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Coups d’Etat militaires : la CEDEAO à l’heure d’un changement de paradigme

Au mépris du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO le Mali, la Guinée et le Burkina Faso ont été les théâtres de coups d’Etat militaires affectant le fonctionnement régulier de l’Organisation sous-régionale et mettant en danger sa mission fondatrice de construction d’un espace communautaire voué à l’intégration économique dans la paix, la stabilité, la démocratie et le respect des droits humains. Le premier s’était donné une période transitoire de 18 mois finalement portée à 42 mois. La deuxième se prévaut de 39 mois et le troisième de 36 mois.

 

En application de l’article 45 du protocole cité plus haut, les trois États sont suspendus des instances communautaires. Ce qui signifie leur mise à l’écart provisoire de la prise des décisions, y compris celles les concernant, aux échelles exécutive, législative et judiciaire de l’Organisation ainsi que leur privation de tout concours diplomatique ou autre au plan international. Mais Abuja ne s’en est pas tenue là. Elle a prononcé des sanctions individuelles (gel des avoirs financiers et interdiction de voyager) à l’encontre des dirigeants de ces Etats et, pour ce qui est du Mali-premier à ouvrir la série des coups d’Etat militaires-il s’est vu infliger, depuis le 9 janvier 2022, des sanctions économiques et financières. Lesquelles devraient être incessamment étendues à la Guinée faute d’avoir présenté à la date butoir du 25 avril dernier un chronogramme électoral raisonnable. Idem pour le Burkina Faso dont les 36 mois annoncés sont jugés « trop longs ».

Ces sanctions sont perçues par la CEDEAO comme l’arme fatale pour abréger des transitions indésirables et accélérer le retour à la démocratie. En attendant que la preuve en soit faite (le pouvoir tenant moins dans nos pays au mécontentement des populations qu’aux armes) au Mali où elles sont appliquées depuis bientôt quatre mois avec il est vrai une certaine bienveillance (l’embargo commercial ne couvre pas les produits vitaux) elles affaiblissent autant l’économie locale que celle du Sénégal. Lequel est son premier fournisseur avec 21 % de ses exportations en 2020 et plus de 50% du trafic du port de Dakar.

La Côte d’Ivoire est le deuxième fournisseur du marché malien à hauteur de 10 % de ses besoins et les ports ivoiriens drainent 17% des importations maliennes. Le Burkina Faso, de son côté, est le principal marché d’exportation des produits ivoiriens et le port d’Abidjan son principal débouché maritime. La Guinée, dotée d’un littoral et possédant sa propre monnaie, est moins dépendante de la CEDEAO. Il n’en reste pas moins que l’extension des sanctions qui frappent le Mali aux deux autres pays ne manquerait pas d’impacter négativement les performances au sein de l’espace communautaire.

Par ailleurs les sanctions souffrent d’un certain discrédit après l’ordonnance rendue par la Cour de justice de l’UEMOA faisant droit à la requête de sursis à exécution formulée par le Mali même si la CEDEAO n’est pas tenue de s’y conformer. Facteur aggravant lesdites sanctions ne figurent nulle dans les textes constitutifs de l’Organisation. Enfin celle-là ne peut continuer à ignorer les critiques qui lui sont faites relativement à sa gestion singulière de la démocratie au sein de certains de ses États membres. Autant elle est prompte à sortir le gros bâton pour rappeler à l’ordre les fauteurs de troubles démocratiques voire sévir avec rigueur contre eux lorsque « la rupture constitutionnelle  » est consommée, autant elle se signale par sa discrétion quand des chefs d’Etat tripatouillent leur Constitution ou se livrent à des manipulations graves des processus électoraux pour se maintenir au pouvoir.

Un changement de paradigme s’impose assurément à la CEDEAO si elle veut préserver sa crédibilité et son efficacité, garantes de sa pérennité.

Saouti HAIDARA

Source: l’Indépendant

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