Démission d’un chef d’Etat en exercice, constitution et coup d’Etat ?
La République du Mali est un Etat de Droit régie par une constitution, celle du 25 Février 1992, une pure émanation du Peuple malien, de laquelle constitution se dégage le principe directeur suivant : « GOUVERNEMENT DU PEUPLE PAR LE PEUPLE ET POUR LE PEUPLE. »
Il résulte de ce principe constitutionnel que dans une République démocratique pluripartiste telle que la République du Mali, la souveraineté appartient au Peuple et à lui seul.
Le Pouvoir appartient en conséquence au Peuple qui peut le confier pour une mandature donnée au Président de la République.
Ce Pouvoir souverain, déterminé et précisé par le Peuple, dans une constitution, qui est sienne, (car résultat d’un referendum), est confié dans son exercice, au Président de la République, après le passage de celui-ci par le moule d’une voie sélective : la voie électorale.
Une fois élu le nouveau Président de la République prête serment devant le Peuple de respecter la constitution, de rester toujours auprès de son Peuple et de défendre ses intérêts dans la justice, l’honneur et la dignité.
Lorsque ce Peuple constate, les preuves à l’appui, que ce Chef d’Etat a lourdement failli à ces obligations, il est en droit de lui reprendre démocratiquement le Pouvoir confié en exigeant sa démission.
Le Président peut accepter ou refuser de démissionner :
1) S’il accepte, dans ce cas, il remet le Pouvoir à son légitime propriétaire, à savoir le Peuple souverain, c’est là une voie régulière à suivre, pleine de dignité, la voie légale.
2) S’il refuse, peut-on l’obliger à démissionner ?
Bien sûr que oui :
a.) Cela constituerait-il une violation de la CONSTITUTION ?
Pas du tout car la constitution ne concerne pas d’une certaine manière le Peuple mais plutôt et directement l’exercice du Pouvoir que ce Peuple lui a confié. Le Peuple est en dehors de la constitution laquelle n’est autre que l’émanation du Peuple ?
b.) Par ailleurs une telle obligation à démissionner constitue-t-elle UN COUP D’ETAT ?
Pas du tout, car le coup d’Etat se définit selon le Dictionnaire Larousse français comme suit : « La prise illégale du Pouvoir par une personne ou un groupe qui exerce des fonctions à l’intérieur de l’appareil étatique ; on parle de putsch en cas de coup d’Etat militaire ».
Dans ces conditions lorsque le Peuple est convaincu (preuves à l’appui) de la faillite du Chef de l’Etat et doit en conséquence reprendre son Pouvoir souverain, c’est à dire celui qu’il lui avait confié pour une certaine mandature, est-ce là une prise illégale du Pouvoir, un coup d’Etat ?
Reprendre son dû, est-ce une prise illégale ? Point du tout. Alors, lorsque le Président persiste dans son refus de démissionner, il affronte volontairement son Peuple lequel reprendra son Pouvoir par tous les moyens légaux à sa portée dont particulièrement la désobéissance civile.
Conclusion :
Qu’est-ce que le Peuple ? Le Peuple ? Conformément aux dispositions du Dictionnaire français Larousse, c’est aussi la masse, la foule déferlante, l’ensemble des gens de conditions modestes, dans certains cas une simple fraction représentative du Peuple telle que l’Assemblée Nationale par exemple ; c’est la grande foule déferlante qui détient un Pouvoir souverain, doté d’une légitimité et d’une force, une puissance extraordinaires et incontestables.
Lorsqu’un Chef d’Etat faillit à ses obligations (par diverses violations constitutionnelles …), et que le Peuple en colère se lève et se redresse : tout s’incline et s’agenouille indiscutablement et dans la légitimité à son passage, à savoir le Président de la République, la Constitution, les Institutions … La légalité elle-même s’incline obligatoirement devant la légitimité.
Que vive la démocratie et que vive l’Etat de Droit !
Par Amadou Aliou N’Diaye
Magistrat à la retraite
Ancien Président de la Cour Suprême du Mali
Source: Nouvelle Libération