Aïnéa Ibrahim Camara n’est pas un inconnu au Mali. Le 27 février 2022 depuis la Côte d’Ivoire, il s’est autoproclamé président de la Transition du Mali avec la mise sur pied d’un Conseil transitoire d’exil pour gérer les affaires courantes avant l’organisation des élections générales. Les autorités de Transition ont aussitôt ouvert une enquête judiciaire contre M. Camara pour propos injurieux et subversifs contre les autorités de la Transition dans un élan d’appel à un soulèvement contre celles-ci.Le 28 février 2022, le général Diomandé Vagondo, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité de la Côte d’Ivoire, a condamné l’attitude d’Aïnéa Ibrahim Camara déclarant que le gouvernement ivoirien, respectueux de la souveraineté des Etats, ne saurait tolérer la déstabilisation d’un pays frère à partir de son territoire, ce qui du reste est contraire à la tradition d’entente cordiale et de fraternité entre la Côte d’Ivoire et ses voisins. Mais ce n’est pas pour cette affaire qu’il a été condamné la semaine dernier par la Cour d’assises spéciale sur les crimes économiques et financiers.
Courant 2018, Aïnéa Ibrahim Camara, expert financier non moins président du “Mouvement républicain” ouvrait respectivement à la Banque internationale pour le Mali (BIM. SA) deux comptes bancaires. L’un au nom de la société “Carbone Finance Limited” et l’autre pour Camara Bank. Ainsi de novembre 2018 à janvier 2019, lesdits comptes bancaires ont enregistré d’importantes opérations financières s’élevant à 1 270 011 700 F CFA au crédit et 334 439 539 F CFA au débit, soit un solde créditeur de 935 572 161 F CFA à la date du 19 février 2019.
Ces montants ont fondé des soupçons qui n’ont pas échappé à la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) qui s’intéressait alors aux transactions d’Aïnéa Ibrahim Camara et par la suite menait des investigations sur les différents comptes bancaires à savoir les susmentionnés et trois comptes ouverts dans les livres d’Ecobank Mali-SA intitulé “Investia Fonds Investissement” qu’après avoir constaté que le compte ouvert au nom de “Carbon Finance Limited” a enregistré d’importants transferts de sommes d’argent de la Belgique initiés par Jozef Beckers, PDG d’Affinor BVBA.
La Centif faisait alors opposition sur tous les mouvements de débits sur lesdits comptes et saisit par écrit en date du 9 mai 2019, le procureur de la République en charge du Pôle économique et financier (actuel Pôle judicaire spécialisé de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée). Celle-ci en arrivait à l’ouverture d’une information judiciaire contre le susnommé et d’autres personne physiques et morales pour blanchiment de capitaux et complicité.
Tout au long de la procédure, Aïnéa Ibrahim Camara a catégoriquement réfuté les faits qui lui sont reprochés arguant que les sommes d’argent versées dans les comptes de ses sociétés, depuis l’Europe et les Etats-Unis, donc à partir des pays ayant un système de contrôle et de vérification pointu.
Attendu le lundi 5 août 2024 devant la Cour d’assises spéciale sur les crimes économiques et financiers pour répondre des chefs d’inculpations, l’accusé ne s’est pas présenté dans le box des accusés.
Malgré cette absence, la Cour a retenu contre lui et ses sociétés des charges suffisantes de blanchiment de capitaux, fraude fiscale et usage de faux. Le ministère public, partie poursuivante dans cette affaire représenté par Sory I. Maïga a pris la parole pour ses réquisitoires.
“M. le président, vous constatez que l’accusé a refusé de comparaître devant votre barre. Selon les informations, ce dernier est en exil dans un pays voisin. Il faut en tirer toutes les conséquences et en aucun cas il ne doit bénéficier de circonstances atténuantes”, plaidera le parquet général.
La Cour présidée par Mamadou N. Camara a condamné Aïnéa Ibrahim Camara à 7 ans de réclusion criminelle par contumace et une amende de 47 milliards de FCFA.
Ousmane Mahamane