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Diéma (Ouest du Mali) : Prise de conscience contre le Coronavirus

« Un jour de foire, dans un village, lorsqu’une femme s’est mise à tousser cinq fois, successivement, en  face d’une vendeuse de condiments, cette dernière a abandonné son étal pour prendre la fuite, croyant que la dame avait le coronavirus », raconte un chauffeur de minibus, Alpha Kanté. Alors vendeurs,  acheteurs et autres occupants des lieux, pensant à un danger  imminent, tous ont pris la poudre d’escampette, dans une cohue totale. « Quel tohu-bohu ce jour-là ! », lance l’homme, en se tordant de rire.

Dans le cercle de Diéma, dans l’Ouest du Mali, l’anecdote peut prêter à rire mais, depuis l’apparition du premier cas de coronavirus, la maladie n’est pas un sujet de plaisanterie. De nombreuses personnes commencent ont pris conscience de l’existence la pandémie. Les autorités locales ont renforcé, à plusieurs niveaux, les mesures de prévention et de lutte. Dans les services, les compagnies de transport, les marchés, les édifices religieux, partout, il y a des dispositifs de lavage des mains, même si certains ne fonctionnent pas correctement. L’Etat et certaines ONG de la place ont fourni des masques qui ont été distribués aux services, associations et groupements de femmes et de jeunes, chefs traditionnels et religieux, ainsi qu’aux établissements scolaires. Des ateliers de formation, des journées de sensibilisation, des conférences débats, des émissions de radios, des assemblées générales, se tiennent périodiquement, pour mieux informer sur la maladie.

Malgré les efforts, les mesures barrières ne sont pas totalement respectées. Dans cette ville carrefour qui grouille de monde, seuls quelques fonctionnaires portent le masque. Pour s’en rendre compte, il vous suffit de  faire le tour des services publics.

Par contre, on constate une indifférence totale de la part des populations. Lors des cérémonies de mariage, de baptême, de décès ou autre évènements sociaux, on se serre les mains, sans se soucier de rien du tout. Refusez de donner sa main à celui qui vous tend la sienne, et vous traitre de mépriser les autres, de méchant. Bref, de tous les maux.  Dans ces lieux de rassemblement, au moment du repas, les convives se lavent les mains  dans la même eau, à tour de rôle, par ordre d’ainesse, comme le veut la coutume, sans la moindre précaution d’hygiène.

L’apparition de la Covid-19 dans la localité de Diéma, qui en était jusque-là épargnée, a fait que beaucoup de personnes refusent de fréquenter les centres de santé pour les soins. On pense que si vous rendez au centre de santé, on dira que vous êtes atteint de coronavirus, Vous serez alors embarqué, ipso facto, jusqu’à Bamako, pour un isolement et un confinement, coupé de tout contact.

Depuis un certain temps, on constate que la plupart des malades font recours à la médecine traditionnelle ou consomment des « Yala yala foura », pharmacie par terre.

EFFORTS COLLECTIFS – Les autorités sanitaires du cercle de Diéma sont à pied d’œuvre pour briser la chaîne de contamination du virus, en renforçant les dispositifs existants. Pour la circonstance, une tente d’isolement a été installée dans l’enceinte du Centre de santé de référence (CSRéf), qui a reçu, de  l’Etat, un lot important de médicaments pour la prise en charge de cas.

A ce jour, à en croire le Dr Aboubacar Fofana, médecin au CSRéf dix-sept personnes contact font l’objet de suivi quotidien. La seule difficulté majeure rencontrée par le personnel soignant est le retard dans le retour des résultats des analyses envoyées à Bamako. « Une personne suspecte, dont l’échantillon de sang a été acheminé dans la capitale, peut attendre, souvent, une semaine voire plus, sans être fixée sur son sort », poursuit le praticien. Il a relevé les efforts de l’Etat et de ses partenaires pour le bien-être des populations durant cette crise sanitaire.

Plusieurs ONG et associations interviennent dans la prévention et la lutte contre le coronavirus dans le cercle de Diéma, à travers la formation des acteurs, la sensibilisation des populations sur les mesures barrières, la dotation en kits de lavage des mains et plusieurs autres matériels.

De l’avis de Mamadou Diakité, gestionnaire de la Mutuelle de santé du Cercle de Diéma, l’Union technique des mutuelles de santé de la Région de Kayes, avec le soutien financier de l’Agence espagnole pour la coopération internationale au Développement (AECID), a doté certaines structures de santé et couches socioprofessionnelles, en kits de lavage des mains, gel hydro alcoolique, savon liquide, masques, etc. Elle assure, actuellement, la  diffusion de spots sur des radios de proximité,  et a offert au Comité des femmes utilisatrices des services de santé (CFU) deux machines à coudre pour la confection de masques, afin d’en faire bénéficier une plus large cible.

Youssouf Ouattara, sous-préfet de Dioumara-Koussa, avant d’aller en grève, a instruit au maire et son équipe de veiller au respect des mesures barrières par les populations. « La sensibilisation, a-t-il insisté, doit être renforcée surtout pendant les jours de foire ».

Des masques ont été distribués à de nombreuses personnes par la sous-préfecture de cette localité. Chaque jour, le sous-préfet, longe à pied l avoie bitumée où se trouvent boutiques et gargotes, lieu de stationnement de véhicules, afin de constater si le port du masque est respecté.

Au secteur de l’Agriculture, les deux kits de lavage des mains offerts par la mairie et la préfecture sont visibles. Soumaïla Coulibaly, le chef secteur par intérim et son personnel mesurent l’ampleur du danger. « En se protégeant,  on protège les autres », explique le technicien.

MESURES BARRIERES – Dr Fofana appelle les populations à suivre les instructions des autorités sanitaires dans le cadre de la prévention et la lutte contre le coronavirus. Il demande à tous de se rendre au centre de santé, « dès l’apparition des premiers symptômes de la maladie pour  une prise en charge rapide et efficace des cas ».

Le président du Conseil de Cercle, Makan Koma, est à cheval sur les mesures barrières. Le nez et la bouche toujours cachés par un masque, l’élu  invite tous les acteurs, « à se serrer les coudes pour bouter le coronavirus hors du cercle de Diéma ».

Dans le cadre de la prévention et la lutte contre le coronavirus, le Conseil de Cercle a doté les mairies, les structures de santé, ainsi que certains services techniques, avec l’appui du Réseau Essonne Mali (RESEM), en kits de lavage des mains,  gel hydro alcoolique et savon liquide.

Le lavage des mains et le port du masque sont obligatoires pour tous les usagers du Centre d’animation pédagogique (CAP).

De même, les  clients de l’agence de la Banque de développement du Mali (BDM) et ceux d’autres institutions financières sont soumis au respect des mêmes mesures barrières.

A la préfecture de Diéma, on désigne, systématiquement, à tout arrivant, le kit de lavage des mains avant de se diriger vers les bureaux. Les mêmes mesures barrières sont appliquées au Palais de justice dont le dispositif de lavage des mains ne connait pas de dysfonctionnement.

Le 3e adjoint au maire de la Commune rurale de Madiga-Sacko, Adama Sambacke, a indiqué que la mairie de cette localité a distribué des masques aux chefs de villages et a demandé à chacun de sensibiliser leurs populations sur les mesures barrières.

Le premier adjoint au maire de la Commune rurale de Diéma, chargé des questions de santé, Abdoulaye Touré, affirme que la municipalité a installé au marché des kits de lavage des mains et distribué une importante quantité de masques.

Le Conseil communal compte convier, dans les jours à venir, les différents chefs de villages pour discuter afin de mieux renforcer les mesures de préventions et de lutte contre le coronavirus.

Le 2e adjoint au maire de la Commune rurale de Fassoudébé, Iby Kah, en séjour à Diéma, explique que le Conseil communal ne rate pas une occasion de sensibiliser les populations sur les mesures barrières, pour venir en aide aux ONG qui mènent les mêmes activités.

« En milieu peulh, dit-il,  en plaçant son turban, ce n’est pas facile, même si vous vous abstenez de donner votre main aux gens, vous finirez par céder, compte tenu des contraintes sociales ». La mairie s’apprête à organiser une journée de distribution de masques aux populations.

Si le coronavirus n’avait pas emporté le cousin de cet homme qui préfère garder l’anonymat,  il n’allait jamais  croire à son existence. « Lorsque j’ai été informé du décès de mon cousin, suite au coronavirus, c’est en ce moment que j’ai cru en cette sale maladie. Sinon j’avais toujours soutenu que c’était un moyen pour les autorités de renflouer leurs caisses avec l’argent des blancs », avoue l’homme, avec un certain remords.

Que dire de Lamba Konaté, producteur agricole, qui pense que la Covid-19 n’attrape que les personnes âgées. « Non, cette maladie n’épargne personne. Elle tue indistinctement et facilement tout le monde », lui rétorque son compagnon Karamoko Cissé, animateur socio-culturel. « Pour se préserver du coronavirus, explique-t-il, il faut appliquer les mesures barrières ».

Dia Fané, soudeur de son état, explique que le port du masque gêne sa respiration, mais qu’il sera obligé de le porter et assure l’exiger de tous les employés de son père. « Surtout, dit-il, avec l’apparition d’un cas de coronavirus dans la ville ». Dans ce grand atelier mouvementé, il n’est pas rare de voir, aux heures de repas, les travailleurs agglutinés autour du plat, sans règles de distanciation.

Le président du Syndicat des transporteurs, axe Kayes, Mamadou Sow, se dit ruiné par l’achat de savon liquide dont le flacon ne reste pas plus pas, souvent, plus de deux jours. L’homme ajoute qu’il fera tout pour que le kit de lavage des mains qui leur a été offert par la Croix-Rouge malienne ne s’arrête pas de fonctionner. Tandis que d’autres syndicats de transport se plaignaient des difficultés de ravitaillement en eau pour les kits au niveau du quartier Razel.

Baro Fané, assise derrière son étal de fruits et légumes, conseille la propreté corporelle, qui selon elle, permet de se mettre à l’abri de nombreuses maladies. Elle compte se procurer un dispositif de lavage des mains pour sa clientèle. « Même s’il faut que je l’achète », s’engage la dame.

OB/MD

 

Source: L’Essor

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