Les problèmes actuels du Mali sont loin d’être ceux que l’on était en droit d’imaginer au moment de l’accession d’IBK à la magistrature suprême en 2013, car l’homme a un passé politique qui l’avait naturellement fait apparaitre comme l’ultime solution face aux défis du moment.
Les problèmes actuels du Mali sont loin d’être ceux que l’on était en droit d’imaginer au moment de l’accession d’IBK à la magistrature suprême en 2013, car l’homme a un passé politique qui l’avait naturellement fait apparaitre comme l’ultime solution face aux défis du moment.
Aujourd’hui, face à l’insécurité récurrente et au bouillonnement social, le bilan est fort mitigé. Le dialogue national inclusif peut-il ramener l’espoir ?
DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LA NATION
Des têtes bien pensantes ont soutenu que le malien est resté digne et respectueux du bien public sous Modibo Kéita pour éviter la honte. Les mêmes disent que sous Moussa Traoré, c’est la peur du gendarme qui a permis d’éviter les actes massifs de prédation des ressources publiques. Depuis l’avènement en 1992 de la « démocratie à la malienne », ni la honte, ni la peur ne régulent le jeu, car la révolution de mars 1991 a tout simplement permis de tourner la page du parti unique au profit d’une nébuleuse appelée « mouvement démocratique » dont on continue à se demander à quoi il a bien pu servir. Face aux hérésies et à l’anarchie nées de ce mouvement, le Dialogue National en cours de préparation doit être la source féconde d’un nouveau contrat social pour replacer le pays et les citoyens sur les rails du respect de la loi et de l’ordre. Pour cela, deux principes doivent être observés au départ : ne pas remettre en question le mandat présidentiel en cours et conduire un débat sans tabou sur les maux qui rongent la société malienne. C’est la condition pour rendre possibles les changements dans la sérénité et le respect des valeurs sociétales. En ce qui concerne la mise en œuvre de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger, il faut quitter le champ du dilatoire pour se consacrer à l’essentiel. En effet, toutes les parties étant d’accord sur le respect de l’intégrité du territoire national, le génie créateur de notre peuple doit prendre le relai. La mission et le rôle des forces internationales sont à redéfinir, de façon que les Maliens restent maîtres de leur destin. La déclaration faite par le Premier Ministre Boubou Cissé à la cérémonie de clôture de l’atelier de validation des termes de référence du Dialogue National confirme bien que le Dialogue se fera sur la base de la reconnaissance et du maintien des institutions actuelles, tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour la vie de la nation. Il faut donc sortir des préalables et profiter pleinement de cet espace avec des analyses et des propositions pertinentes dans l’intérêt supérieur du pays.
REPLACER LA JUSTICE AU CŒUR DU SYSTÈME
La question de la justice ou de l’injustice dans le Mali actuel se pose avec une acuité jamais connue auparavant, parce que l’impunité est devenue la règle à tous les niveaux face à la grande corruption. Grâce au Dialogue National, il s’agit d’impliquer toutes les sphères géographiques, toutes les communautés maliennes de l’intérieur comme de l’extérieur, mais aussi d’interroger l’histoire et surtout l’histoire récente du Mali, marquée par des ruptures très brutales. En effet, on n’a jamais vu le tenant du pouvoir solliciter franchement son devancier pour l’impliquer dans la recherche de solutions ou pour des rôles de représentation. Voilà comment les chefs d’Etat successifs ont contribué à perpétuer le mythe de Sisyphe au lieu de créer une véritable chaine de fraternité et de solidarité au sein du pouvoir. Si la rupture de Modibo Kéita avec le colonisateur français en 1960 peut s’expliquer et même figurer dans notre patrimoine historique comme fait mémoriel de grande valeur, comment comprendre l’anathème jeté par le Comité Militaire de Libération Nationale sur Modibo Kéita, son parti ainsi que les valeurs qu’ils ont portées ? De la même façon, la « nébuleuse démocratique » de 1991 a choisi de jeter purement et simplement le bébé avec l’eau du bain suite au renversement de Moussa Traoré qui avait pourtant su contenir les velléités séparatistes au nord. De 1992 à ce jour, on a produit une démocratie plutôt débridée dont les fruits ont trahi la promesse des fleurs de 1991. Le résultat, c’est une oligarchie de fait qu’on voit parader d’un régime à l’autre, avec des réflexes de parti unique. Ainsi, la connivence des élites a favorisé la prolifération de la grande corruption et de l’impunité, avec des effets induits sur la dépravation des mœurs sociales. Le tableau final de tout ce bazar a éclaté au visage de toute la Nation en mars 2012 et l’onde de choc continue à se propager, plaçant le Mali sous le joug de la communauté internationale.
Il y a véritablement péril en la demeure et un nouveau contrat social s’impose pour protéger l’Etat notre vivre ensemble collectif. Il faut nécessairement que la justice soit replacée au cœur du système malien. C’est la condition pour faire du Dialogue National un succès et une chance pour la renaissance du Mali.
Mahamadou Camara
Email : camara.mc.camara@gmail.com
Canard Déchaîne