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Crise malienne : La CEDEAO ébranlée

Depuis le 18 Août, date de la démission du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta suite à une mutinerie de l’armée, le Mali enregistre le départ d’un troisième président avant la fin de son mandat. Depuis, les interventions et sommets de la CEDEAO pour tenter de rendre le pouvoir aux civils sont diversement appréciés par la population malienne provoquant des divergences de points de vue au sein de l’institution sous régionale.

20 Août 2020, soit deux jours après la démission du président de la république malienne, Ibrahim Boubacar Keïta suite à une mutinerie éclaté le même jour dans la ville garnison de Kati, plusieurs pays de la CEDEAO ont condamner ce qu’ils ont appelé le « coup d’État » au Mali.

Cette situation jugée « grave » par le président en exercice de la CEDEAO d’alors, Mahamadou Issoufou du Niger ne l’était pas forcément aux yeux de nombreux maliens et plus particulièrement de la junte qui parlait plutôt d’une « démission ».

D’ailleurs, tard dans la nuit du 18 Août, le président Ibrahim Boubacar Keïta lui-même a parlé de « démission ».

Conformément à sa conception de la situation malienne, qui n’était selon elle ni plus ni moins qu’un « coup d’État » la CEDEAO a, dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 août fermer ses frontières avec le Mali et suspendu le pays de tous ses organes de décisions.

Des mesures qui ont été mal perçues par une frange importante de l’opinion malienne.

En plus d’une partie de la population malienne, cette décision de la CEDEAO n’a pas été appréciée hors des frontières maliennes. Selon l’ancien ministre des affaires étrangères du Sénégal, Cheick Tidiane Gadio qui répondait aux questions d’un journaliste sénégalais sur le plateau de la chaîne public du pays « il est insensé d’étrangler le Mali, faire souffrir son peuple en cette période de pandémie de Covid-19 en lui imposant des sanctions financières sous prétexte de l’aider ».

« Le Mali n’est pas un peuple soumis » Imam Mahmoud Dicko

D’ailleurs cette décision de la communauté d’opposer au Mali un embargo a été différemment perçue selon qu’on soit de la Côte d’Ivoire, de la Guinée ou du Sénégal. Si les deux premiers pays ont appliqué à la lettre cette mesure, ce ne fut pas le cas du Sénégal, dont le président, Macky sall s’est clairement démarqué de cette décision en autorisant l’acheminement vers le Mali des denrées de premières nécessités et des produits pétroliers.

Solidarité sénégalaise envers le Mali ou préservation d’intérêts financiers ? En tout cas, 70% des importations maliennes transitent par le port de Dakar.

Autre signe de malaise provoqué par cette décision est la sortie du Pr Clément Dembélé, membre du mouvement du 05 Juin du Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP).

« Nous ne sommes pas dans un conflit avec la CEDEAO, nous n’avons pas aujourd’hui l’intention ni la volonté ni les moyens de nous braquer contre la CEDEAO. Mais il faut aussi que le Cédéao comprenne que nous sommes un pays souverain, que le Mali doit être aussi respecté dans son choix. Que la Cédéao soit un plus regardant sur la volonté du peuple malien, un peu plus souple avec les Maliens. Parce que faire un embargo au Mali va obliger les maliens à passer par la Mauritanie et la Lybie, ils ne sont pas membres de la Cédéao. Il ne faut pas non plus que les maliens soient obligés de demander à d’autres États qui ne sont pas de la Cédéao, des États du commerce international, des échanges commerciaux avec le Mali. Ce ne serait pas bienvenu pour le Mali ni pour la Cédéao. Mettre à genoux le Mali, c’est aussi mettre à genoux la sous-région » a-t-il dit. Cette sortie faisait échos à celle de la caution morale du mouvement, l’Imam Mahmoud Dicko qui disait à sa sortie de la rencontre avec les cinq chefs d’État de la CEDEAO dépêchés au Mali au plus fort de la contestation du régime « nous ne sommes pas un peuple soumis… »

CEDEAO des peuples ou des présidents ?

« Nos dirigeants ont encore choisi de mettre la charrue avant les bœufs. L’unité est une chose éminemment politique et non économique pourquoi appeler l’organisation une communauté économique ? » Ainsi résonnait, l’éminent chercheur et panafricaniste sénégalais, Cheick Anta Diop à la création de l’organisation en 1975. Et face à la taille des États qui la composent et leur fragilité, l’égyptologue prédisait un « champ de ruine ». Sommes-nous à ce niveau ? S’il est difficile de l’affirmer, Cheick Tidiane Gadio admet cependant que l’organisation est dans une profonde crise « structurelle » qui l’empêche de résoudre des crises dans les États.

En décidant de « réinstaller » le président Ibrahim Boubacar Keïta dans ses fonctions de président de la République, alors bien même que ce dernier a, lu à la télévision nationale dans la nuit du 18 Août sa lettre de « démission », la CEDEAO est taxée d’être la « CEDEAO des présidents » et non celui des peuples.

Cette thèse est appuyée par le ballet de commission de bons offices déployés la communauté au plus fort des mouvements de contestations menées par le mouvement du 05 Juin du Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) demandant la « démission d’IBK » analyse Mohamed Koné, militant du mouvement.

Alors que le CEDEAO milite pour un rétablissement immédiat de IBK dans ses fonctions, la France, « prend acte de l’annonce de la démission du président appelle à sa libération immédiate ainsi qu’à celle des membres du gouvernement.. » déclarait, le ministre français des affaires étrangères, Jeans Yves le Drian le 19 août. Et d’ajouter « La France se tient comme elle l’a toujours fait, aux côtés du peuple malien. Elle s’est engagée, à la demande de ce pays, en poursuivant deux priorités : l’intérêts du peuple malien et la lutte contre le terrorisme. »

L’option de la CEDEAO d’engager des forces militaires pour matérialiser cette volonté passe encore moins. « Si nous devons prendre les armes, ce sera aux côtés des maliens pour les aider à lutter contre le terrorisme mais jamais contre eux » tranche Cheick Tidiane Gadio, qui avait fait partie de la délégation du président Macky Sall, lorsque cinq chefs-d ’État de la communauté s’étaient rendus à Bamako le 23 Juillet 2020 pour trouver une solution à la crise et aux manifestations de rue qui ont précédé la démission du président, Ibrahim Boubacar Keïta. Sa parfaite maîtrise de la situation malienne lui a valu d’être nommé le 21 Septembre dernier par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) pour le suivi de la crise malienne.

Ancien ministre des affaires étrangères du Sénégal, son avis va donc compter pour la levée de la suspension qui frappe le Mali au niveau de l’OIF et de ses instances depuis le 26 Août.

Des bons points malgré tout

Si l’embargo imposé au Mali par la CEDEAO est majoritairement décrié par les populations, qui sont les premières victimes, les efforts déployés par la communauté avant et après la démission de l’ex-président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta sont salués par des maliens. « Se mobiliser aux côtés du Mali en envoyant cinq chefs-d ’États, une première, pour tenter de trouver une solution à la crise et les nombreux sommets extraordinaire sur la situation du Mali après la démission d’IBK pour ramener l’ordre constitutionnel témoigne de la volonté de la communauté de tenir le Mali débout » reconnaît ce leader du mouvement du 05 Juin du Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP).

En prenant position pour une transition dirigée par des civils, choix largement partagé par les forces vives de la nation dont l’imam Mahmoud Dicko, la CEDEAO a quelque peu redorer son blason aux yeux des populations maliennes.

Élu président de la conférence des chefs- d’États de la communauté le 09 Septembre 2020 à Niamey, le président Ghanéen, Nana Akufo-Ado a convoqué le président du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) le colonel Hassimi Goïta à Accra le 16 Septembre.

Cette première sortie de la junte hors des frontières maliennes pour discuter de la gestion de la transition avec les chefs- d’États de la communauté après la tenue de la concertation nationale qui a doté la transition d’une feuille de route était une opportunité pour la CEDEAO de marquer d’une pierre blanche son rôle déterminant dans la résolution de la crise malienne.

La CEDEAO a saisi l’occasion en insistant sur le choix de civils pour diriger la transition et fixer un ultimatum. 24 heures avant la fin de cet ultimatum, soit le 22 Septembre, le collège mis en place par le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), composé de forces vives de la nation a porté son choix sur le colonel-major à la retraite, Bah N’daw pour diriger la transition de 18 mois.

Vice-président de cette transition, le colonel Hassimi Goïta a profité de son discours à l’occasion de la fête de l’indépendance ce 22 Septembre pour demander la levée des sanctions. Si la CEDEAO n’est pas contre la levée de ses sanctions, elle dit attendre que le gouvernement soit mis en place. Son médiateur, Goodluck Jonathan, en mission de supervision du 23 au 25 Septembre à Bamako a réitéré cette position de la communauté à sa descente d’avion avant de le répéter une heure après la prestation de serment du président et du vice-président de la transition ce 25 Septembre.

Mohamed Sangoulé DANGNOKO

Source: Journal le Pays-Mali

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