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Drame du 16 mai: la sanction des irresponsabilités

Les pluies torrentielles, qui ont brutalement tiré les Bamakois de leur sommeil, à l’aube de ce jeudi 16 mai, marqueront durablement les esprits. Par leur brutalité, leur puissance dévastatrice, leur impact dramatique, elles auront contribué à faire inscrire, de nouveau, notre pays dans la liste des références morbides.

 

Après la série de massacres, à relent génocidaire, dans sa partie centrale, le Mali se serait certes passé de cette publicité.

Une vingtaine de morts, plusieurs maisons détruites, des familles profondément endeuillées par la perte de la quasi-totalité de leurs membres. Toute une vie de labeur anéantie. Un paysage apocalyptique consécutif à l’entêtement des gens, à leur refus de l’évidence d’une situation périlleuse, à la cupidité d’élus locaux, obstinés à faire de la cuvette bamakoise un étouffoir pour satisfaire leur besoin immodéré d’argent.

Fallait-il en arriver là pour  susciter le sursaut de conscience espéré depuis des décennies ? Après les protestations et indignations d’usage, va-t-on de nouveau assister à pareilles horreurs ? Les responsabilités de ces désastres seront-elles véritablement situées ?

Ces questions, parmi tant d’autres, constituent depuis ce jeudi noir le menu des bavardages de tous les lieux de rencontres de la capitale. Elles pourraient rester sans réponse, selon une tradition bien établie de la démocratie malienne. Et en raison de la mollesse des organisations de la Société civile, qui ne réalisent pas encore l’étendue des pouvoirs dont elles disposent pour impulser les changements dans le pays.

Le président de la République, accouru sur les lieux avec certains ministres directement interpellés par la situation, affichait la mine des circonstances. Il en a eu les mots aussi: « c’est une scène apocalyptique, elle est très dure. Tous ces enfants qui sont morts, toutes ces femmes qui sont mortes, il y a une grande part de responsabilité humaine. Nous sommes tous coupables, non d’avoir dit mais de n’avoir pas sanctionné « .

Puis, transporté par sa faconde usuelle, il s’en prit aux élus municipaux : » nous n’arrêterons plus de le dire, nous rappelons encore aux élus municipaux leur devoir, qui n’est pas seulement la distribution de lots à usage d’habitation, c’est également la protection des populations. Ce n’est pas la cupidité qui doit être gagnante dans cette affaire, il faut que l’on pense à sauver la vie des gens dans ce pays, de plus en plus, de mieux en mieux« .

Retrouvant les accents de la campagne de 2018, IBK a ensuite renoué avec son exercice favori, celui des promesses : » nous devons, dès maintenant, prendre les mesures idoines, de prévention, d’anticipation pour protéger les vies des hommes et des femmes, et même celle des bêtes et notre environnement, nos biens. Les gens qui ont perdu tous leurs biens sont aujourd’hui très démunis. L’effort vigoureux doit venir des mesures très vigoureuses du gouvernement, en matière urbanistique et environnementale. Il est temps, il est grand temps que le civisme reprenne ses droits, que la discipline républicaine revienne, cela peut protéger, cela peut sauver des vies« .

Le président de la République ne pouvait quitter un tel théâtre de désolation sur des banalités. Tel qu’en lui-même, Ibrahim Boubacar Kéïta, porté sur les engagements, n’eut aucun mal à trouver les mots de conclusion attendus : »je repars d’ici très ému, certainement plus déterminé que jamais à engager l’Etat à assumer ses responsabilités, engager les élus municipaux à être de la partie, à ne plus penser que tout doit revenir à l’Etat, qu’en les lieux où ils ont été élus pour gérer les cités, ils gèrent les cités au mieux des intérêts des populations, en les préservant, en pensant à ces populations là, à leur vie, non pas à l’argent. De grâce, qu’on ait un peu pitié de ce peuple là ! «

Un discours emballant, à l’effet d’annonce soigné. Si l’on ne connaissait son auteur, on serait tenté de prendre pour argent comptant les promesses et engagements pris sous le coup d’une émotion peu feinte.

Malheureusement pour IBK, ses paroles de 2019 nous renvoient à celles d’un autre drame, survenu aux lendemains de son élection triomphale de 2013. Des inondations, de moindre ampleur, avaient été le prétexte d’un discours musclé du tout- nouveau président Ibrahim Boubacar Kéïta qui a, alors, entretenu chez les Maliens l’illusion d’avoir voté pour l’homme de la situation.

Six ans après, le peuple en est réduit à espérer toujours de son président un acte symbolique fort d’homme d’Etat. Lutte contre la corruption, contre l’impunité, restauration de l’autorité de l’Etat,  mise en place de conditions d’une vie décente pour les Maliens, entre autres, sont autant de rendez-vous ratés par IBK avec son peuple.

Le terrible drame du jeudi 16 mai, dont il a pourtant su trouver les mots justes, n’est autre que la sanction pour promesses non tenues par le triomphateur de 2013. Un juste retour de boomerang, qui rappelle bien à propos que les responsabilités non assumées se rappellent toujours à nous.

Que dire de la session extraordinaire du Conseil du District qui, à l’issue de ses travaux, décide d’allouer un pactole de 972 millions de F CFA au curage de 184 km de caniveaux à Bamako ? Outre son effet d’annonce certain, son caractère opportuniste ne manque pas de lui conférer une posture suspecte. En effet, annoncer un programme de curage pour 2019, alors que l’année est déjà à mi-parcours, alors que l’hivernage est à nos portes, qui n’est pas la période la plus propice pour ces travaux, ne contribue pas-loin s’en faut-à crédibiliser un tel projet.

Les Maliens auront, en tout cas, le loisir de relever, dans quelques mois, toute la réalité du projet du Conseil du District.

IBK, au moins sur un point, a raison:  » l’effort vigoureux doit venir par des décisions vigoureuses du gouvernement, en matière urbanistique, en matière environnementale. Il est grand temps que la discipline républicaine revienne « .

Justement, avec la mise en place d’un  »Gouvernement de mission », il n’a plus le droit de manquer à ses engagements.

koumaté3@gmail.com

Source: l’Indépendant

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