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Crise sociopolitique au Mali: Et si on confiait le pouvoir à Mahmoud Dicko ?

La Place de l’indépendance de Bamako était encore noire de monde, le 19 juin dernier, à l’appel du M5 (Mouvement du 5 Juin 2020 – Rassemblement des Forces Patriotiques) décidé à faire plier le régime d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) vomi par une partie importante de ses compatriotes à cause de son incapacité à mettre un terme à l’insécurité, au clientélisme, à la corruption et aux passe-droits qui ont précipité le Mali quasiment au fond de l’abîme.

 

Des manifestants hétéroclites venus écouter, tous tympans ouverts, la fatwa du prédicateur et timonier de la révolte populaire, l’imam Mahmoud Dicko, flanqué, comme c’est le cas depuis le début de la contestation, de ses camarades de circonstance issus du monde politique et de la société civile. Contre toute attente, l’Imam Dicko a appelé les manifestants de ce 19 juin, à rompre les rangs et à rentrer tranquillement chez eux, alors que beaucoup d’entre eux voulaient fondre sur le Palais présidentiel pour descendre IBK des hauteurs de Koulouba et du pouvoir pour sa surdité face aux appels à la démission lancés par les leaders de la manif. De quoi donner du répit au président malien qui serait bien inspiré de profiter de ce sursis pour lâcher du lest et sauver les meubles, dans ce contexte où tous les motifs politiques et sociaux sont réunis pour le débarquer du pouvoir. C’est certainement dans ce sens qu’on peut comprendre la démission surprise et en marge de la manifestation, de quatre membres de la Cour constitutionnelle alors qu’un cinquième est décédé le 4 juin dernier. Du coup, cette instance de neuf membres au total qui concentre toutes les critiques depuis qu’elle a validé le gangstérisme électoral de la majorité présidentielle lors des dernières législatives, se trouve ainsi paralysée, faute de quorum. Toutefois, le jeu de chaises musicales à la Cour constitutionnelle, ne suffira pas à décrisper l’atmosphère à Bamako, puisque les griefs faits aux dirigeants du Mali vont de la corruption électorale à son incompétence avérée dans la lutte contre le terrorisme, en passant par la mal gouvernance qui se traduit par les détournements à grande échelle et le népotisme atavique du clan présidentiel.

Que ferait le mouvement contestataire s’il ramassait le pouvoir dans la rue ?

Dans ces conditions, il est difficile de trouver des arguments convaincants pour sortir IBK de l’ornière, mais il ne faudrait pas pour autant prendre le risque, comme en 2012, de déstabiliser notre pays déjà en état de putréfaction avancée car, on remplacerait les ripoux actuellement au pouvoir par un conglomérat de gugusses (clowns) tout aussi avides d’argent sale, surtout si ce sont les politiciens dissimulés derrière le boubou blanc de l’imam Dicko, qui devaient arriver aux affaires. C’est justement cette inquiétude liée à une éventuelle vacance du pouvoir dans les circonstances actuelles, qui réfrène certaines ardeurs, d’autant qu’au sein de l’opposition politique, il est quasiment impossible de trouver un seul qui soit blanc comme neige dans la descente aux enfers actuelle du Mali sur tous les plans. Alors, que ferait le mouvement contestataire s’il ramassait le pouvoir dans la rue, après avoir contraint l’actuel locataire du palais de Koulouba à la démission ? Par quelle alchimie pourra-t-on résoudre cette crise protéiforme qui cisaille le Mali depuis 2012 ? Et si on remettait le pouvoir à l’imam Mahmoud Dicko, présenté par ses thuriféraires comme étant l’exemple vivant de la vertu et de la bravoure ? On pourrait discuter à longueur de journée sur le sexe des anges, mais le plus important aujourd’hui pour les Maliens en général et particulièrement pour ceux du delta intérieur et du Nord désertique, est de savoir si le changement de régime va rimer avec une orthodoxie dans la gestion des affaires de l’État et la fin des menaces et autres tueries de masse du fait du terrorisme et des violences intercommunautaires. Rien n’est moins sûr, surtout que la tête d’affiche du mouvement dont on dit qu’elle est moralement apte à diriger le Mali, ne semble pas prête à franchir ce pas, peut-être pour ne pas se mouiller ou se souiller, étant donné que le monde politique est celui des intrigues et des coups bas de toutes sortes. Certes, il pourrait, à ce niveau de responsabilités, faire baisser le mercure des massacres en raison de ses entrées auprès des chefs djihadistes maliens à travers des négociations directes comme il l’a toujours prôné, mais il se heurterait à de farouches résistances s’il décidait d’une politique d’assainissement tous azimuts de la vie publique. Si on ajoute à cela la peur que suscite en sourdine l’arrivée d’un imam partisan d’un islam rigoriste à la tête d’un pays qui a déjà mal à sa laïcité, on peut parier que Mahmoud Dicko ne ferait pas long feu s’il était propulsé au sommet de l’État, au cas où le mouvement qu’il dirige actuellement venait à pousser le très poussif IBK vers la sortie. La saison des pluies a bien commencé au Mali et avec elle, celle des chantages politiques et des bluffs, sans qu’on ne sache ce que tout cela va donner au moment des récoltes.

Hamadou Gadiaga

SourceNouveau Réveil

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