La démission-surprise d’Oumar Tatam Ly de la Primature, suivie de la nomination, elle aussi surprise, de Moussa Mara comme Premier ministre par le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK», continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. M. Ly aurait-il volontairement choisi de trahir IBK qui avait placé en lui toute sa confiance ou manifeste-t-il ainsi son incompétence notoire à gérer cette deuxième Institution de la République ? Cette question mérite d’être posée.
Nommé chef du gouvernement en septembre 2013, au lendemain de l’investiture d’IBK qui tournait ainsi la page de 18 mois de crise politico-militaire ayant divisé et meurtri le pays, Oumar Tatam Ly vient de jeter l’éponge. Faut-il le préciser, ce banquier de 50 ans, ancien Conseiller spécial du gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bcéao), était l’un des artisans du Programme économique du président IBK. Pourquoi donc ce brusque revirement ? D’aucuns parlent de trahison, car le président IBK l’avait rassuré qu’il n’y aura pas de remaniement et que même au cas où il y en aurait, il allait garder son poste de Premier ministre. De toutes les façons, ce n’était pas le moment indiqué pour que M. Ly démissionne, surtout que le Mali est encore convalescent de la guerre que lui ont imposée les jihadistes, les narcotrafiquants, les bandits armés du Mnla et leurs alliés. Et aussi surtout qu’actuellement, la Communauté internationale est au chevet de notre pays pour la reconquête entière de son intégrité territoriale et sa reconstruction nationale.
Toujours est-il qu’avec cette démission d’Oumar Tatam Ly, tout est à reprendre et par conséquent, IBK a perdu plus de sept mois pour rien. Plus de sept bons mois qu’il faut rattraper en carburant dur. Une autre course contre la montre pour sortir notre pays de l’ornière! En tout cas, on se rappelle encore que dans sa lettre de démission, le désormais ex-Premier ministre, Oumar Tatam Ly, évoquait des « dysfonctionnements » et « insuffisances » (…) dans la marche du gouvernement qui réduisaient sa capacité d’action. «Je n’ai pu vous convaincre de la nécessité de ces évolutions, lors de nos entretiens des 2, 3 et 16 mars ainsi que du 4 avril 2014. En conséquence, en considération de ces vues différentes qui ne me mettent pas dans la position de remplir la mission que vous m’avez confiée, je suis au regret de vous présenter ma démission du poste de Premier ministre », écrit-il dans sa lettre de démission adressée au président IBK.
Cette explication de M. Ly ne convainc pas nombre de Maliennes et de Maliens qui attendaient de lui qu’il élucide ces « dysfonctionnements » et « insuffisances ». De ce fait, nos concitoyens restent toujours perplexes, ne comprenant pas vraiment ce qui s’est réellement passé entre IBK et son ancien Premier ministre, jusqu’à ce qu’ils arrivent au divorce total. Mais, un Conseiller de la Présidence de la République, juste après la démission d’Oumar Tatam Ly, avait adressé des documents à des journaux locaux dans lesquels il apporte quelques éclaircissements. «Les vraies raisons de la démission du Premier ministre, aux allures de limogeage, doivent être recherchées à d’autres niveaux : le manque de visibilité du Premier ministre, son inexpérience politique, ses rapports exécrables avec la classe politique notamment la majorité, son incapacité à s’imposer.
L’équipe gouvernementale sous la direction de Tatam Ly est une faillite en perspective où la désarticulation côtoyait l’indigence des initiatives et les résultats (quelques ministres tirent leurs épingles du jeu), les querelles intestines faisaient oublier l’essentiel.
Et d’enfoncer le clou : «Les Conseils des ministres ne se tenaient pas fréquemment, parce qu’en l’absence du président de la République, il n’était pas évident qu’Oumar Tatam Ly puisse en imposer au Collège par son charisme ou son autorité! Le manque de résultats et la faillite du Premier ministre sortant expliquent le choix porté sur Moussa Mara pour signer le retour du politique à la Primature par la grande porte. Un retour qui s’analyse bien comme la faillite du technocrate sur lequel le président IBK avait misé pour réaliser son programme présidentiel».
Bruno LOMA
SOURCE: Le Flambeau