Suspendu le temps où les 15 membres du Conseil de sécurité circulaient autour de la table en fer à cheval, s’échangeant poignées de main, accolades, sourires complices, voire regard glacial, avant de prendre place à 50 centimètres les uns des autres et s’efforcer d’éteindre les points chauds de la planète.
À l’arrêt aussi le temps où ils négociaient dans la « salle des consultations » si petite que les interprètes, perchés dans la salle officielle à hauteur de plafond, pouvaient ici presque se passer de leurs écouteurs pour entendre ce qui se dit.
Le Covid-19 et sa vitesse de propagation dans une ville comme New York, épicentre américain de la pandémie, ont contraint le Secrétaire général de l’ONU à barrer, à partir du 16 mars, l’accès de la Maison de verre à tout le « personnel non essentiel », convertissant les membres du Conseil de sécurité à la distanciation sociale.
En temps normal, une seule séance publique du Conseil, c’est la conjonction d’un nombre considérable de personnes dans un même lieu. Il y a naturellement les délégués, les représentants des départements concernés par la question à l’examen et les interprètes dans les six langues officielles, mais aussi, et la liste n’est pas exhaustive, les techniciens de la télévision et du Web, les photographes, les rédacteurs de procès-verbaux, les attachés de presse, sans oublier les coordonnateurs politiques de la Division des affaires du Conseil de sécurité (DACS).
Le 27 mars, lors d’une réunion virtuelle de l’Assemblée générale sur la faculté de l’ONU à poursuivre ses processus intergouvernementaux malgré le confinement, le Président du Conseil de sécurité, M. Ma Zhaoxu, de la Chine, se pliait à la nouvelle donne.
Nous avons, expliquait-il, ajusté notre programme de travail, annulé ou reporté certaines réunions, et organisé des séances à distance, « même si des problèmes techniques persistent ». « Les États se rendent enfin compte du sous-financement des capacités technologiques de l’ONU », n’avait pas manqué de relever le Secrétaire général.
Un système de visioconférence spécialement conçu pour le Conseil
Car désormais, c’est chacun dans sa Mission que les 15 membres du Conseil tentent ensemble de maintenir la paix et la sécurité internationales, grâce à un système de visioconférence spécialement conçu pour eux. Avant même que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’annonce, le 11 mars dernier, la première pandémie causée par un coronavirus, le Conseil de sécurité, sous la houlette de son Président chinois, se préparait déjà au pire.
Avec le Bureau de l’informatique et des communications, plusieurs scenarii ont été mis à l’essai et le 31 mars, le Président du Conseil couchait enfin officiellement sur le papier ses mesures « conservatoires, temporaires et extraordinaires », affinées, le 6 avril dernier, par son successeur, M. José Singer Weisinger, de la République dominicaine.
Tant que la distanciation sociale restera en vigueur, c’est la présidence du Conseil et non plus le Journal des Nations Unies qui annonce au public et aux États Membres, 24 heures à l’avance, la tenue des visioconférences publiques ou privées, avec ou sans invités.
Les caméras du monde feront le deuil des déclarations au ton martial ou conciliant prononcées sous la fresque murale de l’artiste norvégien, Per Lasson Krohg. Le service Web a désormais l’exclusivité de la diffusion des séances virtuelles, limitée jusqu’ici aux interventions des représentants et envoyés spéciaux du Secrétaire général et des chefs des départements, mais ponctuée d’un écran éclaté entre les 15 membres du Conseil à l’écoute.
L’anglais, langue unique des interactions
Au revoir à cinq langues officielles. Arabophones, francophones, hispanophones, russophones et sinophones se mettent à l’anglais, consacré langue unique des interactions.
Les interprètes se justifient : « Il n’existe pour le moment, ni à l’ONU ni dans le commerce, de systèmes suffisamment fiables pour garantir la qualité de travail que le Service d’interprétation offre et que le Conseil de sécurité est en droit d’attendre ». Dans un délai de 48 heures après une séance, la présidence du Conseil de sécurité est tenue de faire distribuer une compilation des déclarations faites par les invités et les États membres et non membres du Conseil.
Les caméras du monde auront aussi à regretter pour un temps l’image peut-être la plus emblématique du Conseil de sécurité : le vote à main levée.
Vingt-quatre heures après que la présidence les a informés par courrier de la mise aux voix d’une résolution, les États envoient cette fois-ci par courriel leur vote à la DACS qui communique alors le résultat final à la présidence, laquelle l’annonce par visioconférence à tous les membres du Conseil, dans les 12 heures. La présidence prend soin ensuite de distribuer une lettre faisant état du vote de chaque délégation et du résultat. C’est à la réception de cette lettre que les membres du Conseil ont six heures pour expliquer par écrit les raisons de leur vote. Reportées les manifestations d’unité et les joutes oratoires télégéniques qui faisaient tant le bonheur des commentateurs politiques.
Les visioconférences publiques n’étant pas « formelles », elles ne sont pas numérotées et échappent donc à la plume des rédacteurs de procès-verbaux qui publient toutefois, dans les six langues officielles, les compilations des déclarations et les lettres sur les votes et les explications données.
D’après la DACS, les 15 États membres ont presque retrouvé leur vitesse de croisière. Depuis le 16 mars, le Conseil a fait « virtuellement » des déclarations à la presse sur le Yémen et l’Afghanistan, tenu des débats sur le Mali, l’Afghanistan, le conflit israélo-palestinien, la Syrie, la Colombie et le Yémen, et adopté des résolutions sur les missions de l’ONU en Somalie et au Darfour, les opérations de paix et les sanctions imposées à la République populaire démocratique de Corée.
« Ça fonctionne », se réjouissent les délégations.
S’il a raté la diffusion sur le Web, le grand public peut toujours cliquer sur le site du Conseil de sécurité ou celui de la mission permanente de la présidence pour prendre connaissance du programme de travail mensuel, des activités et des décisions prises.
Il peut aussi se rendre sur le site d’ONU Info, qui couvre l’actualité onusienne, et celui de la Section des communiqués de presse et de la couverture des réunions, qui couvre les séances virtuelles, à partir des textes envoyés par la DACS, avec, parfois, quelques jours de retard. Mais quoi de plus normal dans ce contexte de « crise sans précédent » comme l’a rappelé, le 17 mars, le Secrétaire général au personnel de l’ONU, dans, Covid-19 oblige, un message vidéo.
Cet article a été écrit par la Section des communiqués de presse et de la couverture des réunions