Le document de synthèse sur les pourparlers d’Alger concocté par la médiation internationale avait suscité moult interrogations au sein de la société civile et de l’opinion internationale, parce qu’il tardait à être rendu public. Cela cachait manifestement pour les sceptiques soit une mauvaise foi du gouvernement, soit une volonté délibérée de mener en bateau le peuple qu’on voulait tenir dans l’ignorance des enjeux cachés de ce document essentiel pour le destin du Mali. Les partis politiques de l’opposition avaient même exprimé leur étonnement et leur frustration de n’avoir pu disposer officiellement de copies. La société civile n’était pas en reste.
C’est donc sous la pression que fut organisé un atelier national d’information et de sensibilisation sur les pourparlers inter maliens inclusifs de paix d’Alger au CICB, qui a pris fin le 19 novembre dernier. Selon le communiqué, cette réunion d’information et d’échange s’inscrivait dans la volonté du gouvernement de consulter les institutions de la république et les forces vives de la nation sur le document de synthèse élaboré par la médiation internationale. C’est ainsi que, deux jours durant, en cinq groupes thématiques et deux plénières, les participants ont échangé ont émis des avis, fait des propositions sur tout le processus de paix pour que l’on puisse aboutir à un accord définitif dans cette crise qui parait sans fin.
En cette occasion importante, le Premier ministre Moussa Mara a bien dit qu’ « une bonne partie des problèmes soulevés au Nord par nos frères qui ont pris les armes contre leur pays sont en réalité des problèmes de tout le pays ». Il a souligné qu’à ce stade actuel du processus, beaucoup de nos compatriotes demeurent encore abusés par des thèses fausses et tendancieuses développées par le MNLA et les tenants de l’Azawad, une entité imaginaire qui regrouperait les régions de Tombouctou, Gao et Kidal. En réalité c’est une invention, une vue de l’esprit, aucunement une vérité historique, sans fondement géographique, encore moins culturel. Si cela est faux sur tous les plans, alors pourquoi s’évertuer à donner corps à l’affabulation de l’Azawad ?
Cette question du Premier ministre a trait à une porte déjà largement ouverte avec la complicité du lobby pro touareg et de certaines grandes puissances qui actionnent la communauté internationale en faveur du MNLA et des groupes armés rebelles du Nord Mali.
La médiation internationale sous la férule d’influences occidentales, a donc beau jeu, sans pouvoir cacher une duplicité évidente, de soumettre aux parties en conflits, gouvernement malien et rebelles du nord du Mali, un document intitulé « Eléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali ».
En fait il a été concocté de concert avec les groupes armés irrédentistes et c’est par simple formalité qu’il est proposé au Mali. Sinon, les partis politiques, la société civile, bref, le peuple malien dans son ensemble qui a manifesté son désaccord, auraient beaucoup de mal à imaginer que ce texte scélérat, qui consacre la partition du Mali dans des termes enveloppés, ait eu l’assentiment explicite des négociateurs qualifiés de la partie gouvernementales que nous avons investis de notre totale confiance. Auquel cas, nous nous serions trompés avec le gouvernement, en croyant en des émissaires sans capacité ou sans fibre patriotique qui se laissent volontairement ou non rouler dans la farine par la partie adverse. Le ministre Abdoulaye Diop, ministre des affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la coopération internationale a parlé, s’agissant du document de synthèse, d’une bonne base pour discuter avec les groupes armés. Est-ce l’une des subtilités du langage diplomatique ou prend t-il les Maliens pour des demeurés ?
Avant le président Ibrahim Boubacar Keïta qui est enfin monté, à cause de la réprobation générale, de toute hâte et personnellement au -créneau pour lever toute équivoque quant à la permanence de la ligne rouge tracée par le gouvernement, à ne pas franchir, dans les négociations inclusives inter maliennes, il y eut ainsi une levée de boucliers dans l’opinion. Des voix autorisées dans le champ politique avaient donné publiquement de la voix. Le premier fut l’ancien Premier ministre Soumana Sacko du parti CNAS Faso Hèrè qui, de la manière qu’on lui connait, a livré le fond de sa pensée, dans une autopsie sans concession du document qui édifie ses concitoyens sur le mal fondé des arguments et propositions qui y sont développés.
L’ancien Premier ministre Soumana Sacko et leader du CNAS Faso Hérè n’a pas raté l’occasion de convoquer une conférence de presse de toute urgence le l8 novembre 2014 pour remettre les pendules à l’heure de l’unité nationale, de l’indivisibilité territoriale et de la responsabilité de tous et de chacun pour préserver le Mali des mains extérieures qui veulent tracer notre destin à leur guise. Il a indiqué que le bureau politique national de CNAS Faso Hérè (Convention Nationale pour une Afrique Solidaire) rejette sans réserve le document de synthèse mise sur la table des pourparlers d’Alger.
Ce faisant il s’est tourné vers ceux qui nous gouvernent, complices à son avis de cette action. Il accuse : « C’est l’occasion pour le CNAS Faso Hérè de rappeler au peuple malien e aux partenaires extérieurs du Mali le double langage des pouvoirs publics. En effet, tout en clamant urbi et orbi son attachement au caractère républicain et laïc de l’Etat ainsi qu’au respect de l’intégrité territoriale de notre pays et son rejet de toute formule d’autonomie et de fédéralisme,, le gouvernement malien se dit satisfait du document de synthèse qui propose en réalité un système confédéral(donc pire que le fédéralisme). Or, outre les nombreuses contradictions et incohérences qui le caractérisent, le document de synthèse de la médiation fondamentalement entériné par le gouvernement est sous tendu par une analyse erronée des causes profondes , lointaines, ou présentes, viole la constitution de la république du Mali et constitue une attaque frontale contre la République, l’égalité des citoyens devant la loi, le service public et la justice, ainsi que contre la laïcité de l’Etat et la démocratie et encourage l’immixtion des leaders religieux dans le champ institutionnel politique. Alors même que cette immixtion rampante depuis la fin des années 90 est l’une des causes fondamentales de la crise multidimensionnelle dont souffre le Mali ».
Est-il acceptable de se coucher devant un groupe de rebelles armés en violant sa propre constitution, la Loi Fondamentale malienne, pour satisfaire les injonctions inacceptables des représentants de l’Union européenne, de l’Union Africaine et du Médiateur algérien ? C’est la vraie question, incontournable. Le prélude au grand hold up contre le Mali, qui pose la lourde responsabilité, pleine et entière du Président Ibrahim Boubacar Keïta élu pourtant à une majorité écrasante pour résoudre la crise du Nord et préserver l’intégrité totale du pays, la souveraineté et l’unité nationale. S’il est entravé par les liens savamment tissés par son ami de trente ans, par les amis de nos ennemis et des régimes frères comme la Mauritanie et l’Algérie qui se sont révélés comme des partenaires intéressés à double visage, à lui de savoir se tirer de ce guêpier dans lequel il a contribué à enfermer le Mali et son peuple, à cause d’un certain angélisme politique. Pourtant, il a un sous la main un inspirateur très proche en « real politic », le président Hollande, qui fait présentement fait feu de tout bois sur la scène internationale.
Oumar Coulibaly