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Dialogues stérile de la theorie de l’Etat-Nation : La propagande souverainiste confrontée à la réalité de la gestion publique !

Le souverainisme, mis en avant comme modèle de gestion des nouveaux États proto-militaires, à l’œuvre dans les pays du Sahel, se veut certes de rupture. Cependant, la systématisation des confrontations est révélatrice des desseins réducteurs d’une gouvernance de conservation, voire d’usurpation du pouvoir, au seul profit d’un groupe d’intérêt et au détriment des libertés fondamentales et des intérêts des peuples.


Même si elle paraît très franchement galvaudée, la notion de souveraineté demeure le principe premier de politique sans idéal. C’est un concept politique essayant, tant bien que mal, de gérer, d’organiser, en un mot d’offrir un modèle de développement économique, politique, social d’un pays dans un monde globalisé, démocratique fondé sur le libéralisme dans les échanges. Il y a là un paradoxe qui s’attache à l’objet en soi du concept et qui porte en lui-même les limites très nettement marquées de ce qui apparait aujourd’hui comme la propagande souverainiste, utilisée à grands renforts de publicité, comme c’est en ce moment le cas.
Cette conceptualisation, tous azimuts, a tendance, autant au Mali chez nous que dans le Sahel, voire en Afrique francophone, à en faire la solution à tous nos problèmes politique, économique, social aussi bien que dans la gestion des relations internationales. Les zélateurs de la nouvelle croisade ne tiennent toutefois pas compte de cette autre réalité tangible, à savoir que le monde, depuis belle lurette, sans aucune contrainte, s’est globalisé, démocratisé, libéralisé. Le monde est engagé dans une ère où l’interdépendance des nations, devenue plus forte que jamais, constitue une réalité inhérente à la notion même d’Etat et désormais acceptée par tous les pays à travers le monde.
A rebours cependant dans le Sahélistan version martiale, telle une fatalité, on confond allègrement la souveraineté avec l’autorité politique, en y incluant la dimension d’indépendance. Travestie, la nouvelle version du souverainisme, au relent de nationalisme extrémiste, est présentée comme la panacée à tous les problèmes existentiels, auxquels nous sommes confrontés pour notre développement économique.
Négation de la condition humaine
Nul n’ignore en Afrique, plus particulièrement dans le Sahel, par ces temps qui courent, que les pays, sous le joug militaire, se veulent certes décomplexés, et même désinhibés. Cependant, tous ces pays, engagés dans une quête obsessionnelle d’une issue dans le souverainisme absolu, connaissent tous autant qu’ils sont des crises économiques et financières aggravées, touchant aussi les relations internationales, bilatérales, les droits de l’homme et les lois internationales. Les populations sont les seules exposées aux dérives, conséquences immédiates de ces graves crises. Les États et les nations sont exposés à une menace à la limite existentielle à des pratiques de gouvernance chancelante, basée sur le populisme, une communication irrationnelle et surtout superficielle, la dégradation des mœurs et un appauvrissement progressif et quasiment irréversible des peuples et des sociétés.
Tout cela conduit, dans la pire forme des cas, vers le totalitarisme qui est en soi une négation des exigences élémentaires de la condition humaine et de l’économie libérale. Il en résulte forcément le rétrécissement des espaces de liberté, l’agonie des relations d’échanges économiques, le ralentissement croissant des investissements, aussi bien nationaux qu’étrangers.
Etat-nation, la souveraineté non négociable
Il est évident que la mondialisation des échanges, consécutive au libéralisme économique, a créé une crise civilisationnelle. Celle-ci se manifeste tout autant par une tendance marquée de la réduction, voire de l’effacement progressif des différences ou des singularités entre les pratiques politiques, spécifiques à un Etat et celle des autres pays à l’extérieur. Cette tendance à la globalisation obéit à une logique de supranationalisme, dont les normes de régulation des sociétés sont fixées par des sortes de contrats entre Nations consentantes au sein des instances internationales. Il est tout autant certain que les Etats du monde, pris individuellement, n’ont en réalité aucune prise sur ces logiques convergentes d’extraversion d’une part importante des choix de gouvernance. Il s’agit en fait d’un ordre économique mondial et libéral, suivi par tous les autres, indépendamment des clivages idéologiques.
La souveraineté (Etat-nation), est l’indépendance du pouvoir de législation et de décision vis-à-vis de tout pouvoir extérieur, l’autorité étant la puissance suprême à l’intérieur de l’Etat-nation. En définitive, c’est une compétence juridique exclusive. C’est une organisation internationale fondée sur la législation spécifique des nations et une indépendance de juridictions des Etats-nations. Il est clair qu’il y une forme d’antagonisme entre les tenants du supranationalisme mondialiste et les défenseurs de l’Etat-nation, sous le couvert de souverainisme, par essence en tant que somme de valeurs identitaires.
Justement, il peut y avoir des nuances assez marquées dans la manière de défendre l’Etat-nation. Ce qui pourrait d’ailleurs expliquer en fait le désordre politique auquel assistent les Maliens en ce moment, pour ne s’intéresser qu’à ce qui nous concerne.
Cette revendication du retour farouche à une souveraineté classique, pour la junte au pouvoir, est trompeuse à tout point de vue, au demeurant en opposition frontale voire en belligérance implicite avec le supranationalisme, auquel aspirent les parties acquises au libéralisme et à la démocratie.
L’arbitraire du souverainisme
La théorie de la souveraineté, en implémentation au Mali, c’est visiblement le pouvoir de faire et de casser la loi de manière unilatérale, en se passant du consentement du peuple, au besoin pour l’extérieur, de réécrire à sa convenance les normes des relations de partenariat et de coopération. Résultat : dans le contexte actuel malien, le pouvoir est au-dessus des partis qui se déchirent inexorablement.
Contraste saisissant : le pouvoir, ici, devient le seul et unique acteur, dans une situation de confusion, à pouvoir organiser ou réorganiser la société, l’administration, la politique, l’économie. Et le plus souvent, il procède par le moyen de la coercition, selon sa volonté propre.
Pour parer à ces écarts de gouvernance usurpée au profit d’un seul groupe, la souveraineté de l’Etat doit être dotée de règles jugées fondamentales, pouvant en réguler le fonctionnement. Il y a ainsi la constitution, au sens actif et même structurel du terme de loi fondamentale, comme substrat et solide garantie des droits et des exigences de légalité. C’est d’ailleurs là le socle élémentaire de la pensée politique libérale, c’est-à-dire l’Etat de droit.
En faisant une critique saine de la notion de souveraineté, je n’entends pas rejeter pour autant l’autorité politique. Il s’agit plutôt de dénoncer les dérives qui conduisent à la pervertir. La souveraineté, en tout cas telle que comprise au Mali actuel, apparaît comme une perversion, en ce qu’elle conçoit le pouvoir en tant que disposition de la puissance et de l’autorité de contrainte, le plus souvent indiscriminée. Les limites de cette puissance, au demeurant à travers également la disposition de la létalité armée et la menace implicite de s’en servir, résident dans les marges de sécurité que se fixe la junte pour se protéger. Cette perversion a conduit à une désorganisation des politiques à l’intérieur, tout aussi bien que dans les relations, au plan international.
Les arrestations, systématiques et orchestrées, sont des thérapies de choc à l’endroit de la population et participent à l’intimidation collective, même si elles se révèlent en réalité des échecs stratégiques.
La magie du souverainisme du 21ème siècle, comme le labélisent les pouvoirs de répression, mâtiné de néo-panafricanisme, n’est autre que le monopole de l’Etat, l’excès d’Etat qui s’exonère des contraintes des textes.
Le souverainisme à la malienne, ou dans le Sahel, se résume donc à se réfugier dans la désacralisation des textes et de l’administration, au contraire des autres africains de l’ouest, ceux ayant notamment choisi le renforcement des règles de liberté et le libre-échange pour s’épanouir.
La conséquence de la situation est en réalité une impasse dans laquelle la systématisation de la confrontation permanente apparaît davantage comme un impératif de survie, au contraire d’un acte de résistance comme on se plaît à le faire croire.
L’issue en est d’autant plus incertaine que la pratique d’une telle gouvernance consiste également à repousser vers la périphérie, les ressources politiques et économiques à même d’appuyer pour envisager d’indispensables alternatives. Celles-ci ont dès le départ été marginalisées, voire plutôt confinées dans une logique d’exclusion, par le même narratif servant à soutenir le souverainisme belliciste comme modèle social, économique et politique.
Le discours et la pratique n’ont en réalité guère varié, les conséquences, elles, n’en sont encore qu’au début d’un long processus de déstructuration de l’Etat et de la Nation, tels qu’ils avaient été bâtis ces soixante dernières années.
Le challenge de la reconstitution des repères sera inévitablement trans-générationnel. Car le souverainisme, tel que conçu et voulu par la junte, n’est autre qu’une réécriture de l’histoire. Et celle-ci, du moins chez nous, semble se faire sur des ruines, présentées comme les nouvelles pages de ce récit.
Mamadou Sinsy Coulibaly, Président du Groupe Kledu
Commandeur de l’Ordre National du Mali
Officier de l’Ordre National du Mérite de la France

L’Alternance

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