En revanchard, il laisserait l’ADEMA à la touche ou favoriserait sa déconfiture en choisissant d’autres cadres qui ne font pas l’unanimité au sein du parti.La composition d’un gouvernement obéit à des critères tels que, principalement, le poids politique. Il se trouve aujourd’hui que ni le CNID ni le MPR ni la CODEM ne sont des foudres de guerre politiques. Ils doivent donc bien comprendre qu’IBK n’a pas besoin d’eux pour gouverner. S’ils veulent être davantage respectés, politiquement parlant, par le nouveau Président, qu’ils se battent pour les législatives prochaines afin de compter à l’Assemblée nationale. C’est vrai qu’IBK, dans sa grande générosité, aurait dû intéresser ces trois partis pour conforter sa base politique. Il a préféré encourager le seul RPM avec au moins 11 ministres du pur sérail politique, avec à la clé des portefeuilles ministériels stratégiques comme la Santé, l’Education et le Développement rural. Si IBK avait une dette envers les Tisserands, il l’a payée, et de la plus belle manière.
Il a, en effet, donné les moyens à son parti pour la conquête du pouvoir législatif. Ce qui indique qu’il n’y aura pas de législatives avant six mois, le temps pour le RPM de prendre connaissance de l’appareil d’Etat et de l’utiliser, bien sûr, à bon escient, au moment venu, pour la députation. C’est dire qu’IBK ne veut pas compter sur les autres, le RPM d’abord et les alliés après. C’est une intelligence politique qui fait peur aux autres, qui leur fait croire que le nouveau Président risque de s’arroger tous les pouvoirs, ce qui serait, selon eux, dangereux pour la République.
Par contre, d’autres estiment qu’un pouvoir politique se doit de s’offrir une majorité forte et stable, qu’on ne pourrait pas déstabiliser au gré des humeurs, ou à travers un chantage honteux.
Aux alliés de comprendre : IBK veut tout le pouvoir. Une fois cette velléité réalisée, il pourrait être généreux en partageant le pouvoir sur des critères que lui-même aura définis pour consolider à la fois sa base politique et sociale. La composition du gouvernement n’a donc rien d’un règlement de comptes politique mais procède, plutôt, d’une stratégie politique efficiente pour se donner une majorité simple ou absolue à l’Hémicycle.
Chahana Takiou