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Dialogue politique et social inclusif au Mali : Un projet mort-né ?

En parcourant les Termes de référence (TDR) du dialogue projeté, on a le sentiment tragique que les autorités actuelles qui président aux destinées du pays n’ont pas pris bonne mesure du drame qui est le nôtre et des graves risques d’implosion du pays qui pointent à l’horizon.

 

La crise sécuritaire qui ne cesse de s’amplifier et de s’étendre est aggravée par une crise économique et sociale sans précèdent. Celle entretenue par la classe politique n’est que subsidiaire par rapport aux graves menaces qui pèsent sur la survie du Mali en tant que nation. Partout émergent des forces centrifuges dans l’indifférence et l’égoïsme exacerbé des élites.

Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil sur ce qui se raconte sur les réseaux sociaux où les charlatans politiques et sociaux en tous genres surgissent comme une génération spontanée.

Face à une mer complètement démontée, le pouvoir ne semble pas se rendre compte que le gouvernail du bateau Mali est cassé et que le temps du changement de cap est lui aussi venu. Et pour ce faire, l’effort conjugué des filles et fils du pays est indispensable pour la survie collective. Il faut sortir du bricolage et des combines de politiciens pour faire face aux défis du moment. L’heure de vérité a sonné pour le Mali.

Revenons un instant aux termes de référence du dialogue projeté. Il se veut politique et social comme si la crise malienne ne se résumait qu’à ces deux mots alors qu’elle est multidimensionnelle, profonde et exacerbée.

Au passage, signalons que le document de TDR a fuité dans la presse alors que ceux désignés pour la piloter n’en avaient pas eu la primeur. Cela dénote de la légèreté avec laquelle on ose aborder une question aussi gravissime.

Par ailleurs, le document semble verrouillé

Dans la partie intitulée contexte et justification, il est clairement indiqué au paragraphe sept que le dialogue politique inclusif (entre temps, il a perdu ses autres adjectifs qualificatifs) «ne sera point une «conférence nationale souveraine», comme celle que le pays a organisée, en 1991. Elle ne sera pas non plus une porte ouverte à la mise en veilleuse des institutions actuelles et leur remplacement par un régime de transition. Le dialogue devra s’inscrire dans le strict respect de la Constitution et des lois de la République et être un atelier d’incubation d’idées nouvelles…»

«Les idées nouvelles seront formulées en résolutions que le Président de la République s’engagera à assurer la mise en œuvre sous la surveillance d’un comité ad hoc désigné par la plénière du dialogue politique inclusif.»

Le terrain est ainsi entièrement balisé. Tout est défini d’avance. Circulez, il n’y a rien à voir. Le Président décidera des suites à donner. Tout au plus, il s’engagera à assurer la mise en œuvre. Mais les citoyens savent bien ce que valent les engagements de nos dirigeants depuis belle lurette. Pas étonnant que cela se termine en queue de poisson après le festival de grandes déclarations et promesses. Le pays en a l’habitude.

Autre point à noter des TDR.

Dans le chapitre IV portant sur les thématiques ou contenu du «dialogue inclusif» qui continue à perdre encore certains de ses adjectifs qualificatifs, tout est encore verrouillé d’avance.

Trois (03) thématiques sont imposées au sein desquelles figurent en bonne place les préoccupations essentielles du pouvoir: la révision constitutionnelle, la révision du projet de loi d’entente nationale, le calendrier électoral même si cela est noyé dans une sémantique générale propre aux bavardages politiciens.

Troisième point et non des moindre abordé au chapitre V des Termes de référence (TDR): la question des participants.

Comme à l’accoutumée, le pouvoir s’arroge le droit de désigner les participants au dit dialogue. En fait, il s’agit d’une simple cooptation des élites entre elles. Le peuple n’y est point convié comme si les populations n’étaient pas à même de parler elles-mêmes de leurs préoccupations et de préconiser des solutions.

Du point de vue de la méthodologie adoptée au chapitre VI des TDR, le dialogue s’arrêtera aux portes des cercles sous l’égide des préfets. Le pays profond est ignoré. La démarche du haut en bas qui a marqué de manière indélébile l’appareil administratif de l’Etat et qui a conduit aux impasses actuelles, reste de mise. Il est évident que dans ces conditions, la montagne ne fera qu’accoucher d’une énième souris.

C’est au niveau du chapitre VII traitant des résultats attendus que le masque est définitivement jeté. Quatre (04) résultats sont attendus:

– Le premier porte sur la décrispation politique. Il s’agit avant tout que les politiciens se mettent d’accord à nouveau pour remettre le pays sous leur coupe. Les populations connaissent la chanson et en sont vaccinées.

– Le deuxième attendu parle du projet de révision constitutionnelle qui est de fait le cœur du dialogue projeté. Le pouvoir y tient pour se plier aux injonctions de ses partenaires internationaux consignées dans le fameux accord d’Alger, accord de tous les dangers qui finira par dépecer le pays.

– Le troisième attendu fait référence au chronogramme électoral qui redéfinira un nouveau calendrier pour la tenue des élections. Déjà les députés, tous partis confondus, ont voté la prorogation de leur mandat en sautant pieds joints par-dessus la constitution et le code électoral.

– Le dernier parle d’un plan pour l’apaisement durable du front social, grèves à n’en pas finir des syndicats de travailleurs.

En définitive, le dialogue projeté n’est qu’une tentative désespérée du régime de se dégager des incendies allumés çà et là par sa gestion hasardeuse du pouvoir et son laisser-aller. Il ne se rend pas compte que la classe politique, la société civile et les prétendues forces vives du pays sollicités pour le dialogue politique, font plus partie des problèmes que de la solution.

Sa soumission aux diktats des puissances occidentales dresse une barrière entre lui et son peuple. Continuer à adouber les accords d’Alger et à aller dans les sens d’une révision constitutionnelle dont la finalité est d’imposer un découpage territorial et administratif qui conduira inéluctablement à la partition du pays serait un acte de trahison inqualifiable à l’endroit de son peuple.

Les Maliennes et les Maliens rêvent avant tout de souveraineté et de dignité. Ils veulent avoir le droit de choisir sans faux fuyants leurs amis. Ils ne confondent pas les gouvernements prédateurs des richesses et des indépendances et leurs peuples.

Dans les conditions qui sont les nôtres, le seul mot d’ordre qui vaille aujourd’hui est la Résistance Nationale. Prenons rapidement langue entre patriotes maliennes et maliens pour mettre en place une dynamique et un organe de coordination pour la résistance nationale.

Traçons sans illusion le cercle de nos amis, les vrais, les peuples et les pays qui respectent notre souveraineté et notre dignité. Rompons les chaînes de la courbette et de l’aplatissement devant les diktats d’où qu’elles viennent. Un peuple debout est invincible. Le Président Modibo Kéïta nous avait ouvert la voie, en 1960. Arrêtons de trahir notre pays et notre peuple. Donnons-nous la main pour bâtir un Mali pluriel, fort et respecté. Changeons d’alliance à l’échelle internationale et explorons d’autres voies.

Tout est possible à condition d’assumer notre destin.

«An lara, an sara [Couchés, nous sommes morts]», disait le sage Joseph Ki-Zerbo.

Pr Issa N’Diaye

Juin 2019

 Inter De Bamako

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