Déficit de production, manque d’argent pour assurer la maintenance des groupes, vétusté des installations expliquent robinets à sec et délestages à répétition
Les temps sont durs pour la société Energie du Mali (EDM) et la Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP). Les deux entreprises sont, depuis quelques mois, sous le feu des critiques d’usagers mécontents des perturbations subies dans la fourniture de l’électricité et de l’eau potable. La situation a suscité des remous dans certains quartiers de Bamako où les habitants ont, plusieurs fois, manifesté publiquement pour exiger des comptes à l’administration des deux sociétés. Des marches ont eu lieu dans des quartiers périphériques pour dénoncer la pénurie d’eau.
Le mécontentement du public a été entendu par les autorités. Vendredi, c’est le ministre de l’Energie et de l’Eau, Makan Alou Tounkara, qui est monté au créneau pour expliquer les causes des perturbations qui plombent ces derniers temps les services d’électricité et d’eau. C’était au cours d’une conférence de presse qu’il a animée à la Maison de la presse. Le président de la Maison de la presse, Makan Koné, le directeur général de l’EDM, Tidiani Keita et son homologue de la SOMAGEP, Boubacar Kane, le conseiller à la communication d’EDM, Tiona Mathieu Koné, et nombreux responsables des deux entreprises ont assisté à la rencontre.
Sans détour, le ministre a abordé les différentes questions relatives au secteur eau et énergie : « Nous avons voulu cette conférence pour dire ce qui se passe concrètement à EDM et à la SOMAGEP. Aujourd’hui, c’est vrai, les deux sociétés traversent des moments difficiles. Bamako connaît des perturbations dans le service d’électricité et d’eau qu’il va falloir expliquer pourquoi ».
Le ton était donné et l’occasion trop belle pour que les confrères la laissent passer. Certes les coupures d’électricité et d’eau dans la ville de Bamako sont presque habituelles en période de chaleur. Mais l’ampleur qu’elles ont prise cette année a eu raison de la patience des usagers. Pourquoi de telles perturbations sur les deux réseaux de distribution d’électricité et d’eau à un moment où les consommateurs en ont le plus besoin ? Les causes des perturbations sur les réseaux de distribution d’énergie et d’eau sont multiples, a indiqué le ministre.
Concernant l’eau, il a rappelé le contexte dans lequel survient cette pénurie. Selon lui, la fourniture d’eau devait bénéficier d’une amélioration du système de desserte par la mise en œuvre de projets structurants, notamment la construction de la station de pompage de Kabala. La construction de cet ouvrage hydrique devait assurer une production journalière d’environ 240.000 mètres cubes, soit plus de 40.000 mètres cubes de plus que la consommation journalière de la ville de Bamako et ses environs. Malheureusement, à cause d’événements divers, ce projet qui date de 15 ans, n’a pas pu se réaliser.
Le gouvernement est déterminé à assurer tant bien que mal l’approvisionnement des populations en eau potable. Des projets dits « des mesures d’urgence » ont ainsi été initiés à travers la construction de deux stations compactes à Missabougou et Kalabancoro. Ces projets sont actuellement en cours de réalisation. La mise en fonction des ouvrages devrait intervenir courant 2013. Ces deux ouvrages hydriques vont fournir environ 40.000 mètres cubes d’eau par jour. La fin des travaux des installations est prévue pour fin décembre prochain.
UNE ARDOISE DE 90 MILLIARDS DE FCFA. Ces projets vont atténuer le problème d’eau, mais ne pourront le résoudre définitivement, a averti le ministre Tounkara. La solution pérenne, a-t-il indiqué, réside dans la réalisation de la station de Kabala pour laquelle les bailleurs de fonds ont promis une participation à hauteur de 193 milliards de Fcfa. Le décaissement des fonds n’attend plus que la finalisation, par le Mali, du processus institutionnel à travers la signature du contrat de concession avec la Société malienne de patrimoine de l’eau potable (SOMAPEP) et entre celle-ci et la SOMAGEP qui doivent désormais être liées par un contrat d’affermage assorti d’un contrat de performance.
Evoquant la question de l’électricité, Makan Alou Tounkara a, d’abord, rappelé le contexte qui a amené le gouvernement à privatiser EDM en son temps. Cette politique, a-t-il dit, visait à démocratiser le secteur énergétique dans notre pays. Malheureusement les divergences entre notre pays et ses nouveaux partenaires ont fait capoter le projet. Aujourd’hui, EDM est reprise entièrement par l’Etat et peine à assurer correctement le service d’électricité.
Selon le conférencier, EDM est confrontée à un problème structurel. Ce n’est pas de gaieté de cœur que l’entreprise entreprend de délester. La vérité est que les moyens techniques de EDM ne permettent plus de supporter la charge de consommation. Aujourd’hui, le parc énergétique se réduit comme peau de chagrin. EDM fait face à une réduction de moyens de production avec l’arrêt de plusieurs groupes à Sélingué et à Manantali, faute d’entretien. L’arrêt de ces installations prive EDM d’environ 50 Megawatts. EDM se rabat depuis un certain temps sur les installations de Sirakoro Méguétana et Darsalam. L’utilisation de cette énergie thermique chère n’est pas sans conséquence : EDM devait environ 90 milliards de Fcfa aux fournisseurs de combustible et aux banques. L’Etat est intervenu à hauteur de 40 milliards de Fcfa. 20 milliards de Fcfa ont été déjà mis à la disposition de EDM et les 20 autres restants seront disponibles dans les jours à venir, a promis le ministre.
« Déficit de production, manque d’argent pour assurer la maintenance des groupes, vétusté des installations, voilà les causes exactes de la situation actuelle de EDM », a énuméré le ministre Tounkara. Que faut-il faire dans l’immédiat pour soulager les usagers ? A ce propos, le ministre a annoncé un programme d’urgence qui consiste à louer des groupes pour combler un tant soi peu le déficit. Les appels d’offre ont été lancés. Ce programme porte sur une production d’environ 60 Megawatts.
Makan Alou Tounkara a aussi annoncé la mise en service sous peu des groupes du nouveau barrage de Félou qui vont assurer 40 Megawatts. Ces apports devraient permettre de résoudre le problème de délestage à court terme, a souligné le ministre. Cependant, des initiatives novatrices sont envisagées par le département. Il s’agit entre autres, de la promotion de l’énergie éolienne, mais aussi d’un projet d’électrification qui consiste à équiper les bâtiments de la Cité administrative de panneaux solaires. Autant d’initiatives qui permettront d’assurer à notre pays une production énergétique suffisante, estime le ministre Tounkara, en présentant ses « sincères excuses » aux usagers pour les désagréments causés dans les ménages par l’arrêt des services. « Nous savons que des familles ne vivent plus parce que leur revenu est lié à l’électricité ou à l’eau. Nous savons qu’il y a des malades dans les hôpitaux. A tous nous présentons toutes nos excuses », a-t-il indiqué.
L. DIARRA