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Déguerpissement de N’Tabacoro: deux poids, deux mesures

Où va le Mali, est-on tenté de s’interroger face à l’ultimatum du gouvernement, à travers le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Logement social, de démolir des centaines de maisons de citoyens maliens dans la localité de N’Tabacoro, au motif que ces maisons sont construites sur le site des logements sociaux. Et pourtant, dans la même zone, au même endroit, un opérateur économique de la place qui a réussi à extorquer 120 hectares des mêmes parcelles pour les revendre non seulement à l’État, mais aux députés de la République, reste peinard. De quoi s’agit-il ?

   

Dans le cadre de son programme de construction des logements sociaux, dans le secteur de N’Tabacoro, le gouvernement envisage la réalisation très prochaine de 20 000 logements sociaux. Pour ce faire, des espaces sont mis à la disposition de l’Office malien de l’habitat (OMH). Ainsi, sur les 1000 hectares alloués pour la construction des logements sociaux, plus de 300 hectares sont entre les griffes d’occupants illicites dans le secteur de N’Tabacoro, selon des sources de l’OMH. Pour être en possession de ces parcelles, l’Office, à travers les soins d’un huissier commissaire de justice, a sommé les occupants de déguerpir le site.

Historique

Tout a commencé en 2011, sous le Président Amadou Toumani TOURE, lorsque le gouvernement du Mali, par décret n° 2011- 090/ P- RM du 7 mars 2011, a autorisé et déclaré d’utilité publique les travaux d’extension des logements sociaux à N’Tabacoro dans la Commune de Kalaban-Coro, cercle de Kati.

Dans ce contexte, le même État a et continue de dédommager les propriétaires de champs, de titres fonciers et autres types de propriétés, dans la zone, à plusieurs milliards de francs CFA. La nature ayant horreur du vide, l’espace libéré fera l’objet de réoccupation, avec la complicité d’agents véreux de l’État, dont l’ancien préfet de Kati, le sous-préfet de Kalaban-Coro, M. Keita, qui y ont délivré des permis d’occuper à des particuliers. Malgré la plainte du ministre de l’Habitat, des affaires foncières et de l’urbanisme de l’époque, Mohamed Aly Bathily, contre ces agents, au pôle économique, le dossier sera classé sans suite.

En plus de ces agents de l’État, des opérateurs économiques de la place, Ilam Niang, le député Hady Niagando de la CII du district de Bamako et chérif Haidara ont réussi à faire main basse sur près de 120 hectares. Une partie de ces espaces immatriculée frauduleusement au nom de l’honorable Hady Niangado, sera morcelée et revendue aux députés de la mandature en cours de l’Assemblée nationale et le reste revendu au même État pour des besoins de construction de logements sociaux, à près de 3 milliards de francs CFA, selon l’ex-ministre Mohamed Aly Bathily.

Dans quel drôle d’Etat sommes-nous ?

Aujourd’hui, ce même État incapable de rendre justice au nom et bonheur du peuple se permet de s’attaquer aux particuliers ayant acquis des titres de propriété auprès des agents de l’État, soient-ils véreux. C’est dans ce contexte que depuis le week-end dernier, des occupants sur près de 300 hectares de superficie affectés à la construction des logements sociaux dans le secteur de N’Tabacoro, ont reçu l’ultimatum de l’OMH de quitter leur habitation. L’affaire fait grand bruit quand on sait que l’arrestation de l’imam prêcheur, Bandiougou Doumbia est partie de là, suite à un prêche au cours duquel il a tenu des ‘’propos déplacés’’.

Sur la question, l’ex-ministre Bathily, interrogé par des confrères de la place, est formel : autant les occupants actuels menacés doivent quitter, autant, les députés de l’Assemblée nationale doivent être déguerpis. Pour l’ex-ministre, la loi portant expropriation d’utilité publique a été violée.

Mohamed Ali Bathily explique: « pour comprendre cette histoire de N’Tabacoro, quand j’étais ministre, j’ai fait une visite dans la zone qui m’a pris de 10 heures à 17 heures à pied sur le terrain. Cela m’a permis de voir l’espace, de connaître qui occupent les parcelles et comment. J’ai compris ce jour que les occupants qui ont été installés par le préfet de Kati, Ibrahim Sylla et le sous-préfet de Kalaban-Coro, M. Keita, sur la base de la fraude. Pour rendre justice dans cette affaire, les biens du préfet et du sous-préfet incriminés doivent être d’abord saisis pour réparer les préjudices causés aux occupants qui réclament aujourd’hui leur droit à l’État. Ici, l’État n’est nullement en cause, mais des agents qui en toute connaissance de cause, ont fauté en délivrant de faux documents aux citoyens. Mais personne ne parle de ces deux personnes, c’est le gouvernement et le président IBK qui sont accusés. Quelque part, je pense que c’est sciemment fait, parce que lorsqu’ils prendront le risque d’évoquer les noms du préfet et du sous-préfet, on leur dira, qu’ils ont des faux papiers. Donc, il vaut mieux se retourner directement contre l’État.

Mais pour être juste dans cette affaire, il faut aller au-delà de ces occupants. Car, dans la même zone, Ilam Niang s’est accaparé de 60 hectares qu’il dit avoir échangés contre des parcelles de Hady Niangado, le député de la CII du district de Bamako. 60 autres hectares échangés contre 30 hectares de chérif Haidara, donc 120 hectares des parcelles dédiées aux logements sociaux ont été extorqués ainsi par ces personnes. Ces parcelles aujourd’hui ont été revendues aux députés de l’Assemblée nationale de la mandature en cours. On se demande aujourd’hui entre ceux-ci et le préfet Sylla qui est plus prédateur. L’injustice aujourd’hui est qu’on menace les clients de Ibrahim Sylla et de du sous-préfet Keita alors que les députés et les opérateurs économiques indélicats ne sont nullement inquiétés. C’est là le deux poids, deux mesures. Pour la même faute, certains sont inquiétés parce qu’ils sont les maillons faibles de la chaîne et les autres restent peinards. Pourquoi les derniers ne sont pas inquiétés ? Parce qu’ils sont des députés de l’Assemblée nationale ou parce qu’ils ont acquis leur parcelle à un ‘’intouchable Hady Niangado’’, puissant opérateur économique ?

Dossier classé sans suite

Si on démolit les maisons de ces occupants, en application de la justice et du droit, les députés également doivent être déguerpis des lieux. Car, ils sont dans les mêmes conditions d’occupation illicite du site des logements sociaux. Pire que ces occupants, Hady Niangado a poussé son zèle jusqu’à revendre 30 hectares des parcelles des logements sociaux à l’État. C’est-à-dire que ce même État, qui s’acharne aujourd’hui contre ces pauvres occupants, a accepté de racheter ses propres parcelles à Hady Niangadou.

En tant que ministre des Domaines, j’ai porté plainte contre le préfet Sylla, le sous-préfet, Keita, Illam Niang, Hady Niangado, Chérif Haïdra chez le procureur de la CIII, au pôle économique. Mais les dossiers ont été classés sans suite. C’est pourquoi je continue de croire que le Mali est un pays d’anarchie. Donc, qu’on laisse ces pauvres occupants vivre leur vie paisible ».

Cette affaire interpelle les ministres de la République concernés (Domaines et affaires foncières, Alou Badra Berthé ; Habitat, Urbanisme et Logement social, Hama Ould Sidi Mohamed Arbi ;  Justice, garde des sceaux, Malick Coulibaly) et au-delà le Premier ministre, chef du gouvernement, Boubou Cissé, qui en tant que ministre des Finances, a lui-même payé les droits des premiers occupants suite au décret d’expropriation.

À suivre

Par Sidi DAO

Source : INFO-MATIN

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