Elle était belle, élégante et aspirait à la vie dont elle avait toujours rêvé. Jeune, elle aspirait à une grande carrière professionnelle car elle était passionnée par son travail et jouissait de la confiance et de l’admiration de ses collègues. Mais, son rêve s’est brisé ce 28 décembre 2017 de la façon la plus tragique. Celui qui avait juré devant le maire et les imams de l’aimer et de la protéger jusqu’à son dernier souffle est devenu son bourreau.
Fanta Sékou Fofana a été étranglée dans son bureau par son époux à Koulouba. Un crime passionnel de plus ? Non un crime de trop ! Un meurtre qui a brisé beaucoup de cœur, révolté les réseaux sociaux et ressuscité le débat sur la violence conjugale. Beaucoup de gens se sont interrogés : Comment peut-on frapper un être humain quelconque jusqu’à la mort à forte raison sa propre femme ? Combien de femmes doivent mourir au Mali pour que les autorités prennent des mesures fermes contre ces monstres, ces bourreaux ? Où donc est la justice qui doit être exercée avec rigueur et impartialité ?
Chacun a sa réponse à ces questions. Mais il est évident que le crime passionnel est aujourd’hui un fléau inquiétant puisque le dernier a été commis jusqu’au Palais présidentiel, à Koulouba. Symbole de l’impuissance de nos autorités face à ces drames. En tout cas, ils ne doivent plus être abordés ou analysés comme de banals faits divers. Est-ce que c’est la peine de se marier si c’est pour perdre la vie sous les coups d’un compagnon violent ?
Étrangler sa femme ! Ce n’est pas une réaction anodine ! L’acte est criminel, inhumain. Et aucune faute, aucune trahison et aucune déception ne saurait le justifier à nos yeux. Le mariage est devenu un sac à problèmes au point que, de nos jours, beaucoup se marient juste pour échapper au regard et aux critiques de la société. Ce n’est pas prudent de s’immiscer dans les conflits conjugaux car on est loin de deviner tout ce qui se passe dans l’intimité d’un couple. Je sais de quoi je parle, hélas.
Alors quand on est témoin et qu’on est appelé à intervenir, il faut agir avec tact en ayant comme seul objectif de calmer la tension pour que personne ne puisse agir de façon regrettable sous le coup de la colère. Mais on n’a malheureusement pas ce temps ou cette chance de circonscrire les crimes passionnels. Le plus souvent, nous assistons donc impuissants à cette tragédie. Et je vous assure qu’une loi peut être dissuasive, mais elle n’est pas préventive.
D’ailleurs comme une ironie du sort, Fanta Sékou Fofana a été tuée par son époux quelques jours seulement après les «Seize jours d’activisme contre les violences basées sur le genre au Mali». Lancée en 1991 et animée tous les ans du 25 novembre au 10 décembre (Journée mondiale des Droits de l’Homme), elle visait à susciter une prise de conscience contre ce phénomène à tous les niveaux. Visiblement, la sensibilisation a raté sa cible ! La meilleure campagne de prévention est peut-être dans l’éducation et le changement de notre vision du divorce. Et cela, même s’ils peuvent paraître comme une pulsion spontanée, ces crimes résultent généralement de frustrations, de déceptions voire des humiliations longtemps refoulées.
Éducation ! Oui, je l’ai soutenu toujours. Elle est fondamentale dans la vie car déterminant le plus souvent le comportement d’un individu ou sa réaction dans la société. Commençons d’abord à tenir les enfants à l’écart de certaines scènes, de certaines disputes, même non violentes, parce que cela peut les marquer à jamais. Dans nos familles, les garçons sont le plus souvent éduqués pour régner, dominer sans contestation. Aux filles, nous enseignons la persévérance dans la souffrance, la résignation et la soumission. En dehors du caractère individuel, l’éducation scolaire et académique forge aussi des personnalités, des femmes prêtes à tout supporter dans un couple, mais dans le respect et la considération…
Et quand le conjoint veut agir en roi à qui tout est permis et qui a droit vie ou de mort sur sa femme, cela peut facilement dégénérer. Les derniers crimes passionnels qui ont fait le buzz dans les médias et sur les réseaux sociaux sont aussi édifiants en termes d’enseignements dans le rôle de l’Éducation dans la prévention de ces drames. Ils ont en effet impliqué des couples issus de milieux aisés (à défaut de bourgeois) où on est le plus enclin à fermer les yeux sur tous les caprices des enfants et où on pense qu’éduquer un enfant c’est seulement lui payer les meilleures écoles et accepter ses désirs comme des ordres.
Le divorce, le moindre mal quand les dés sont jetés
Élevés sur un piédestal, ces enfants (filles et garçons) ne souffrent pas la contestation et sont rarement préparés à faire des concessions voire à communiquer, donc la vie à deux dans un couple. Un navire finit toujours par couler quand deux commandants se retrouvent à bord et ne sont pas prêts à se faire des concessions. La prévention des crimes passe également par le changement de notre vision du divorce. Divorcer est mal vu dans notre société à cause des pesanteurs socioculturelles et religieuses. Le mariage est sacré dans la loi divine. Tout comme la vie humaine d’ailleurs. Selon les prêcheurs, il est même admis de mentir pour sauver un mariage.
N’empêche que le divorce ne doit pas être forcément perçu comme un échec en cette période où on se marie pour le Meilleur et rarement pour le Pire. Vouloir divorcer alors est souvent un instinct de survie. Quand certaines limites sont franchies dans un mariage, il est prudent de se séparer pour éviter l’irréparable. Et les mamans sont les plus interpellées à ce niveau car elles sont les confidentes de leurs filles. Ce sont à elles qu’elles confient leurs déboires et frustrations conjugaux. Et ce sont elles qui leur conseillent la persévérance, la soumission et la résignation pour que les enfants puissent avoir la baraka. OK. Mais, il ne faut pas ignorer les alertes.
Maman ce n’est pas parce que tu as subi cela que ta fille doit supporter la violence continue d’un époux généralement saoul ou drogué. Quand les limites de l’acceptable sont constamment grignotées, ayons le courage de préférer l’acte du divorce au linceul pour nos filles et nos sœurs. Divorcer est loin d’être une fin en soi, car pouvant permettre à l’homme et à la femme d’ouvrir les yeux, de se reprendre pour mieux refaire leur vie. Une chance que n’ont pas eue Mariam Diallo (sauvagement poignardée à mort le 05 février 2015 au domicile conjugal à Bacodjicoroni ACI par son mari, Soumaïla Dicko), Kamissa Sissoko (abattue à l’arme automatique dans la nuit du 23 et 24 janvier 2016 par Boubacar Fall, le père de ses deux enfants) et Fanta Sékou Fofana (étranglée le 28 décembre 2017) dans son bureau par son mari alors qu’elle attendait un enfant de lui). Hélas !
Moussa BOLLY
Le Reporter