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Désarmer, démobiliser, réinsérer : le casse-tête de la résolution des conflits en Afrique

Le Mali et la Centrafrique entament des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) d’anciens combattants rebelles. Avant ces deux pays, la Côte d’Ivoire et la République démocratique du Congo ont eu des résultats mitigés.

Depuis 1990, l’Afrique subsaharienne a connu une vingtaine d’initiatives de désarmement. De la Namibie au Burundi, en passant par la Côte d’Ivoire ou la Sierra Leone, plusieurs centaines de milliers d’anciens combattants ont fait l’objet de programmes DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion). Ces processus sont souvent contenus dans les accords de paix d’après-guerre. Ils sont essentiels pour les résolutions de conflits armés et constituent une des nombreuses phases de reconstruction d’un pays ravagé par les conflits. Ils visent principalement à intégrer des miliciens dans des forces de sécurité gouvernementales et à retirer les armes en circulation. Si quelques expériences ont rencontré des succès plutôt relatifs au regard du nombre de personnes démobilisées, plusieurs autres opérations DDR ont eu du mal à aboutir.

Le cas de la République démocratique du Congo reste emblématique. Malgré les accords de paix successifs de 2003, 2009 et 2013, les armes ne se sont jamais tues dans le nord-est de ce pays trois fois plus grand que la France. Notamment dans la région du Nord-Kivu où plusieurs milices continuent de semer la terreur au sein des populations. “L’efficacité d’un DDR se juge à la capacité à démobiliser, désarmer et réinsérer. En Afrique, la démobilisation ça se fait, le désarmement moyennement parce que certains combattants cachent leur arme. Mais la réinsertion reste problématique” explique Thierry Vircoulon, expert Crises et conflits à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Selon un rapport du Centre d’études stratégiques de l’Afrique publié en 2013, les programmes DDR intéressent peu “les hauts gradés de mouvement armés pour lesquels la démobilisation représente un sacrifice important en termes d’influence et d’autorité, et qui profitent souvent de leur rôle au sein d’une milice, par le biais soit d’une fiscalité illégale, soit d’un trafic de minéraux et de matières premières. Certains d’entre eux risquent d’être poursuivis ou mis en examen pour crimes de guerre ; ils ont donc tout intérêt à rester actifs et armés. Les promesses de formation ou d’aide à la réintégration ont peu de chance de séduire ces purs et durs.”

Des résultats fragiles

En République démocratique du Congo, entre 2004 et 2010, environ 159 000 combattants ont été démobilisés sur 240 000, et seuls 77 000 ont été réintégrés, la plupart dans une armée restructurée. “Il va de soi que pour être réintégré dans l’économie, il faut déjà qu’il y ait une économie. Mais dans la plupart de ces pays [en guerre], l’économie ne fonctionne pas, il n’y a pas de travail. C’est pour cela que dans la majorité des cas, les combattants préfèrent être réinsérés dans les forces de sécurité. Parce qu’ils savent qu’il y a au moins la garantie d’un salaire, d’un uniforme et d’avoir le droit de faire des conneries avec une arme. C’est pour ça que cela paraît toujours la meilleure option pour les combattants”, affirme Thierry Vircoulon.

La réinsertion des anciens combattants dans l’armée semble être une panacée pour les sorties de crise. Cette solution a été adoptée en Côte d’Ivoire. Mais les résultats sont fragiles. À la fin du programme DDR en 2015, sur plus de 74 000 ex-combattants des Forces nouvelles ayant soutenu Alassane Ouattara lors de la crise post-électorale de 2010, près de 58 000 ont été démobilisés et réintégrés dans l’armée, et leurs anciens grades ont été maintenus. Cela n’a pas empêché plusieurs mutineries, dont la dernière remonte à mai 2017.

Sur RFI, le général français Bruno Clément-Bollée – qui a commandé l’opération Licorne – avait évoqué des cas d’indiscipline dus à l’absence de formation de ces combattants qui ont appris à manier les armes sur le tas. “Au moment de la sortie de crise, tout l’encadrement de l’armée du président Gbagbo était en fait constitué des cadres qui avaient été formés un peu partout, en Europe, aux États-Unis. Quand l’armée a été réformée, on s’est méfié de ces cadres qui avaient servi l’autre président et on les a écartés. Et on a mis à la tête des armées des cadres qui n’étaient pas formés, ce qu’on a appelé des ‘comzones’.” Mais, nuance Thierry Vircoulon, la Côte d’Ivoire a connu aussi des mutineries en raison “d’une crise socio-économique générale. Il y a eu beaucoup de grèves dans la fonction publique et donc dans l’armée”. Le calme est depuis revenu dans les casernes en Côte d’Ivoire.

Difficultés au Mali et en Centrafrique

Quels résultats pourrait-on donc attendre du programme DDR au Mali ? À peine commencé, le processus bat de l’aile. Contenu dans l’accord de paix d’Alger signé en 2015 entre le gouvernement malien et la Coordination des mouvement de l’Azawad – alliance de groupes rebelles –, ce processus doit conduire à la stabilité dans le nord du Mali miné par des mouvements terroristes et séparatistes.

Mais alors que les premières composantes désarmement et démobilisation ont difficilement démarré le 6 novembre, des assassinats ciblés d’ex-chefs rebelles viennent perturber le processus de paix. Dimanche 18 novembre à Tombouctou, un responsable de l’ex-rébellion Touareg a été tué, affirment des sources sécuritaires et administratives. L’homme était membre du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), une unité mixte formée notamment de soldats et d’anciens rebelles. “Le lâche assassinat de Moulaye Touhami a pour objectif de faire peur à tous ceux qui veulent aller vers la paix”, a déclaré un élu de Tombouctou s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.

Au Mali, 1 600 combattants des trois régions du nord du pays sont concernés par le processus DDR. Mais au 14 novembre, seuls 98 combattants étaient enregistrés et 72 avaient terminé toutes les phases du processus à Tombouctou. A Kidal, 200 personnes ont débuté le processus et à Gao, 104. Dans cette dernière ville où sévit principalement le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance jihadiste du Sahel, liée à Al-Qaïda, l’opération sous supervision de la Minusma aurait pu partir à vau-l’eau. Des anciens combattants ont refusé de déposer leurs armes sans obtenir un certain nombre de garanties. Ils réclament entre autres la possibilité de garder leur grade actuel en intégrant l’armée régulière.

Une réunion de crise a permis d’atténuer les tensions. Mais l’opération DDR s’annonce pénible. “Au Mali, il y a un problème général d’application de l’accord d’Alger avec le gouvernement et certains groupes armés qui n’en veulent pas. En règle générale, on signe des accords de paix de mauvaise foi. Et quand le processus de paix va mal, le processus DDR a du mal à être mis en œuvre”, explique Thierry Vircoulon.

Quel sort alors pour la Centrafrique, pays riche en minerais et déchiré par des violences interethniques depuis 2013 ? Alors qu’un calme précaire s’était installé après l’élection de Faustin-Archange Touadera en 2016, les violences ont repris de plus belle après la destitution du président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua. Un programme DDR pilote a démarré en septembre 2017. Il laissera place à un plus vaste programme auquel prendront part une demi-douzaine de groupes armés.

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