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Droit des femmes : les préjugés, fondements de l’exploitation sexuelle

Les violences sexuelles constituent de nos jours, partout dans le monde, une dure réalité que traversent les femmes et les jeunes filles. Ces violences s’expliquent par des préjugés dont ces êtres sont victimes. Elles soulèvent également des problèmes éthiques.

« Entre 15 % et 71 % des femmes dans le monde ont été victimes de violences physiques ou sexuelles commises par un partenaire masculin intime à un moment de leur vie », souligne-t-on dans le rapport 2012 de la Fondation Scelles.

Les victimes de la violence sexuelle

Les violences à l’égard des femmes et des jeunes filles dans le monde varient selon les formes. Si certaines formes comme le mariage forcé ou encore le mariage des mineurs diminuent de plus en plus, il convient de souligner que d’autres connaissent un développement exponentiel.

Dans la plupart des sociétés modernes, l’exploitation sexuelle connait une forte explosion notamment à travers la prostitution des mineurs, la prostitution forcée, le viol, l’esclavage sexuel, etc.

Selon le Rapport mondial de la Fondation Scelles sur l’exploitation sexuelle en 2012, dans le monde, elles étaient 40 à 42 millions de prostituées dans le monde. Le rapport précisait que « 75 % d’entre elles auraient entre 13 et 25 ans ». 

Le même rapport indiquait que « Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) 3, 79 % des victimes de la traite des êtres humains le sont à des fins d’exploitation sexuelle et 79 % d’entre elles sont des femmes ou des fillettes. »

Entre octobre et novembre 2019, Alioune Tine, Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, indique que 956 cas de violences sexuelles ont été signalés au Mali. 43% de ces violences auraient été commis par des membres de groupes armés, précisa-t-il.

Les travailleuses de sexe, dans la plupart des sociétés, connaissent des violences inouïes. Des clients qui, ne voyant en elles que de simples objets, jouissent d’elles, le plus souvent, sans accepter de payer la contrepartie, abusant ainsi du statut de « sexe faible » que l’on attribue généralement à ces êtres.

En 2010, Assi (le nom à changer), une travailleuse de sexe à Bamako, me racontait : « Des clients nous (elle et ses autres camarades) arrivent souvent qui ne cherchent qu’à satisfaire leur libido, mais sans payer. J’ai plusieurs fois été victime de cette pratique. »

Selonle 5e rapport (2019) de la Fondation Scelles intitulé « Système prostitutionnel : nouveaux défis, nouvelles réponses », il est précisé :« […] Partout, la prostitution est un système de violence et d’exploitation : violence des clients, des trafiquants et des proxénètes, mais aussi violence de la société et des gouvernements… ».

Les femmes et les jeunes filles sont les plus exposées à l’exploitation sexuelle dans le monde. Une situation qui s’explique non seulement par des causes politiques et institutionnelles, mais aussi par les perceptions sexistes sur ces êtres. Elles sont vues dans la plupart des sociétés comme de simples « objets sexuels » servant à la jouissance du « sexe fort », l’homme, qui aurait le droit de jouir d’elles à son bon vouloir.

Cette conception reçoit assez de crédits dans les cercles de jeunes où on s’adonne à une pratique d’exploitation sexuelle communément appelée « chaa ». Une pratique consistant à violer collectivement une jeune fille.

Cette pratique est encouragée par l’inexistence d’une pratique de dénonciation de ces violences au Mali. Cette inexistence quant à elle s’explique, pour certaines, par l’ignorance des procédures à suivre dans ces genres de situations. Pour d’autres, elles n’en veulent même pas parler pour éviter de recevoir des critiques les culpabilisant de l’acte subi. C’est ce que nous explique l’UNESCO à travers ces propos : « Dans de nombreuses sociétés patriarcales et conservatrices, les victimes de viol sont en effet rejetées – voire même tuées – par leur mari, leur belle-mère, leur famille, leur communauté ».

Cette pratique constitue également la preuve de l’incapacité de la plupart des hommes à se maitriser. C’est de peur de ces pratiques que la plupart des sages de l’antiquité recommandaient la vertu de la maitrise de soi.

Ce préjugé faisant de ces êtres des « objets de jouissance sexuelle » combiné au manque de maitrise de soi justifie la plupart des violences à l’égard des femmes et des jeunes filles dans nos sociétés. Une considération qui leur rend la vie presque invivable. Bien habillée aussi bien que mal habillée, la femme est séduisante et provocatrice, pense-t-on généralement, et susceptible de harcèlement sexuel et par ricochet de viol.

Dans les conflits ainsi que dans la pauvreté, la femme et la jeune fille font face à la violence sexuelle comme si elle ne pouvait servir à autre chose qu’à cette jouissance ou encore comme si elles étaient des marchandises.

La crise sécuritaire au Mali

L’exploitation sexuelle a pris plus d’ampleurs au Mali avec l’avènement de la crise sécuritaire de 2012. Plusieurs femmes ont été victimes de cette forme de violence de la part de groupes terroristes au nord aussi bien qu’au centre du pays (entre 2015 et 2019).

Selon la « Stratégie Cluster protection-Mali » de mars 2017, la « violence sexuelle et/ou liée au genre, dont le viol et l’agression, l’exploitation sexuelle, y compris la prostitution et les rapports forcés en échange d’aide… » se sont accrus dans les régions du nord et du centre du Mali avec l’avènement de l’insécurité.

Dans les zones de conflit, au Mali aussi bien qu’ailleurs, les femmes et les jeunes filles sont exposées au viol, à la prostitution forcée, à l’esclavage sexuel, aux grossesses non désirées et forcées, etc.

Selon un manuel de l’UNESCO publié en 2019 sur les violences sexuelles à l’égard des filles et des femmes, il est écrit : « Le viol est souvent utilisé comme une stratégie de guerre, une arme destinée à détruire les hommes en jetant l’opprobre sur leur descendance en s’attaquant aux femmes. »

Cette forme de violence, sur fond de préjugés, doit interpeler la conscience de tout un chacun.

Un problème éthique

« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans celle de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen », invitait le philosophe allemand du début du18ème siècle, Emmanuel Kant. Cette maxime voudrait la cessation de toute « marchandisation » du corps humain, puisque contraire à la dignité de l’humain. La personne humaine possède une valeur incontournable, la morale, qui nous interdit de lui donner un prix comme s’il s’agissait d’une chose.

La violence sexuelle, dont la gent féminine est victime, constitue une « marchandisation » ou encore une « chosification » du corps de la femme et de la jeune fille. Une pratique contraire à la rationalité et à la dignité humaine.

Selon Hervé Kempf, journaliste et écrivain français, cette « marchandisation » constitue le summum de l’abomination.

Ces violences « ont de graves conséquences pour la santé des femmes telles que des grossesses non désirées, des infections sexuellement transmissibles, des blessures, des dépressions et maladies chroniques », explique la Fondation Scelles dans son rapport 2012 sur « la prostitution au cœur du crime organisé ». Elles soulèvent également des problèmes éthiques.

Un changement de comportement s’impose

Il est urgent que plus d’actions soient posées afin de mettre fin à toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des jeunes filles, notamment les violences sexuelles.

Il importe de cultiver et d’encourager une pratique de dénonciation des violences sexuelles. Il faudrait également inviter à un changement de perception sur les femmes.

Pour réussir à instaurer ces mesures, l’éducation pourrait jouer un rôle immense. Il convient d’apprendre aux jeunes à voir aux femmes et aux jeunes filles des êtres autres que des objets de jouissance sexuelle. Outre cela, il faudrait arriver à la compréhension que rarement un être humain s’expose volontairement à la violence, notamment sexuelle.

La campagne mondiale des 16 jours d’activisme pour l’élimination des violences à l’égard des femmes ne suffit pas. Il faudrait instituer dans les programmes scolaires des cours sur les violences sexuelles.

Ces cours mettront l’accent sur les conséquences de ces violences non seulement sur la victime, mais aussi pour leurs auteurs. Ils devront servir de cadre de sensibilisation sur l’égalité genre. Il n’y a rien de plus beau qu’un monde sans violence.

Sory Sissoko

 

Source: Le Triomphe

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