Depuis un mois, le Mali connaît une grande effervescence politique suite à la contestation des résultats des législatives controversées proclamés par la Cour Constitutionnelle. En l’espace de deux semaines, une coalition de mouvements de la Société civile et partis politiques dénommée : Mouvement du 05 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) a vu le jour. Ce mouvement dénonce la mal gouvernance et la corruption mais aussi s’insurge contre le manque de souveraineté nationale de notre pays.
Les deux méga meetings grandement réussis des 05 et 19 juin du M5-RFP, à la place de l’indépendance de Bamako, ont pu fédérer des centaines de milliers de mécontents et frustrés du régime IBK, faisant incontestablement de nouveau mouvement la principale force d’opposition. Laquelle exige la fin du système politique en vigueur par la démission du président de la république, la dissolution de la Cour Constitutionnelle et celle de l’Assemblée nationale. Une requête que le pouvoir et ses alliés, bien que conscients de la force réelle de mobilisation des contestateurs, réfutent. Pour proposer en lieu et place des négociations de sortie de crise.
Dans cette dynamique, le président IBK, en compagnie de son PM Boubou Cissé, a naturellement ouvert le bal en allant rencontrer chez l’ancien Chef de l’Etat Moussa Traoré, Mahmoud Dicko, le principal leader du M5-RFP, qui avait à ses côtés le porte-parole du mouvement, Choguel Kokala Maïga. A l’issue de ladite rencontre, le Chef de l’Etat est ainsi sorti de sa léthargie pour s’adresser le dimanche 14 juin à la nation. Et propose l’ouverture de larges négociations pour la formation d’un Gouvernement d’Union nationale.
Toutefois, le contenu de ce discours ne semble pas intéresser le M5-RFP qui a choisi de récuser une invitation présidentielle qui aurait dû avoir lieu au palais de Koulouba. Une rencontre entre la coalition de partis politiques Ensemble Pour le Mali (EPM) et le FDS, au cabinet du Chef de file de l’opposition, s’est aussi soldée par un cuisant échec. Quid de la médiation de la CEDEAO ? Cette organisation sous-régionale propose, pour une sortie de crise, la dissolution de la Cour Constitutionnelle et l’organisation d’élections partielles dans les circonscriptions électorales contestées.
Cette solution à minima de la CEDEAO, inconstitutionnelle, ne rime pas avec les exigences du M5-RFP. Qui campe sur la fin du système politique actuel, en réitérant sa demande de démission du président IBK et son régime. Tout en réaffirmant sa grande détermination à mettre en œuvre tous « les moyens légaux et légitimes » pour l’atteinte de cet objectif. Ce dont les partis incarnant la majorité présidentielle rejettent, en appelant, au cours de cette semaine, leurs militants et sympathisants à une marche (à risque ?) de soutien au Chef de l’Etat ainsi qu’aux institutions de la république. Comment alors sortir de cette crise politique ?
Concrètement, compte tenu de la grande perte de confiance des citoyens aux institutions de la république, les canaux constitutionnels ne pourraient prendre en compte aucune exigence du M5-RFP. Il faut donc sortir du juridisme car, la crise est politique. Dans ces conditions, seule la solution inconstitutionnelle reste de mise. Pour l’intérêt supérieur de notre pays, n’en déplaise aux juristes adeptes du strict respect de la constitution, cette voie devra être envisagée. Celle-ci aurait au moins toutes les chances d’éviter au pays l’incertitude et le chaos tant redoutés. La Constitution n’est ni la Bible ni le Coran. Simple œuvre humaine, elle saurait être au-dessus de l’intérêt national. N’a-t-elle pas été déjà violée à plusieurs reprises, notamment lorsque l’exécutif et le législatif en intelligence avec les juges constitutionnels ont eu à repousser, par deux fois, la tenue des législatives à date pour ensuite prolonger le mandat des députés. N’est-ce pas déjà une jurisprudence dans l’arrêt de la Cour Constitutionnelle ?
Comme quoi, la solution de sortie de crise politique doit être forcément malienne mais aussi et surtout peut bien être inconstitutionnelle. Le pouvoir, en sachant raison garder, doit alors tout faire pour y adhérer illico presto. Cela permettrait certainement d’éviter un troisième méga meeting au cours duquel les leaders de la contestation pourraient perdre le contrôle des manifestants ou privilégier l’épreuve de force. Dont les conséquences sont imprévisibles. A situation exceptionnelle, remède exceptionnel !
Gaoussou Madani Traoré