C’est sans surprise que le jeune Premier ministre Moussa Joseph Mara a été débarqué (démission ?) de la Primature par IBK. Ayant fait de la résistance pour un bon bout de temps dans la mare aux caïmans du Rpm et aux crocodiles de l’opposition, le jeune loup aux dents longues a fini par jeter l’éponge. À la tête de son parti Yéléma presque moribond, sans poids réel sur l’échiquier national, on se demande ce qui lui reste maintenant.
Fougue de jeunesse, trop de zèle, ambitions démesurées… Voilà comment certains Maliens décrivent aujourd’hui Moussa Joseph Mara. Toutes choses qui lui ont valu son départ précipité de la Primature.
Alors que sa nomination, en remplacement du technocrate Oumar Tatam Ly, avait été saluée et appréciée, à juste titre, par la jeunesse, le jeune Moussa Joseph Mara s’est tout simplement embourbé dans des contre-vérités, à tel point que certains n’ont pas hésité à le surnommer «le menteur de la République».
Coopté, dit-on, par IBK au mépris de son parti, le Rpm, Mara s’est jeté dans la gueule du loup. Croyant qu’il s’était prémuni d’atouts avec la formation du gouvernement sans les siens pour une sortie d’honneur, Mara a plutôt, selon des analystes, hypothéqué son avenir politique.
On le sait déjà, la seule véritable épine dans les pieds de la Nation malienne est la situation de Kidal où le Mnla s’est réinstallé à la faveur de la libération de la ville par les troupes françaises et où l’entrée des forces maliennes fait l’objet de très complexes tractations. Mais, à l’intronisation de Moussa Mara le 5 avril 2014, la résolution de la question de Kidal avait atteint le niveau d’exigence principale au sein d’une opinion nationale ulcérée par un épisode survenu quelques semaines plus tôt. En effet, le Premier ministre Ly, qui devait se rendre en visite dans la capitale de la 8ème Région, avait été contraint d’annuler son déplacement à la suite d’une manifestation de femmes qui avait bloqué la piste de l’aéroport.
Au lieu d’en tirer des leçons, Moussa Joseph Mara, confondant vitesse et précipitation, avait pris une décision suicidaire en tentant le 17 mai un séjour à haut risque dans la capitale des Ifoghas. Séjour conclu par une rencontre avec les représentants de l’administration territoriale. L’exercice politique aurait pu constituer pour son auteur une réussite magistrale s’il avait été conduit avec doigté et prudence.
Mais l’acte qui était apparu dans un premier temps comme l’affirmation de l’autorité de l’Etat sur une partie contestée du territoire national, et qui avait été salué sans réserve par une très large majorité de nos compatriotes, fut rapidement endeuillé par le massacre au gouvernorat de Kidal de huit fonctionnaires innocents, puis entièrement anéanti le 21 mai par une terrible déroute des Fama à Kidal. Et pour s’innocenter, Moussa Joseph Mara déclarera que personne n’avait donné «l’ordre d’attaquer» les rebelles armés de Kidal. Ce qui vaudra à Soumeylou Boubèye Maïga, alors ministre de la Défense, la perte de son portefeuille.
Le jeune Mara, mal conseillé, mal aimé par les barons du parti présidentiel, multiplia les bourdes et les mensonges, notamment dans l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel. Devant les honorables à l’Assemblée nationale, il soutenait bec et ongles, pour sauver l’honneur d’IBK qui «n’est pas à donner aux chiens», que l’ancien Boeing, celui de l’ex-président déchu ATT, n’appartient pas au Mali, qu’il n’est pas en mesure de voler et qu’aucun Etat digne de ce nom ne se permettrait de l’utiliser.
Et pourtant, cet avion a volé douze ans d’affilée. Dix sous ATT, deux ou presque sous la transition. Pas une seule fois, il n’a fait l’objet d’un refus d’atterrissage dans un aéroport en Afrique, en Asie, en Europe ou en Amérique (Canada) pour cause d’insuffisance juridique. On ne lui connaît pas non plus une défaillance technique qui aurait mis en danger la vie d’ATT, de Dioncounda, de Cheick Modibo Diarra ou de Diango Cissoko. Son certificat de fiabilité, nous apprend-on, court jusqu’en 2015 au moins.
ATT ayant passé tout son temps à l’utiliser, suivi de Cheick Modibo Diarra, Pr. Dioncounda Traoré et Diango Cissoko, sans aucun problème juridique ou technique, pourquoi Moussa Joseph Mara, tel un apprenti-sorcier, est-il brusquement allé à l’Assemblée nationale pour soutenir que ce grand oiseau est inapproprié ? Etait-il devenu un «avocat des causes perdues» ? Mensonges d’Etat couronnés par les sulfureuses affaires de surfacturations dans l’achat de l’avion présidentiel et dans les contrats d’armements et d’équipements militaires ?
En somme, Moussa Joseph Mara a donné un véritable coup de massue à son image, une image ternie, lors de son passage à la Primature. Comment compte-t-il se prendre pour redorer son blason et redonner confiance aux Maliennes et aux Maliens ? Un travail titanesque. À lui de s’y mettre, surtout qu’on susurre déjà qu’il sera candidat à la présidentielle de 2018, histoire de faire déloger IBK de Koulouba.
Bruno E. LOMA
Source: Le Reporter