Dans sa Déclaration de Politique générale, le Premier ministre Ousmane Sonko a tracé sa vision pour le Sénégal. Justice, souveraineté et équité sociale se placent au cœur d’une transformation annoncée comme historique.
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, se fait une place dans l’histoire politique du Sénégal en présentant sa Déclaration de Politique générale (DPG) devant l’Assemblée nationale le 27 décembre 2024. Dans un discours empreint de gravité et d’ambition, il a exposé une vision de rupture totale, structurée autour de réformes profondes touchant la justice, la souveraineté, l’économie et l’équité sociale. « Nous avons hérité d’un pays à bout de souffle, mais notre mission est de reconstruire sur des bases solides et justes », a-t-il affirmé avec détermination. Cette déclaration, qualifiée par ses partisans de « feuille de route historique », trace les grandes orientations de son gouvernement pour les prochaines années.
Revenir sur l’amnistie
Dès l’ouverture de son discours, Ousmane Sonko a annoncé son intention de revenir sur l’amnistie adoptée en mars 2024 par l’administration précédente. Cette mesure controversée, qui couvrait les violences politiques entre 2021 et 2024, avait divisé la société sénégalaise. « Il ne s’agit ni de revanche ni de chasse aux sorcières, mais de justice, sans laquelle aucune paix sociale ne peut être durable », a-t-il déclaré. Le Premier ministre a souligné l’importance d’établir les responsabilités des événements passés tout en veillant à garantir une justice équitable.
Cette annonce s’inscrit dans une volonté de restaurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire. Pour Sonko, la transparence et la vérité sont des piliers essentiels de la stabilité et du contrat social. Toutefois, cette démarche suscite des interrogations : comment éviter que cet effort de justice ne soit perçu comme une vendetta politique dans un pays encore marqué par de profondes divisions ?
Renforcement de l’indépendance
Sur le front de la souveraineté, le Premier ministre a également fait de grandes annonces. Il a confirmé son engagement à fermer toutes les bases militaires étrangères présentes au Sénégal, soulignant la nécessité pour le pays de « reprendre le contrôle de son territoire et de ses décisions stratégiques ». Cette mesure, qui s’inscrit dans une dynamique panafricaine, reflète une volonté de redéfinir les relations du Sénégal avec les puissances étrangères.
Cependant, cette décision ne sera pas sans conséquences. La fermeture des bases pourrait fragiliser certaines alliances et poser des défis en matière de sécurité, notamment dans la lutte contre le terrorisme dans la sous-région. « Nous devons défendre nos intérêts avec une indépendance intransigeante », a-t-il insisté, tout en appelant à une collaboration renforcée entre les pays africains pour répondre aux menaces sécuritaires.
Réformes économiques
Reconnaissant que l’économie est au cœur de tout projet politique, Ousmane Sonko a annoncé une série de réformes fiscales ambitieuses. « Nous ferons moins payer chaque Sénégalais, mais nous ferons payer tous les Sénégalais », a-t-il déclaré, en allusion à une stratégie visant à élargir l’assiette fiscale et à lutter contre l’évasion fiscale. L’audit des niches fiscales, le renforcement des partenariats public-privé et la réduction du déficit budgétaire à 3 % d’ici trois ans figurent parmi les priorités.
Toutefois, ces réformes nécessiteront une discipline budgétaire stricte et une gestion rigoureuse des ressources publiques. Le défi pour le gouvernement sera de concilier ces mesures avec les besoins croissants en matière d’éducation, de santé et d’infrastructures, tout en répondant aux attentes d’une population souvent frustrée par les lenteurs administratives.
Équité sociale et reconstruction
L’un des points centraux du discours de Sonko a été l’équité sociale. Il a réaffirmé son engagement à garantir une justice fiscale, soulignant que « la confiance entre l’État et les citoyens passe par des politiques transparentes et équitables ». Dans cette optique, il a promis des réformes pour élargir l’accès à l’éducation, à la santé et à d’autres services essentiels.
Le Premier ministre a également appelé à une transformation structurelle pour déconstruire les pratiques du passé. « Jamais dans l’histoire du Sénégal un pouvoir n’a été transmis dans cet état », a-t-il lancé, dénonçant les dérives de l’administration précédente. Cet appel à la rupture illustre une volonté de bousculer les normes établies pour poser les fondations d’un Sénégal nouveau.
Un cap ambitieux, mais exigeant
Ousmane Sonko a appelé les Sénégalais à un « sursaut patriotique » pour accompagner ces réformes ambitieuses. « Nous devons travailler ensemble pour bâtir un avenir stable, équitable et souverain », a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d’une mobilisation collective pour réussir cette transformation.
Si cette Déclaration de Politique générale incarne une vision ambitieuse pour le Sénégal, elle repose sur une exécution sans faille et une gestion efficace des résistances internes. Le défi pour Sonko et son gouvernement sera de transformer ces engagements en actions concrètes, dans un contexte où les attentes des citoyens sont aussi élevées que leurs frustrations.
Avec ce discours, le Premier ministre pose les jalons d’un Sénégal profondément transformé, où la justice, la souveraineté et l’équité sociale deviennent les pierres angulaires d’une nation en quête de renouveau. Mais comme tout projet ambitieux, sa réussite dépendra de la capacité à allier volonté politique, mobilisation populaire et pragmatisme dans la mise en œuvre.
Chiencoro Diarra