Les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki des 6 et 9 août 1945 ne restent aujourd’hui que la partie émergée et macabre de l’utilisation d’armes nucléaires. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus de 2 400 essais nucléaires ont eu lieu sur tout le globe, dont une écrasante majorité aux Etats-Unis et en Russie.

Une plongée dans les statistiques des essais nucléaires est un véritable condensé d’histoire géopolitique des 70 dernières années. La fin du second conflit mondial annonce ainsi le début de la guerre froide entre les blocs de l’Est et de l’Ouest et la course à l’armement qui l’accompagne.

Dès 1946, les Etats-Unis poursuivent leurs essais en sous-sol et dans l’atmosphère des îles Bikini puis de l’atoll d’Eniwetok en plein milieu de l’océan Pacifique. En 1949, l’URSS entre à son tour dans le ballet nucléaire en trouant le sol du site atomique de Semipalatinsk, dans l’est du Kazakhstan.

Les crises répétées à partir du milieu des années 1950 – comme la crise de Suez ou l’insurrection en Hongrie – exacerbent les tensions entre les deux puissances et les essais nucléaires se multiplient jusqu’en 1962, apogée de cette guerre de dissuasion, avec comme point culminant la crise des missiles cubains. A cette période, les Soviétiques multiplient les essais sur l’île de la Nouvelle-Zemble dans le nord de la Russie et créent la plus grosse explosion thermonucléaire de l’histoire avec la Tsar Bomba qui explose à 3,5 km au-dessus de l’île le 30 octobre 1961.

Les Etats-Unis abandonnent petit à petit le Pacifique pour se concentrer sur leur site d’essais du Nevada qui ressemble aujourd’hui à un vaste champ de bataille. Il possède le triste record d’être le site ayant subi le plus d’essais nucléaires.

La France n’est pas en reste pour autant. Depuis son premier test en 1960 dans le désert algérien, la France est à l’origine de 210 essais, principalement dans l’archipel polynésien, dans les Mururoa et Fangataufa. Après un moratoire souhaité par François Mitterrand en 1991, Jacques Chirac reprend les essais pendant deux ans, entre son élection et le traité d’interdiction complète des essais de 1996. L’ampleur des dégâts imputables à ces essais – une loi de 2010 a promulgué la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires effectués de 1960 à 1996 – donne une idée de l’état du sous-sol du Nevada et de la Nouvelle-Zemble.

En 1968, la signature du traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) par les Etats-Unis et l’URSS a abouti à une réduction du nombre d’essais aux Etats-Unis. En 1996, le traité d’interdiction complète des essais nucléaires ne fait qu’entériner un état de fait pour ces deux puissances : le dernier essai nucléaire russe date de 1990 et les Américains ont cessé en 1992.

S’il est adopté par l’Assemblée générale de l’ONU, le traité n’est pas ratifié dans plusieurs pays, et donc n’est toujours pas en vigueur. D’ailleurs, trois pays asiatiques ont effectué des essais après 1996. En 1998, l’Inde a ainsi effectué cinq essais et son voisin pakistanais deux. En 2003, la Corée du Nord se retire du TNP et crispe la région entière en effectuant trois essais nucléaires entre 2006 et 2012. En réaction, la Chine a augmenté son arsenal et est devenue en 2014 le quatrième plus gros détenteur d’ogives nucléaires avec près de 260 têtes.

 

Source: Liberation