Ils sont jeunes, femmes, adolescents et même des chefs de familles qui quittent chaque jour le pays pour un avenir meilleur. Cette situation n’est pas nouvelle au Mali puisque les maliens ont une tradition d’émigration mais le nombre de candidats à l’exil a malheureusement accru depuis des mois. Un fait nouveau : même ceux qui ont réussi à avoir un emploi au Mali ou à former des petites entreprises font partie des nouveaux candidats à l’exil. Beaucoup ont fermé leurs entreprises parce qu’ils n’arrivent pas à payer leurs employés et supporter d’autres charges. La situation déplorable de la desserte de l’électricité en est pour beaucoup. Une situation qui a fini par paralyser le pays. S’y ajoute le contexte économique difficile, où le Trésor public accumule les dettes intérieures du secteur privé pour consacrer ses minimes ressources aux efforts de guerre et au paiement des salaires des fonctionnaires. En un mot, l’économie du Mali est à plat et plusieurs secteurs y sont touchés. Les autorités maliennes sont interpellées à voir cette situation de près. Surtout que presque tous les grands investisseurs ne se dirigent plus vers notre pays, à cause de la nature du régime (un régime d’exception dont personne ne peut fixer les limites) et la situation énergétique du pays.
Quelques témoignages des Maliens bloqués en Mauritanie :
Aliou Bah, tailleur dans la ville de Kayes et Chef de famille, a fermé son atelier au mois de mars parce qu’il n’arrivait plus à travailler. Arrivé dans la ville de Nouadhibou en Mauritanie au mois d’avril, cet homme de 45 ans ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, il souhaite aller tenter sa chance en Europe. « Ma famille compte sur moi et il faut que je fasse quelque chose pour subvenir à ses besoins », a-t-il dit. Et sur la question pourquoi il n’a pas pu se patienter au Mali avant que la situation énergétique du pays s’améliore, il dira que beaucoup de ses connaissances ont gagné l’Europe à travers la Mauritanie et sont aujourd’hui dans de bonnes conditions. « Ca ne m’arrange pas de rester au Mali. Ça ne va pas et tout le monde le sait », a-t-il soutenu.
Quant à Adama Diarra, étudiant à la FST, lui il pense qu’il n’y a plus de chance d’avoir de l’emploi au Mali. Ses raisons sont vérifiables, ses ainés ont terminé leurs études depuis et n’arrivent même pas à avoir un simple stage. Comme si cela ne suffisait pas, d’autres ont été virés de leurs emplois parce que leurs employeurs n’ont plus de moyens pour continuer. A ses dires, c’est lui-même qui sensibilisait ses amis de ne pas partir et de rester. « Je sais que c’est dur mais il faut que nous partions même si ça comporte des risques. Je veux avoir un emploi stable et prendre mes parents en charge »,a-t-il dit. Aujourd’hui ce jeune étudiant réside à Nouakchott et fait des petits boulots en attendant son tour de traverser la méditerranée.
Abdoul Sidibé, est chef de famille et père de 3 enfants. Son unique but aujourd’hui est d’aller en Europe. Pour lui, en tant que soudeur, son emploi est de plus en plus menacé au Mali faute d’électricité. « On arrive même plus à travailler pendant des jours à cause du courant. Comment on pourra vivre comme ça »,a-t-il dit. Comme bon nombre de maliens bloqués en Mauritanie, Abdoul ne souhaite revenir en arrière et souhaite coûte que coûte traverser la mer pour aller en Espagne. Il vit à Nouakchott.
Est-ce que les autorités actuelles sont suffisamment alertées par ces situations ?
Adama Tounkara