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Édito : La guerre des chiffres

La révolution à laquelle nous assistons dans la capitale ne finit pas de livrer tous ses secrets. Les revendications varient au gré des circonstances. Ce qui dénote qu’au sein du M5 RFP, il y a bien des têtes pensantes qui n’ont autre mission que de réfléchir sur les stratégies afin de plomber davantage le pouvoir dans le but de contraindre IBK d’accepter toutes leurs doléances. Tantôt la démission ; par moment, deux autres institutions sont la cible : la primature et l’assemblée nationale. Ce dernier point mentionné dans le mémorandum et qui est la condition sine qua non d’abandonner le projet de ‘’renverser IBK par la force’’, tel que clamé par l’EMK de Cheick Oumar Sissoko, est à la limite une insulte à l’endroit d’un président démocratiquement élu. Cette radicalité est justifiée par ce refrain : Au Mali quand on veut petit on demande beaucoup. D’accord ! Mais la ferveur autour de ce combat dépasse tout le monde aujourd’hui. Personne n’a le contrôle des choses. Dans un contexte pareil si la doléance dans son entièreté arrivait à passer, le président sera un chef de façade ; tout le pouvoir passera entre les mains de ses adversaires politiques, c’est-à-dire les contestataires qui se servent du nom du peuple pour mener leur combat de conquête du pouvoir.

En son sein, seule l’autorité morale, l’Imam Dicko et quelques-uns de ses plus proches inspirent confiance. Parmi ceux-ci, il y a des politiques sincères. Mais ils semblent ne plus avoir le monopole des affaires. Les radicaux ont déjà pollué l’atmosphère et le degré de la bataille a l’image d’un point de non-retour. C’est là où Dicko doit faire extrêmement attention pour ne pas porter le chapeau du chaos tandis qu’il est connu de tous comme un pieux, qui prêche la paix et appelle les fils du pays à jeter les considérations partisanes au profit de la Nation.

Épargnez-moi, en lisant ce passage ci-dessus, l’étiquette de défenseur du pouvoir d’IBK. Ma position est connue. Je n’ai jamais soutenu le système et je continue à le dénoncer jusqu’au changement de gouvernance ; mais, sans tomber dans l’extrémisme pour des desseins personnels qui n’arrangent pas le Mali.

Depuis les manifestations du 10 au 12 Juillet qui ont enregistré des blessés et morts d’hommes, les positions se sont durcies. Des cerveaux du M5 RFP se servent désormais de ces évènements tragiques pour motiver plus de gens à leur regagner mais aussi un motif valable pour imposer au Mali leur vision de gouvernance. C’est là où des chiffres se battent. Selon les sources hospitalières, 11 personnes sont décédées ; côté M5, ils annoncent 23 décès. Après des investigations auprès des hôpitaux, particulièrement l’hôpital Gabriel Touré, il ressort de la démarche 11 décès mentionnés officiellement dans les registres. Du côté du M5 RFP, des sources anonymes nous confirment les 11 morts annoncés dans un premier temps. Mais elles ajoutent qu’il y a eu d’autres décès parmi les blessés sans pouvoir avancer un nombre exact. Pour ce qui est du nombre de décès 23, brandit partout, nos sources démentent catégoriquement l’information : « Ça ne vaut pas 23. Même au niveau du M5, personne ne peut avancer le nombre de morts avec exactitude ».

La conclusion qu’on peut tirer de cette guerre des chiffres est que certains leaders du M5 RFP s’agrippent à cette information erronée pour enflammer la situation et gagner leur objectif qui est de tout fouler au pied et régner sur les cendres du Mali.

Ce qui met complètement à nu le caractère d’intérêt personnel de leur posture, c’est le fait de choisir leurs morts.  Sinon, au-delà des morts enregistrés lors de ces récentes manifestations, ils devraient se battre pour tous ces innocents citoyens qui tombent à longueur de journée au nord, au centre et même dans la capitale malienne à cause de l’insécurité. Ils doivent demander l’ouverture d’enquête pour tous ces morts afin que les auteurs soient connus et traduits devant les juridictions compétentes.

Cette frénésie à la recherche, via autres voies que celles légales, du pouvoir sous prétexte des moyens constitutionnels, la désobéissance civile, a amené ces quelques leaders à pointer du doigt les forces de l’ordre, précisément la forsat comme responsable des tueries. Une information démentie par des sources sécuritaires. Sans apprendre quoi que ce soit à ces acteurs politiques qui ont des décennies de carrière politique à leur compteur en de telle circonstance, la rationalité voudrait bien qu’on exige l’ouverture d’une enquête afin de situer les responsabilités qu’au lieu d’aller vite en besogne tout en accusant injustement l’unité spéciale.

Une autre remarque pertinente. Les cas de blessés, certains très graves plongés dans le coma, du côté des forces de l’ordre ne ressortent pas dans les pamphlets politiques des leaders du M5. Quelques-uns ont été blessés par balles. Qui ont tiré sur eux ? Les forces de l’ordre méritaient aussi à leur tour de la compassion de la part des contestataires car elles ne sont pour aucun bord politique mais engagées résolument à défendre le Mali.

Boubacar Yalkoué

Source: Journal le Pays-Mali

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