Le scénario politique que de nombreux maliens redoutaient est en train de s’écrire : une transition quasi militarisée, laissant à quai les vrais acteurs sociopolitiques du pays. Manifestement, les putschistes (ou révolutionnaires de Palais) du 18 août 2020, après avoir bien réussi à dribler leur allié objectif qu’est le Mouvement du 05 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), dans le choix du président et du Premier ministre de la Transition, sont décidés de garder carrément la main sur l’organisation et la conduite de toutes les institutions de la Transition malienne.
Ce qui contrarie avec la position du Mouvement du 05 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). Lequel est convaincu que le CNSP doit collaborer avec eux pour l’amorce d’un vrai changement de système politique et de gouvernance voulu par les masses populaires pendant quatre mois d’insurrections. A l’origine de la chute d’IBK, le M5 croit légitimement qu’il doit bénéficier d’une plus grande représentativité au sein du CNT et occuper sa présidence.
Un droit que son Comité stratégique n’a de cesse rappelé aux militaires, lors des rares fois qu’ils se sont rencontrés. Les autres partis politiques et les syndicats du Mali estiment qu’ils doivent eux aussi être valablement représentés dans cette assemblée législative transitoire. Mais le CNSP fait prévaloir la légitimité des armes sur la légitimité populaire. Un état d’esprit dont réfute fermement le président du Comité Stratégique en ces termes: « Le M5-RFP refuse de servir de faire-valoir à un régime militaire déguisé ».
Les décrets : n°2020-0142/PT-RM du 9 novembre 2020 fixant les modalités de désignation des membres du CNT et n°2020-0143/PT-RM du 9 novembre 2020 fixant la clé de répartition entre les composantes du CNT sont de nature à parachever la volonté des militaires. Ces décrets permettent aux colonels du CNSP, non seulement d’avoir le plus grand nombre de représentativité au CNT. Mais aussi et surtout, ils leur permettent d’en être, à travers le vice-Président de la Transition non moins président du CNSP, le censeur des autres composantes de la Société malienne. Tant le second décret accorde au Colonel Assimi Goïta, le droit de choisir tout seul l’ensemble des membres du CNT. Par cette alchimie, la présidence l’organe législatif de la Transition reviendrait forcément au vice-président du CNSP, un homme très longtemps pressenti pour occuper ce poste.
Cet ultime accaparement du CNT par le CNSP, qui survient après ceux de la présidence, la vice-présidence et du Gouvernement de la Transition, est vivement décrié par l’ensemble de la classe politique et des Centrales syndicales du pays. Plus que jamais, ces principales composantes de la société malienne considèrent qu’il y a manifestement une mainmise militaire des colonels du CNSP sur la Transition en cours. D’où leur renoncement de siéger au CNT. Le processus transitionnel dans notre pays risque ainsi d’être très tumultueux car, la classe politique et les mouvements syndicaux ont averti qu’ils ne vont pas rester les bras croisés face à cette mainmise des militaires.
Cette volonté de fronde, si elle est mise à exécution, n’est pas sans conséquence sur la marche de la Transition. Le CNT se verrait priver de l’expertise d’imminents juristes que comptent le M5 et les autres composantes sociopolitiques du pays. Notamment, pour les amendements constitutionnels et la relecture du code électoral. Mais en l’absence des principales composantes sociopolitiques du pays, à quoi peut-il servir le CNT ? Le CNSP, vrai détenteur du pouvoir actuel, est-il capable de lâcher du lest, en renonçant à sa position dominante dans la composition du CNT afin de ne pas entraver la bonne marche de la Transition?
Quoi qu’il advienne, Bah N’Daw et les colonels du CNSP doivent comprendre qu’en politique, en l’occurrence en Transition politique, il faut forcément un compromis avec les principaux acteurs pour avancer.
Gaoussou Madani Traoré
Source: Le Pélican- Mali