Frustrés de l’attitude des chefs d’État des pays membres, des Maliens trouvent comme l’unique alternative le retrait du Mali de la CEDEAO. Pourquoi ? L’incohérence de l’organe sous régional. Ces Maliens qui défendent un retrait de la CEDEAO ont remis, vendredi, leurs doléances au premier ministre de la transition, Dr Choguel Kokalla MaÏGA.
Après avoir salué les efforts de ces Maliens, le chef du gouvernement a indiqué que le président de la transition et le gouvernement sont à la tache nuit et jour pour répondre aux aspirations du peuple malien. A l’en croire, ces aspirations pour autour desquelles le peuple s’était mobilisé sont au nombre de 5. Elles sont, entre autres : le rétablissement de la sécurité ; la lutte contre l’impunité et la corruption ; un organe unique pour minimiser le risque de contestation des élections ; le besoin de réformes profondes reportées depuis 20 ans ; l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation dans le sens ou en prenant des précautions pour qu’un acte ne soit posé qui conduise à la partition du Mali. « Aujourd’hui, le président de la transition et son gouvernement ne travaille qu’à la mise en œuvre de ces objectifs », a précisé le Premier ministre de la transition.
« Donnez du temps au président de la transition… »
Pour ce mouvement dirigé par Dr Allaye Bocoum, Jeamille Bittar…, il faut immédiatement quitter la CEDEAO. En réponse, le premier ministre Choguel Kokalla Maïga a rappelé l’engagement du Mali pour l’unité africaine. « La République du Mali, dès sa naissance, s’est fixé comme vocation d’unir les Africains. C’est pourquoi nous disons que sommes l’un des rares pays, sinon le seul à inscrire dans notre constitution que le Mali est prêt à tout ou partie de sa souveraineté pour construire l’unité africaine », a rappelle-t-il avant d’indiquer « avant de quitter une telle organisation, il faut prendre toutes les précautions, il ne faut pas aller en contradiction avec la doctrine politique du Mali depuis longtemps ».
Pour le chef du gouvernement, il faut accorder du temps au président de la transition pour de telle décision. « Malgré la colère, je vous demande de donner encore du temps au président de la transition. Il est entrain de gérer beaucoup de dossiers stratégiques », plaide-t-il. Mais, assure-t-il, que le message a été entendu par le gouvernement et sera entendu par le président de la transition. « Le gouvernement ne va pas faire comme si rien ne s’était passé », rassure l’ingénieur télécoms.
Le premier ministre a profité de cette occasion pour annoncer des actions du Mali à l’encontre de la CEDEAO. « Dans les heures à venir, nous allons adresser au président de la commission de l’Union africaine, au secrétaire général de l’ONU, au monde entier une déclaration pour dire que : aujourd’hui, la CEDEAO n’est plus dans son rôle. Elle est en train de violer les principes fondateurs de cette organisation. L’embargo n’est prévu dans aucun texte de la CEDEAO. Le holdup sur les ressources financières et les circuits financier n’est prévu dans aucun texte, pas de la BCAO », laisse entendre le premier ministre.
Le président n’a pas à répondre à l’invitation d’un fonctionnaire de la CEDEAO
Le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, a décliné à l’invitation de la CEDEAO pour prendre part au sommet extraordinaire des Chefs d’État qui s’est tenu à Accra le 25 mars dernier. Si les raisons de cette absence étaient méconnues jusque-là, le premier ministre vient de les donner. « Contrairement à ce qui se fait d’habitude où c’est le Président en exercice de la CEDEAO qui écrit au Président d’un pays membre, cette fois-ci, c’est le président de la commission, donc un fonctionnaire qui écrit à notre Président pour l’inviter à un sommet. C’est une façon de piétiner la souveraineté de l’État malien. Nous ne laisserons personne remettre en cause la légitimé du président de la transition. Le président n’a pas à répondre à l’invitation d’un fonctionnaire », a laissé entendre Dr Choguel Kokalla Maïga.
Ce qui a fait plus mal aux autorités de la transition, c’est le refus de la CEDEAO d’accepter une délégation malienne composée de 4 ministres a participé à cette rencontre. « Pour montrer notre bonne foi malgré tout cela, le président a désigné une délégation de haut niveau conduite par le ministre des Affaires Étrangères et trois autres ministres. La CEDEAO nous dit que c’est un huis clos entre chefs d’État. A la fin, on a constaté qu’il y a que 5 chefs d’État. Il y a des pays qui ont désigné des ambassadeurs, des directeurs de cabinet, des ministres… », martèle le premier ministre qui ajoute : « On comprend clairement que derrière cette invitation mal appropriée, derrières ces manœuvres, il y avait des non-dits. Heureusement que notre peuple est resté vigilant et le président est resté extrêmement vigilant ».
24 mois non négociable sauf avis contraire du Président de la Transition
24 mois de prolongation. C’est ce qu’a proposé le gouvernement du Mali à la CEDEAO qui insiste sur un calendrier n’excédant pas 16 mois. Pourtant, le Premier ministre estime qu’il faut ces 24 mois pour mener toutes les réformes nécessaires avant les élections. « A la date d’aujourd’hui, sauf avis contraire du Président de la Transition, les 24 mois ne sont pas négociables. C’est le temps qu’il faut pour faire le minimum de reformes, pour rendre le processus du changement irréversible, parce qu’il s’agit de l’irréversibilité du processus de changement. C’est cela le véritable enjeu. Y en a qui veulent réduire la transition juste à un processus électoraliste. Nous ne sommes pas d’accord. Le peuple malien n’est pas d’accord », a-t-il laissé entendre devant ses hôtes.
Boureima Guindo
Source : LE PAYS