Kidal, nul n’en parle plus. Depuis que le gouvernement de Modibo Keïta 3 y a mis en place les autorités intérimaires, les Ifoghas ont obtenu satisfaction sur toute la ligne. Un des leurs, et pas des moins, un récidiviste rebelle a été investi président du conseil régional. Or, d’après les dispositions de l’ « Entente pour la mise en place des autorités intérimaires », un président de conseil régional détient plus de pouvoir que le président de la République : président de l’organe délibérant, il est également chef de l’exécutif et chef de l’administration territoriale. L’on dira qu’il est sous le contrôle du Représentant de l’Etat, le Gouverneur. Mais le Représentant de l’Etat semble ne représenter que lui-même, interdit d’accès au gouvernorat, empêché de faire flotter les couleurs nationales, il ne peut exercer qu’un contrôle à postériori.
Ainsi, ce que Modibo Keïta avait, sans ambages, refusé à Attaher Ag Illi, ce qu’Intalla Ag Attaher n’aurait jamais osé demander à Moussa Traoré, a été offert sur un plateau d’argent à l’aristocratie de l’Adagh par le troisième chef de gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Donc, de Kidal, nul ne parle plus.
Ce qui préoccupe aujourd’hui la Nation, ce sont deux sujets qui troublent le sommeil : la perte, de facto, des régions du Nord et l’insécurité qui fait vivre dans l’angoisse dans le Centre.
Le Centre, cercle de Djenné. Excédés par les abus des présumés « djihadistes », des chasseurs se sont fait justice sur des villageois peuls. S’en est suivie une spirale de la violence. Les Peuls surprennent un contingent de chasseurs en brousse et se gardent de faire quartier : ils l’exterminent et, comble de l’horreur, le chef chasseur est décapité et sa tête posée sur sa poitrine. L’armée a fait le déplacement samedi pour aller donner une sépulture aux suppliciés.
Des Bozos contre des Peuls (Djenné), des Dogons contre des Peuls (Koro), des Bamanans contre des Peuls (Niono), des Sonrhaïs contre des Arabes (Gao) : le spectre des conflits intercommunautaires s’est déployé sur certaines de nos contrées, conséquence de l’extrême affaiblissement de l’autorité de l’Etat. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Par le passé, cela a même été encouragé par le pouvoir. En 1994, les Imghads se révoltent contre les Ifoghas. Le MPA éclate. L’ARLA sort de ses flancs. Les deux mouvements se déchirent. Le pouvoir fait pencher la balance du côté du MPA en lui fournissant des armes. A la même période, incapable de protéger les populations, il laisse des mouvements d’autodéfense négro-africains se constituer pour en découdre avec les Arabo-Berbères. La tendance à favoriser les affrontements intercommunautaires, atteindra son paroxysme à la suite de l’invasion de 2012. Le pouvoir n’hésite pas à traiter avec des narcotrafiquants libérés de prison, à garantir leur immunité en les faisant siéger dans des assemblées, mais à une condition : qu’ils aident à constituer des milices.
Conséquence de l’adoption d’une telle attitude : le rôle de l’armée nationale se trouve minoré. Cela interpelle. Cela n’est pas sans nous rappeler ce que nous avons été par le passé : un creuset au sein duquel contacts et brassages ont débouché sur la construction d’entités politiques fortes sur de vastes espaces sécurisés. Comment en ces moments tragiques ne pas rappeler les qualités de notre peuple dont, en particulier, son attachement à un ensemble de valeurs fondement de l’humanisme soudanais ? Puissent nos gouvernants restaurer les conditions de la renaissance afin que le Mali redevienne ce bloc sans couture contre lequel plus d’un envahisseur a épuisé ses armes en vain.
LA REDACTION
Par Le Sursaut