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Dr Mohamed Amara, sociologue et analyste sécuritaire : “En réalité, le G5-Sahel est devenu une coquille vide”

Deux semaines après le retrait annoncé du Niger et du Burkina Faso du G5-Sahel, Dr. Mohamed Amara, sociologue, analyste sécuritaire et auteur de plusieurs livres revient sur les raisons de ce retrait et se penche sur l’avenir du G5-Sahel et les perspectives sécuritaires de l’AES. Entretien.

Mali Tribune : Quelle analyse faites-vous du retrait du Burkina et du Niger du G5-Sahel ?

Dr. Mohamed Amara : Le G5-Sahel ne correspond plus aux attentes du Mali, du Burkina Faso et du Niger, en rupture de ban avec la Cédéao. Le point de rupture entre ces derniers et les deux autres pays membres (Mauritanie et Tchad) du G5-Sahel, ce sont les liens de partenariat. Ils reprocheraient au G5-Sahel d’être un outil au service de la France. Rappelons que le G5-Sahel a été créé pour remplacer à terme la force Barkhane dans le Sahel. Donc, leur retrait signifie aussi les difficultés d’entente entre ces différents pays et la France.

Mali Tribune : Ce retrait est révélateur de quoi, selon vous ?

Dr. M. A. : Ce retrait est révélateur des difficultés des Etats du Sahel à construire des politiques de lutte contre le narcoterrorisme sans assistance étrangère. Il en dit long également sur la fragilité de nos institutions sous-régionales du point de vue de leurs capacités à coopérer et à s’auto organiser durablement.

La menace du narcoterrorisme est transnationale. Par conséquent, elle requiert une réponse holistique, qui dépasse le seul cadre du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Le problème est que les groupes narcoterroristes ne cessent de faire pression sur nos Etats en vue de démoraliser les populations. Leur but : dégrader la situation, décourager les populations de soutenir les exécutifs.

Espérons que la nouvelle organisation, AES, parvienne à lutter plus efficacement que le G5-Sahel contre les groupes narcoterroristes.

Mali Tribune : Dans un communiqué commun, la Mauritanie et le Tchad ont affirmé prendre acte du retrait de ces deux pays. Est-ce la fin du G5-Sahel ?

Dr. M. A. : La Mauritanie et le Tchad ne peuvent pas faire autrement. De cinq pays, le G5-Sahel est passé à deux pays. Conséquence : les deux pays restants, Mauritanie et Tchad, ne peuvent prendre qu’acte.

En réalité, le G5-Sahel est devenu une coquille vide. De toute évidence, la stratégie du G5-Sahel n’a pas permis de pourvoir aux besoins des populations, et pas seulement sécuritaires.

C’est une des raisons de son éclatement.

Mali Tribune : Après neuf ans d’existence, quel bilan peut-on dresser du G5-Sahel ?

Dr. M. A. : Un bilan mitigé. Pour cause : les difficultés du G5-Sahel à réunir le financement nécessaire pour son fonctionnement et pour sa lutte contre le narcoterrorisme.

Evidemment, des tentatives d’organisation et de coopération entre les différentes forces armées des pays membres du G5-Sahel ont été testées. Mais, leur résultat est loin d’être excellent à cause des incohérences. Au contraire, le narcoterrorisme s’est davantage diffusé : massacres, attentats, etc.

Mali Tribune : Peut-on insinuer que la naissance de l’AES a marqué la fin du G5-Sahel ?

Dr. M. A. : Disons qu’il y a une renaissance du Mali, du Niger et du Burkina Faso par la création de l’AES que je qualifie de recomposition organisationnelle des liens entre les trois États, sentis isolés du reste du monde. Mais faudra-t-il que cette renaissance dépasse les clivages politiques, les faiblesses institutionnelles pour mieux incarner les besoins sécuritaires et de développement des populations ?

En attendant, l’AES est aussi une stratégie pour faire contrepoids à la Cédéao et à l’ancienne puissance coloniale (la France), voire l’occident tout entier.

De ce point de vue, l’AES pourrait même devenir une force politique régionale dans la lutte contre le narcoterrorisme si elle n’est pas détournée de ses objectifs premiers : indépendance, narcoterrorisme, etc.

Mali Tribune : L’AES peut-elle faire mieux que le G5-Sahel dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

Dr. M. A. : Attendons de voir, car l’AES est une jeune organisation. Donc, il faut du temps pour obtenir des résultats concrets dans un espace sous pression du narcoterrorisme, et où tout projet de développement et de paix est incertain.

Les récentes recommandations de l’AES (dénonciation de la double imposition fiscale, projet de centrale nucléaire civile ou de compagnie aérienne commune) donnent espoir.

Mais, leur transformation en véritable projet de développement nécessite de la stabilité et de la sécurité.

Bref, il y a énormément d’enjeux, en, l’occurrence sécuritaire, dans le Sahel qui demande de la clairvoyance dans les analyses.

 

Mali Tribune

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