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Diéma : La culture du vestibule se perd

Le vestibule, cette maison qui constitue généralement la porte d’entrée dans une concession familiale dans beaucoup de contrées du Mali, est devenu rare à Diéma, comme un peu partout ailleurs. Il n’a plus sa valeur dans notre société contemporaine. Sa construction ne suscite plus d’engouement, d’intérêt. L’une des raisons fondamentales de cette disparition relève d’une question d’espace. 

 

De nos jours, la plupart des parcelles destinées à la construction de maisons ont des dimensions rationnelles, aussi bien dans les grandes villes qu’en campagnes. Les  parcelles de construction sont généralement petits, 15 sur 20, voire moins.  Dans ses conditions, en voulant faire un vestibule dans votre maison, vous occuperez de l’espace. C’est pourquoi, beaucoup de gens optent pour ce qu’on appelle le « dadialani », petite porte qui fait office d’entrée directe de la maison. Actuellement, on donne la priorité au garage pour les véhicules ou une petite boutique placée à la devanture de la maison. Plabres pour le village,

Dans le vestibule, qui a un peu les mêmes fonctions que l’arbre à palabres, on échange autour des sujets brûlants qui concernent les familles, les parents, les couples, les amis, les proches, le village, etc. On y scelle des mariages, mais jamais de divorces. « Dans le vestibule, laisse entendre Seydou, on répare mais on ne détruit pas ».

Le vestibule sert d’abri pour les étrangers qui débarquent dans la maison. Dans certaines maisons, les maîtres coraniques utilisent le vestibule pour dispenser les enseignements à leurs élèves. Pendant la saison froide, on y allume le feu de bois et  on s’y réunit pour dicsuter de tout et de rien. A propos, Solo, notable à Bignékolombou, que nous avons rencontré, explique que le vestibule est un endroit de discrétion, de confidentialité. L’homme poursuit en disant que si on entend dehors une parole prononcée dans le vestibule, c’est qu’elle a été rapportée par quelqu’un qui n’a pas su tenir sa langue.

Dans le vestibule, on fixait au-dessus de la porte d’entrée, à l’intérieur, un petit rouleau de 100 bâtonnets, bien ficelés appelé tié kala (tiges d’homme) qui exprime l’entente et la solidarité entre les occupants de la maison. Si un membre de la famille se montre rebelle, ce qui arrive fréquemment, on le traduit dans le vestibule et on lui ordonne d’enlever un bâtonnet du tié kala. Alors, on lui fait savoir séance tenante que puisque le retrait de ce seul bâtonnet parmi les 100, n’enlève rien au rouleau, lui  aussi, s’il  se sépare des siens, cela ne changera rien dans  leur vie.  Ainsi, il y a de fortes chances que la personne fautive revienne à de meilleurs sentiments. C’est la règle du jeu.

Diatourou, membre de la mutuelle de santé, fait la comparaison entre le vestibule et le mirador. Selon lui, les problèmes, qui sont discutés dans le vestibule, ne sont pas les mêmes que ceux prononcés sur le mirador. « Le mirador est un lieu public où même un simple passant peut s’arrêter pour écouter ce qui s’y trame. Les enfants dérangent souvent par leur tapage. Celui qui s’habitue au vestibule, se promène rarement, donc il est moins exposé aux turpitudes ». 

Enfin, dit-il, le vestibule est un refuge contre les intempériesLe vestibule du chef de village de Diéma, au dire de Fousseiny SISSOKO, conseiller, est un cadre idéal pour les réunions mensuelles des 22 chefs de villages de la commune de Diéma. Plusieurs problèmes y trouvent leurs solutions, notamment les litiges fonciers, les conflits entre agriculteurs et éleveurs, les tentatives de divorce, les liquidations conflictuels d’héritages.

Baye rapporte que,  de son vivant, son père invitait ses amis, les jours de fête,  dans son grand vestibule. Chacun apportait son plat qu’ils  partageaient. Ils se quittaient en se  faisant des bénédictions. Ce tâcheron superstitieux soutient que la porte du vestibule doit être toujours orientée vers l’Est, pour attirer le bonheur et la prospérité.

Diawoye de Lambidou, de sa voix monocorde, ajoute pour sa part que, dans certains milieux, les femmes pilent dans le vestibule, alors que la présence de la gente féminine est formellement interdite, surtout s’il s’agit du vestibule du chef de village. Sory, vendeur de céréales, regrette la disparition du vestibule, un patrimoine précieux, légué par nos ancêtres, qui mérite d’être, à tout prix, sauvegardé.

Un septuagénaire évoque ses souvenirs d’enfance. Il explique que lorsqu’il était encore petit, lui et ses camarades, regagnaient chaque nuit sa grand-mère qui leur racontait des histoires, en filant son coton, installée dans le vestibule, à la lumière vacillante d’une lampe à huile. « Grand-mère était tatillonne. S’il arrivait que quelqu’un parmi nous sombre dans le sommeil, de sa main morte, elle le tirait pour le réveiller. Notre vestibule était devenu pour nous, un endroit de distractions. Mon père nous voyait mais ne pipait mot », dit-il, nostalgique de ces jours heureux de temps anciens.

OB/MD

(AMAP)

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