Le Collectif des propriétés privées atteintes de Safo, Torodo et Tasan ; dirigé par Karamoko Youssouf KOUYATE, a tenu, ce samedi 17 août 2024, conférence de presse consacrée au sort de leurs parcelles sur plus de 200 hectares situés dans la commune rurale de Safo (Kati), déclarées d’utilité publique par le conseil des ministres du 14 août 2024.
«Oui à la centrale solaire de Safo, mais nous attendons toujours nos indemnités d’expropriation » ; « Oui à la centrale solaire, mais nos dédommagements d’abord », étaient, entre autres, messages qu’on pouvait lire ce samedi 17 août 2024 sur les banderoles des victimes de ce projet majeur.
Pour les initiateurs de cette conférence presse, l’objectif est d’attirer l’attention de plus hautes autorités sur les risques de violations graves de leurs droits dans le cadre des travaux de la construction des Centrales solaires photovoltaïques de Nienguekoro et de Safo.
Selon ce communiqué du gouvernement, ces travaux de construction des Centrales solaires photovoltaïques de Nienguekoro et de Safo ainsi que ceux relatifs à leur raccordement et à la réalisation des voies d’accès empiètent sur des propriétés privées qu’il convient d’exproprier pour cause d’utilité publique, conformément aux dispositions de la loi domaniale et foncière.
Les victimes ont expliqué au cours de cette rencontre être détenteurs de permis d’occuper, de titres fonciers, de bulletins et de lettres d’attribution du cercle de Kati et de la mairie de Safo.
«Un beau matin, nous avons été surpris de voir les balises de l’Edm autour nos parcelles alors que ni l’EDM, ni la marie ne nous avait informé de cette opération, malgré le fait que nos parcelles aient été régulièrement acquises auprès de la mairie » a déclaré Mme Sidibé Aminata TRAORE.
Face à ce constat, les propriétaires se sont levées pour constituer un groupe à partir de la convocation de l’entreprise chargée des travaux.
«C’est à la suite de ce recensement que nous avons créé un groupe WhatsApp qui a abouti la mise en place de ce Collectif pour défendre nos intérêts», a-t-elle expliqué.
Selon la conférencière, les victimes ont saisi à deux reprises le Directeur Général actuel d’EDM successivement le 2 novembre 2023 et le 7 décembre sans être fixé sur leur sort.
Ainsi, toutes les autorités chargées de la gestion de ce dossier ont été démarchées. À commencer par les chefs de village de Safo et de Torodo.
«Nous avons rencontré la mairie à plusieurs reprises. Nous avons envoyé une correspondance au DG de l’Edm», a-t-elle dit, tout en précisant que le ministère de l’Energie et de l’eau a été saisi à son tour. Malheureusement, dit-il, aucune des correspondances n’a été répondue.
De son côté, Abdramane Aboubacrine YATTARA a fait savoir qu’un point de presse a été organisé en mars 2024 par les victimes pour exprimer leur inquiétude et alerter les autorités.
De même, suite à la publication du décret qui a donné un statut d’utilité publique de la zone, ils ont écrit au ministère de l’Urbanisme et de l’habitat qui avait initié le projet, a-t-il expliqué.
A la suite de cette correspondance, le ministère de l’urbanisme a accepté de recevoir les victimes le 1er août 2024.
«Au cours des échanges, le ministère a reconnu ses torts de nous avoir pas rencontrés plus tôt et nous a rassuré que toutes les victimes seront dédommagées quel que soit la nature du document administratif qu’elles possèdent pour l’acquisition de la parcelle», a dit M. YATTARA.
De même, les responsables de l’urbanisme nous ont conseillés de rassembler tous les documents que nous possédons et de faire une liste pour les envoyer», a-t-il ajouté.
Selon ses explications, après ces échanges, le ministère de l’Urbanisme s’est engagé à faire une enquête sur le terrain.
Mais finalement, les victimes ont été surprises d’apprendre à la télévision qu’un projet de décret a été pris en conseil des ministres pour la déclaration d’utilité publique de la zone.
Dès le jeudi matin, le 15 août 2024, le ministère de l’Urbanisme qui n’a jamais envoyé une équipe enquêtée sur le terrain a commencé par appeler individuellement les victimes au téléphone au nom de l’EDM.
Mais pour M. YATTARA, le coût du dédommagement proposé est loin de refléter la valeur réelle des parcelles encore moins des investissements réalisés.
«Quand on vous appelle au téléphone, on vous dit, vous êtes concerné par l’expropriation, vient on va vous dire la valeur estimative de votre parcelle. Et dès qu’on vous montre, on vous demande immédiatement de signer. Mais quand vous lisez le document qu’on nous a demandé de signer, tout ce que vous avez investi n’est pas pris en compte. Sur le document qu’on nous a présenté, le m2 est estimé à 4 600 F CFA.», relève-t-il.
Il ressort de son propos qu’à la moindre protestation, les membres de la commission de dédommagement mis en place par l’EDM et l’Urbanisme vous demandent d’aller voir la justice, sans ménagement.
«Nous, on ne veut pas en arrivé là», a fait savoir Abdramane Aboubacrine
«Quelqu’un qui achète une parcelle et qui y investit plusieurs millions ; la commission vous appelle et vous propose un million trois cent quatre-vingt mille francs (1 380 000) F CFA», a-t-il déploré.
Pour Abdramane Aboubacrine, la partie gouvernementale n’a pas respecté sa parole donnée car les deux parties avaient convenu de mettre en place une commission et travailler ensemble pour les estimations des dédommagements.
«On cherche à nous diviser. Mais restons soudés pour mener notre lutte de manière pacifique. Si on vous appelle, prenez le temps de bien lire le document avant de signer », a-t-il conseillé.
Au passage, il a invité le président de la transition, Assimi GOÏTA, à s’impliquer dans ce dossier pour que les victimes puissent être mises dans leurs droits.
«M. le président, le projet auquel vous tenez tant est en train d’être réalisé dans la violation des textes. On n’est pas en train d’indemniser les gens comme ça se doit. Nous ne demandons pas l’impossible, nous demandons seulement que les textes soient respectés en la matière pour que chacun d’entre nous soit mis dans ses droits. Nous vous demandons de nous aider, car ce qu’on est en train de nous faire, c’est de l’injustice. Ils ont fixé un prix forfaitaire », a-t-il imploré.
Selon les conférenciers, aujourd’hui, plus de 9 600 lots sont concernés par ce déguerpissement dont plus 400 ménages sont recensés sur une superficie de 200 hectares.
Par Abdoulaye OUATTARA