Dans la mouvance de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, prévue le 19 juin prochain, avec pour thème cette année : « Drépanocytose au Mali : quelles stratégies pour le contrôle », nous avons rencontré Dr Baba Fané, hématologue à l’hôpital du Mali pour nous parler de cette maladie héréditaire, qui ne cesse de faire des victimes au Mali et ailleurs.
Selon Dr Baba Fané, « la drépanocytose est une maladie héréditaire. Le mot vient étymologiquement du Grec « drépanon » qui veut dire faucille et « cytos » qui signifie la cellule. Dans cette maladie, les globules rouges, qui sont de forme arrondie, se déforment en faucille, qui ont la même forme que le croissant lunaire ou la banane ».
Cette maladie est liée, a fait savoir le spécialiste, à une anomalie génétique particulièrement dans la construction du globule rouge qu’on appelle l’hémoglobine.
« L’hémoglobine normale est l’hémoglobine A, mais dans cette maladie l’anomalie génétique fait qu’on a une autre hémoglobine S qui n’est pas normale. La maladie a été décrite pour la première fois en 1910 aux Etats-Unis. Il y a quatre grandes formes de drépanocytose, qui sont : SS ; SC ; S béta+ et S béta 0 », déclare-t-il.
Pour Dr Fané, puisque c’est une maladie du sang, les symptômes sont divers et se présentent dès la petite enfance. La maladie affecte toutes les parties du corps. Elle se caractérise par trois signes : Les globules rouges perdent leurs formes arrondies et se transforment en fossiles. Par conséquent cette déformation fait qu’ils vivent moins longtemps alors que leur durée de vie est de 120 jours. Cette durée de vie est écourtée avec la présence de la maladie, les globules s’éclatent en entrainant une anémie. Mais cette anomalie est variable selon les formes de la maladie. Les formes SS et les Sβ (Beta) 0 se caractérisent plus par une anémie, les S Beta + et SC sont moins anémiques.
« Après l’anémie, c’est une susceptibilité aux infections. Avec la drépanocytose, un organe du corps humain appelé la rate ne fonctionne plus. Alors que c’est un organe de défense. L’effet de la maladie fait en sorte qu’il ne joue plus ce rôle (asplénie fonctionnelle). Les personnes atteintes de cette maladie sont des sujets très susceptibles aux infections », précise l’hématologue.
Et d’ajouter : « Déjà au jeune âge, ces personnes sont exposées à certaines maladies. L’organisme ne pouvant pas se défendre peut causer des infections à répétition entrainant même des décès à l’âge précoce. Une autre caractéristique de cette maladie se sont les crises et le phénomène vasoocclusion c’est-à-dire une obstruction des vaisseaux. Comme les globules se déforment en faucilles, les parties qui ne reçoivent pas du sang font souffrir. Cela se manifeste par des douleurs. Les signes sont visibles dès la petite enfance ».
Aussi, précise notre interlocuteur : « On nait avec la drépanocytose et ce n’est pas une maladie que l’enfant peut éviter pendant la grossesse. La Drépanocytose ne survient ni pendant la grossesse ni après la naissance. Dès qu’il y a la conception, le hasard fait que c’est possible que l’enfant ait pu hériter de l’anomalie des deux parents. Ce qui est important à savoir, c’est que sur le plan génétique, on parle d’un caractère récessif dans cette maladie. C’est-à-dire un seul parent ne peut pas rendre l’enfant malade, il faut hériter de l’anomalie des deux parents ».
Par ailleurs, soutient-il, « pendant les premiers mois de la vie, l’enfant est protégé par l’hémoglobine fœtale. Mais au fil du temps cette hémoglobine disparaît et est remplacé par l’hémoglobine normale ou adulte A ou malade qui est S. Généralement cette hémoglobine est située à partir de 6 mois ».
Et de poursuivre : « précocement, certains enfants présentent des signes à partir de 3 mois. A cet âge la maladie se manifeste par le syndrome appelé « pied-main » ou dactilite (gonflement des mains). Chez les plus grands ce sont des douleurs abdominales. Chez les adultes, il y a des douleurs au niveau des os ». Il précise qu’il n’y pas que des douleurs mais le phénomène d’obstruction peut survenir au niveau d’autres organes.
En termes de complication, explique Dr Fané, elle peut être aigue et chronique. « Chez les enfants, il y a une complication qu’on nomme séquestration splénique. Dans ce cas, c’est la rate qui va tout d’un coup séquestré tous les globules rouges circulables et va grossir de taille. L’enfant peut tout d’un coup faire une anémie profonde. Il est aussi susceptible de faire des AVC. Chez les sujets masculins (enfants et adultes) c’est une érection qui intervient sans aucun stimulus sexuel et qui est douloureuse. A ce niveau, si on n’intervient pas dans l’urgence cela peut entrainer des conséquences irréversibles appelées Priapisme (Érection prolongée du pénis, généralement sans excitation sexuelle) ».
En terme chronique, il y a également « l’ostéonécrose » qui est un infarctus focal de l’os qui peut être provoqué par certains facteurs étiologiques spécifiques ou être idiopathique au niveau de la hanche. Il y a le syndrome thoracique aigue qui est un gène respiratoire.
Aussi, rappelle-t-il, une autre complication qui est à la fois chronique et aigue peut atteindre la rétine appelée rétinopathie drépanocytaire. « C’est une complication qui peut être brutale ou s’installer progressivement. Ce sont des plaies qui peuvent être présentes pendant des mois, voire des années sans guérir », prévient-il.
Pour Dr Baba Fané, la meilleure façon de prévenir cette maladie consiste à connaître son statut hémoglobinique.
« L’idéal c’est de connaitre à bas-âge, ce statut avant d’arriver au mariage. Le plus souvent dans les bilans prénuptiaux, les couples qui ont des signes de la maladie ne reculent pas, ils se marient malgré tout. Dans ce risque surtout avec deux personnes AS, 1 cas sur 4 peut avoir un enfant AA hémoglobine normale, 2 cas sur 4 qui vont avoir un enfant qui va porter le trait comme les parents et 1 cas sur 4 à avoir un enfant SS. Dans cette maladie c’est comme un tirage avec jeux de hasard. Tout simplement pour dire que dans ce couple à risque tous les enfants peuvent être drépanocytaires ».
Et notre spécialiste Fané est formel : « C’est une maladie qui se traite, mais qui ne guérie pas ». Pour cela, il préconise de « faire en sorte que les globules rouges qui s’éclatent soient remplacés, éviter la déshydratation, faire moins d’efforts physiques intenses et prolongés, les situations qui vont entraver la bonne circulation du sang, le stress, toute cause de fièvre.
Concernant les enfants, ils doivent avoir des vaccins spécifiques dans le cadre du PEV (programme de vaccination élargie). Il faut faire un diagnostic précoce au lieu d’attendre que l’enfant présente des complications.
La population doit connaître cette maladie et faire en sorte qu’il ait moins de drépanocytaires dont la « guérison totale ne passe que par la greffe de moelle », conclut notre interlocuteur.
Pour rappel, selon une étude réalisée en 2000, à Bamako, le nombre d’enfants nés drépanocytaires est estimé entre 5 000 et 6 000 par an.
Aussi, apprend-on, le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose (CRLD), sis au Point G, accueille environ chaque année 1 000 nouveaux patients. Donc de sa création en 2010 à maintenant, il compte plus de 12 000 patients. Lire la suite sur aumali…
Diamouténé
Source: l’indicateur du renouveau