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An I de l’accord: le bilan de la médiation

15 mai 2015-15 mai 2016, l’Accord pour la paix et le réconciliation issu du processus d’Alger a un an. Pour brosser le bilan l’œuvre commune, son principal artisan, le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra, Chef de file de la médiation internationale a accordé hier une interview à l’Agence algérienne de presse (APS).

ministre algerien Affaires etrangeres Ramtane Lamamra

La Médiation algérienne, est et demeure convaincue que l’Accord et son application, en toute bonne foi et avec sincérité sont et restent incontournables pour la construction de la paix et la réalisation du développement économique au Mali. Quant à sa mise en œuvre, elle est de l’entière responsabilité des Maliens, principalement, le gouvernement.
À travers un diagnostic sans complaisance, SE Ramtane Lamamra estime qu’en une année un long chemin a déjà été parcouru et que des progrès tangibles ont été enregistrés. Pour preuve, explique-t-il, les frères ennemis d’hier, qu’il était même difficile d’imaginer assis à la même table de négociations, sont, aujourd’hui, mobilisés pour la cause de la paix et du développement qu’ils s’emploient ensemble à faire avancer.
Pour cette icône de la diplomatie internationale, pour notre pays, il n’y a pas d’alternative à cet Accord, aussi se réjouit-il que Au-delà des groupes armés, toutes les parties aient foi en l’Accord, revendiquent sa mise en œuvre rapide, et y œuvrent résolument. Toutes choses qui lui fait dire que le Mali avance dans la bonne direction.
Tout n’est certes pas parfait, les défis restent énormes dans un contexte sécuritaire préoccupant, mais le Diplomate veut fonder son optimisme sur le climat politique d’ensemble qui n’a jamais été aussi favorable. Dans ce cadre, assure-t-il, l’Algérie ne ménagera aucun effort pour que l’intérêt de la communauté internationale pour le Mali et pour la région sahélo-saharienne s’exprime par des actions substantielles portées par une vision lucide des enjeux.
Convaincu qu’il est qu’il importe que la communauté internationale aide toutes les parties maliennes à réaliser concrètement les chemins de l’avenir.
Nous vous proposons cette interview bilan du ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra.

I. M. le Ministre d’Etat, une année s’est déjà écoulée depuis la signature à Bamako de l’Accord de Paix et de Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger. Quelle appréciation générale faites-vous de ce processus ?
Après de longs mois d’efforts soutenus de la part des parties maliennes travaillant étroitement avec l’équipe de médiation internationale conduite par l’Algérie pour ramener la paix au bénéfice du peuple malien, dans le cadre du processus d’Alger initié par le Président de la République M. Abdelaziz BOUTEFLIKA, à la demande de son frère, le Président de la République du Mali, El Hadj Ibrahim Boubacar KEITA, l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du Processus d’Alger, a été signé à Bamako en cette date marquante du 15 Mai 2015, par le gouvernement malien et les mouvements composant la Plateforme, lors d’une cérémonie officielle avec une très forte représentation de l’Afrique et de la communauté internationale, et dans une ambiance des plus festives. La Coordination des Mouvements de l’Azawad, quant à elle, a signé l’Accord, le 20 juin 2015 à Bamako, finalisant ainsi la consécration de l’engagement de toutes les parties et augurant d’un avenir fait de paix et de réconciliation dans un Mali tourné vers le développement et la modernisation de son économie au profit de son peuple et dans un contexte de renforcement de son unité nationale et d’approfondissement de son processus démocratique pluraliste.
La mise en œuvre de cet Accord, pour favoriser la paix et la sécurité au Mali et dans la sous-région, est de l’entière responsabilité des parties maliennes dont, principalement, le gouvernement. Le suivi du processus de mise en œuvre de l’Accord est, lui, assuré par un mécanisme dont la mise en place est prévue par l’Accord lui-même, le Comité de Suivi de l’Accord (CSA), en l’occurrence, dont la présidence est confiée, en vertu de l’Accord, à l’Algérie. Quatre sous-comités thématiques, également prévus par l’Accord et dont l’Algérie assure la présidence en partage avec quatre organisations internationales, à savoir, l’Union Africaine, l’Union Européenne, la CEDEAO et la MINUSMA (au titre de l’ONU), contribuent de façon substantielle au suivi du processus de mise en œuvre de l’Accord.
Depuis les dates phares du 15 mai et du 20 juin 2015, un long chemin a été parcouru et, grâce au travail sérieux et continu accompli et qui se poursuit sans relâche, malgré les obstacles rencontrés ici et là, des progrès tangibles ont été enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger.
Lors de la réunion consultative de haut niveau tenue à Alger en Janvier 2016, à l’initiative de l’Algérie, les parties maliennes, tant le gouvernement que les mouvements, ont clairement reconnu l’apport de la mise en œuvre de l’Accord au retour de la paix, à travers, notamment, l’instauration d’un meilleur climat de coopération entre la Plateforme et la CMA, d’une part, et entre ces deux regroupements et le gouvernement, d’autre part. Aujourd’hui, la CMA et la Plateforme travaillent ensemble et conjuguent leurs efforts en faveur de la mise en œuvre de l’Accord, chose tout à fait inimaginable avant le 15 mai 2015. En effet, les frères ennemis d’hier, qu’il était même difficile d’imaginer assis à la même table de négociations, sont, aujourd’hui, mobilisés pour la cause de la paix et du développement qu’ils s’emploient ensemble à faire avancer. Les parties ont foi en l’Accord, revendiquent sa mise en œuvre rapide, et y œuvrent résolument car elles considèrent qu’il n’y a pas d’alternative à cet instrument pour la paix, la sécurité et le développement au Mali. Les changements positifs très importants intervenus sont, d’évidence, à mettre à l’actif du processus de mise en œuvre de l’Accord. Grâce à cet Accord, le Mali se transforme et avance dans la bonne direction, même à travers des réalisations incomplètes et des étapes imparfaites. Le climat politique d’ensemble n’a jamais été aussi favorable, même si les défis restent considérables.

II. Au-delà du dialogue instauré entre le Gouvernement malien et les mouvements signataires de l’Accord, quelles sont les réalisations concrètes apportées par cet Accord ?
Je peux illustrer cette dynamique par des acquis significatifs du processus sur différents plans qui méritent d’être relevés avec satisfaction.

Au titre des réformes politiques et institutionnelles initiées dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord, il convient de noter :
-la mise en place en place et l’installation des Agences de Développement Régional (ADR),
-la nomination et l’installation des gouverneurs des deux régions nouvellement créées, Taoudénit et Ménaka,
-l’adoption en cours par l’Assemblée Nationale malienne des projets de textes relatifs aux autorités intérimaires, conformément aux dispositions y afférentes de l’Accord,
-la validation par la Cour constitutionnelle de la loi relative aux autorités intérimaires contribuera à faciliter la mise en place des autorités intérimaires et à favoriser l’avancement du processus de mise en œuvre de l’Accord,
-l’amorce de la révision constitutionnelle, à travers l’élaboration de projets de décrets destinés à prendre en charge les dispositions de l’Accord relatives à la création de la deuxième chambre du parlement.

Des avancées notables ont été également enregistrées en matière de défense et de sécurité ; sur ce plan, il y a lieu de mentionner, tout particulièrement :
-la création du cadre institutionnel de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) et la nomination d’un commissaire à la RSS,
-la création de la Commission Nationale Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (CN-DDR) et de la Commission d’Intégration (CI),
-l’identification des 24 sites à viabiliser par la MINUSMA pour le cantonnement des combattants et début de réalisation de trois sites à Likrakar, Fafa et Inegar, ainsi que l’accord pour la construction de cinq autres sites,
-la réalisation de la première patrouille mixte (Forces Armées Maliennes, Plateforme et CMA), formule susceptible d’évoluer, selon le vœu des parties elles-mêmes, vers des ‘‘ unités mixtes ‘‘.

Dans le domaine du développement économique, social et culturel, des progrès appréciables sont à relever, notamment :
-la poursuite des actions de développement sur le terrain là où les conditions de sécurité le permettent, à travers des projets et programmes sectoriels,
-l’organisation de la Conférence de Paris, le 22 octobre 2015, pour la mobilisation des fonds nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord (des annonces de contribution ont été faites pour un montant de 3,2 milliards d’euros)
-la réalisation de la Mission d’Evaluation Conjointe (MIEC) sur le Nord du Mali dont le rapport final vient d’être communiqué aux parties maliennes,
-l’élaboration de la Stratégie Spécifique de Développement des Régions du Nord du Mali (SSD/NM) dont la première mouture est déjà prête ; le gouvernement envisage d’organiser des missions de sa restitution sur le terrain,
-la tenue, les 24 et 25 mars 2016, d’une concertation sur le financement des infrastructures pour le désenclavement des régions du Nord du Mali, 5 projets routiers et 5 projets aéroportuaires ayant été soumis.

Sur le volet essentiel portant Justice-réconciliation nationale-questions humanitaires, des initiatives de nature à contribuer à une amélioration des conditions de vie des populations du Nord ont été prises ; il s’agit notamment de :
-la relance des services sociaux de base dans les régions du Nord du Mali a constitué l’une des priorités majeures de l’action du gouvernement du Mali, à travers, notamment, la réouverture des écoles dans certaines villes dont Kidal, le rétablissement de l’électricité à Kidal (acquisition et mise en service d’un générateur renforcé et distribution de kits solaires pour l’éclairage des centres de services sociaux),
-l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie et d’un plan d’action en faveur du retour des réfugiés et des personnes déplacées,
-le démarrage effectif des travaux de la Commission Vérité-Justice et Réconciliation (CVJR) composée de 25 membres, au lieu des 15 prévus initialement, pour améliorer le caractère inclusif de cet organe et accroître la représentation des mouvements, cet organe particulièrement important ayant porté à sa vice-présidence une militante de tout premier plan d’un Mouvement politico-militaire du Nord du Mali,
-les préparatifs de la Conférence d’Entente Nationale sont lancés et, dans ce cadre, le gouvernement a préparé un avant-projet de termes de référence et adopté un décret d’application de la Loi relative à l’indemnisation des victimes des évènements de 2012.

C’est ici le lieu de signaler, également, au titre des résultats notables que la mise en œuvre a permis d’engranger, la rencontre d’Anefis, suivie d’autres rencontres dans d’autres villes maliennes, entre les représentants du gouvernement malien et les plus hauts dirigeants politico-militaires des mouvements, qui a favorisé la mise en place d’un cadre d’échanges et de dialogue qui ont aidé à rapprocher davantage, entre elles, toutes les parties maliennes, d’une part, et la CMA et la Plateforme, d’autre part. Ce canal de communication a joué un rôle-clé dans le règlement des contentieux inter et intra-communautaires et dans le respect du silence des armes dans les régions du Nord du Mali.

III. La signature de l’Accord par l’ensemble des parties prenantes maliennes a été une étape importante dans le processus de paix dans ce pays dont s’est réjouie la Communauté internationale et la pertinence de cet Accord n’est plus à démontrer ; mais certaines voix continuent à estimer que l’Accord n’aurait pas apporté la paix au Mali en relevant la lenteur de sa mise en œuvre. Quels sont les obstacles auxquels est confronté l’Accord ?
S’il y a tout à fait lieu, et à juste titre, de se réjouir des résultats positifs rendus possibles grâce au Processus d’Alger, le chemin parcouru autant que celui encore plus long qui reste à parcourir sont loin d’être un long fleuve tranquille, tant s’en faut.
La grande conviction, qui a fini par gagner toutes les parties maliennes, que l’Accord et son application, en toute bonne foi et avec sincérité, constituent la voie idéale pour la construction de la paix et la réalisation du développement économique au Mali, a significativement contribué à lever, au fur et à mesure, les obstacles rencontrés et stimulé la volonté de tous d’aller de l’avant dans cette entreprise salutaire.
Cependant, force est de reconnaître que le processus de mise en œuvre de l’Accord est confronté à des difficultés qui freinent le rythme de son avancement et amoindrissent ses résultats. Parmi celles-ci, on peut citer l’indisponibilité de tout le financement nécessaire à la réalisation des projets et programmes prévus à l’annexe 3 de l’Accord, la persistance de l’insécurité ambiante qui freine la relance des actions de développement, en particulier, au Nord du Mali, les menaces liées à la persistance du terrorisme et du narcotrafic, la complexité des procédures de décaissement du financement déjà acquis et, d’une manière générale, certaines lenteurs dans le processus décisionnel pour la concrétisation des mesures stipulées dans l’Accord.

Au regard de ces difficultés sérieuses dont le risque est grand de les voir hypothéquer ou, à tout le moins, continuer à retarder l’aboutissement du processus de paix et de réconciliation nationale, tous les partenaires du Mali sont, aujourd’hui, fortement interpellés pour apporter à ce pays, dans les meilleurs délais, toute l’aide et toute l’assistance, particulièrement dans les domaines financier et de la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic, dont il a un besoin urgent et vital.

IV. Voyez-vous la possibilité d’une plus-value algérienne pour l’accélération et le succès de cette œuvre historique pour le Mali ?
L’Algérie, en ce qui la concerne, continue de veiller scrupuleusement à un rapprochement toujours plus grand et à une collaboration toujours plus confiante entre les parties maliennes, gage majeur du succès de la mise en œuvre de l’Accord, comme le montrent son intérêt et son engagement pour la paix, la sécurité et le développement au Mali qui ne se sont jamais démentis. Dans cet esprit, les mécanismes bilatéraux de coopération algéro-maliens tiennent régulièrement leurs réunions et évaluent donc périodiquement tous les ajustements auxquels il peut être nécessaire de procéder en vue de maximiser les résultats de la coopération bilatérale dans tous les secteurs. Ainsi, de nouvelles rencontres sont d’ores et déjà programmées pour l’ensemble de ces mécanismes dans les semaines qui viennent. L’Algérie, dont le rôle positif est souhaité et célébré par toutes les forces et formations politiques maliennes ainsi que par les organisations régionales et internationales, investit son autorité dans l’avenir du Mali en tant qu’acteur important de la paix et de la stabilité dans tout l’espace sahélo-saharien. Ce faisant, l’Algérie assume pleinement ses responsabilités de partie-prenante au destin de cet espace géostratégique particulièrement sensible.
Le Président de la République, M. Abdelaziz BOUTEFLIKA, qui a une connaissance personnelle des réalités maliennes, accorde la plus haute importance aux dynamiques qui concernent cet espace en termes de sécurité et de développement, ces deux sphères étant indissociablement liées. Dans ce contexte, l’Algérie ne ménagera aucun effort pour que l’intérêt de la communauté internationale pour le Mali et pour la région sahélo-saharienne s’exprime par des actions substantielles portées par une vision lucide des enjeux. En somme, l’Accord d’Alger a bien défini toutes les voies que la complexité de la crise impose d’emprunter. Il importe que la communauté internationale aide toutes les parties maliennes à réaliser concrètement les chemins de l’avenir.
La plus-value de la contribution de l’Algérie réside sans doute dans l’imbrication des deux pays par la géographie et l’histoire. Cette plus-value réside aussi et surtout dans la confiance que le peuple malien et son Président font à l’Algérie et à son Président. Elle réside enfin dans la volonté de l’Algérie d’honorer, au Mali et à travers tout le continent, son engagement en faveur de solutions africaines, justes et pacifiques, aux problèmes de l’Afrique

 

Source: info-matin

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