Kader Dansoko a eu plusieurs vies, toutes aussi accomplies les unes que les autres

Le microcosme de la communication et du journalisme au Mali est encore en deuil. Une semaine après le décès de Kassoum Théra, correspondant local de l’AMAP et de l’ORTM à Djenné, la mort implacable vient de faucher un autre acteur des médias. Cheick Abdelkader Dansoko est décédé à Abuja des suites d’une courte maladie, le dimanche 6 septembre à l’âge de 61 ans (il avait vu le jour le 21 août 1954 à Toukoto – cercle de Kita).
Notre confrère officiait au poste de Secrétaire général du Parlement de la CEDEAO, basé dans la capitale nigériane. Avant  de venir à la famille de la presse, celui qu’on appelait le plus souvent Kader Dansoko exerce brièvement le métier d’enseignant, chargé des cours de français au Lycée Notre Dame du Niger à Bamako, en 1978-1979. La maîtrise en Lettres modernes, obtenue en juin 1978 à l’Ecole normale supérieure (ENSup) de Bamako, le prédestine en effet à l’enseignement.
Mais Kader bifurque vers les médias une année plus tard en intégrant par voie de concours le CESTI de Dakar où il décroche le Diplôme supérieur de journalisme en décembre 1982 (option Presse écrite). Il appartient à la 10ème promotion du prestigieux institut de journalisme dakarois, promotion qui comprenait cinq autres Maliens : Gaoussou Traoré (actuel DGA de l’AMAP), Fatim Sidibé (actuelle DG de l’Agence nationale de la communication pour le développement), Abdel Kader Sanankoua (Conseiller en communication à la Commission de la CEDEAO) ainsi que les regrettés Soumana Touré et Modibo Traoré alias Zoba.

AVIDE DE SAVOIR. Enseignant devenu journaliste, Kader Dansoko sert au quotidien national L’Essor de janvier 1983 à juin 1984. Il y produit de nombreux reportages et enquêtes sur les questions économiques et les faits de société. On retient que c’est lui qui a couvert fin octobre 1983 le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui a entériné à Niamey (Niger) l’adhésion du Mali à l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA, ancêtre de l’UEMOA). L’événement prélude le retour de notre pays au Franc CFA après 22 années de rupture (1962-1984).
Avide de savoir, Kader Dansoko entame en 1985 à l’Université de Paris I (Panthéon- Sorbonne) des études en Relations internationales couronnées d’un DESS en Développement et Coopération (décembre 1988). Trois années plus tard, toujours dans la capitale française, à l’Université de Panthéon-Assas, il obtient en juillet 1991, un doctorat en Sciences de l’information et de la communication en soutenant une thèse sur « La Télévision malienne : éducation et culture ».
C’est à Paris également que Kader Dansoko suivra les douloureux évènements qui aboutiront au changement de régime politique dans notre pays. En mars 1991, il est parmi la centaine de signataires (de diverses nationalités) du Manifeste des intellectuels qui réclamait l’instauration de la démocratie pluraliste au Mali. De Paris, le jeune docteur en communication rallie New York pour occuper d’août à décembre 1991 le poste de chargé de presse à la section française du département de l’Information au siège des Nations unies.
Après cette brève expérience onusienne, il rentre au bercail et rejoint L’Essor pour y passer six mois seulement (janvier- juin 1992). Dans la même période, il s’engage très activement dans le militantisme politique en intégrant le staff de campagne du Pr Alpha Oumar Konaré, candidat de l’ADEMA-PASJ à la première élection présidentielle du Mali démocratique. Il est chargé de relations presse et de la rédaction en chef de L’Ensemble, le bulletin de campagne de la Ruche. Autour du porte-drapeau du parti de l’Abeille, Kader Dansoko fait partie d’un cercle stratégique restreint constitué notamment de Mme Ly Madina Tall (directrice de campagne), de Ibrahim Boubacar Kéïta ainsi que deux journalistes chevronnés et très engagés, Soumeylou Boubèye Maïga et Cheick Mouctary Diarra.
Avec ce dernier devenu conseiller aux Relations publiques du nouveau chef de l’Etat, Kader Dansoko monte en juin 1992 au palais de Koulouba pour servir au cabinet du président Alpha Oumar Konaré. A ce poste, Dansoko contribue à la mise en place du fonds d’aide publique à la presse et à la création de la Maison de la presse. Il participe également au processus de transformation du bureau de presse de la Présidence en cellule de communication. Mais son rêve de créer un hebdomadaire d’informations présidentielles ne sera jamais réalisé.

UN PROFESSIONNEL OUVERT À LA CRITIQUE. Au bout de trois années, Cheick Mouctary Diarra et Kader Dansoko partent en 1995 pour Dakar, le premier comme Ambassadeur du Mali au Sénégal et le second comme conseiller à la Communication de juillet à octobre 1998. Dansoko se retrouve ensuite à Bruxelles pour les mêmes fonctions de conseiller de novembre 1998 à mars 2002, à l’ambassade du Mali en Belgique et auprès de l’Union européenne, sous l’autorité de Ahmed Mohamed Ag Hamani.
Kader Dansoko fait encore un bref retour au Mali en occupant pendant six mois (avril-août 2002), le poste de chef du Service de communication et de documentation de la Délégation de l’Union européenne à Bamako. Il va continuer dans les rouages médiatico-diplomatiques en acceptant d’aller servir à Abuja au Parlement de la CEDEAO à partir de septembre 2002. Il y est d’abord chef du département Communication pendant une décennie avant d’être promu Secrétaire général de l’institution parlementaire sous-régionale. C’est à ce poste que la mort vient de le vaincre au bout d’une courte bataille.
Kader a été ainsi arraché à l’affection de sa famille originaire de Kéniéba, de ses parents établis à Bamako et à Paris, de ses nombreux confrères maliens, de ses collègues diplomates à travers le monde ainsi que de ses collaborateurs ouest-africains à Abuja. Tous sont affligés aujourd’hui par la disparition de cet homme jovial, disponible et sociable. Ils regrettent ce grand journaliste dévoué et polyvalent qui a su prouver ses talents dans les domaines de la communication sociale (plusieurs consultations à son actif), du marketing politique et de la diplomatie. Kader Dansoko fut un communicateur dynamique et perspicace, bouillonnant d’idées novatrices.
Sa mort est une grande perte pour la grande famille de la presse malienne qui n’oubliera pas les indéniables qualités d’un professionnel compétent, rigoureux, ouvert à la critique et à l’autocritique.
Après le rapatriement de son corps à Bamako, son inhumation est prévue pour l’après-midi de ce jeudi 10 septembre à son domicile sis à Faladiè-Solola. Dors en paix, ‘’N’Koto’’ Dansoko !

Issa DOUMBIA

source : L’ Essor