Souvent moqué, la faute à sa grande taille et à sa technique parfois surprenante, Cheick Diabaté a mis tout le monde d’accord en finale de la Coupe de France vendredi contre l’Evian-TG (3-2). Son doublé a conclu une fin de saison parfaite, où il aura retourné l’opinion à son avantage
Cheick Tidiane Diabate
L’Evian Thonon-Gaillard était prévenu. La semaine passée, Cheick Diabaté avait inscrit un doublé devant les Haut-Savoyards lors de la dernière journée de Ligue 1 (2-1). L’attaquant des Girondins a récidivé face à l’ETG vendredi pour offrir à Bordeaux une quatrième Coupe de France dans son histoire (3-2). L’international malien a ainsi donné la touche finale à sa fin de saison parfaite. « Ça a été un match difficile, a-t-il reconnu au micro de France 2 après le coup de sifflet final. A chaque fois, ils arrivaient à marquer. J’ai continué à pousser, je me suis dit que j’aurai bien une occasion. Je me suis appliqué et j’ai marqué. » Auteur de dix buts lors de ses neuf dernières apparitions toutes compétitions confondues, Diabaté a encore prouvé qu’il savait s’exprimer dans tous les registres. Constamment dangereux dans le jeu aérien (4e, 58e), il a aussi démontré l’étendue de sa palette technique. Notamment sur une première réalisation pleine de sang-froid pour effacer Bertrand Laquait avant de terminer le travail dans le but vide (39e). Indispensable par sa qualité de remiseur et par sa capacité à conserver le ballon dos au jeu, Diabaté (25 ans) a tout connu au cours de cette folle soirée au Stade de France. Après une première période sans fausse note, hormis une conduite de balle mal négociée (6e), il a provoqué un penalty sur une faute de Milos Ninkovic. Il s’en est chargé lui-même mais sa frappe n’a pas trompé Bertrand Laquait, qui a jailli du bon côté (48e). « Dans les matches comme ça, il faut rester costaud mentalement. Quand j’ai raté, je me suis dit que ça faisait partie de la vie, du football. (…) Je me suis dit, soit je marque, soit je fais une passe décisive… » Forcément revanchard, le natif de Bamako s’est alors fait une mission de donner la victoire aux siens. Il a d’abord tenté un improbable retourné acrobatique (82e). Gillot : « Il ne peut pas avoir le jeu de Messi »
Cheick Tidiane Diabate avec le trophée de la coupe de France
Avant que ne se présente à lui la balle de match à la 89e minute. A bout portant, il a fixé Laquait et filé devant le kop bordelais pour communier avec le public. Le même qui n’a pas été tendre avec ce grand échalas, longtemps moqué pour son efficacité douteuse devant le but, sa technique parfois frustre et sa coordination incertaine. Logique, direz-vous, pour un colosse de 1,94m. Cible de critiques récurrentes sur son jeu, Diabaté a mis le temps avant de s’imposer à Bordeaux. Débarqué dans le groupe pro en 2008, il a poursuivi son apprentissage en prêt. A Ajaccio dans un premier temps, pour une expérience probante en Ligue 2 (30 matches disputés, 14 buts). Avant une saison passée dans l’anonymat à Nancy (deux apparitions). Contraints de jongler avec une masse salariale revue à la baisse et l’exode de ses meilleurs actifs, les dirigeants girondins ont ensuite fait le choix de le conserver dans leur effectif pour le développer. Entre 2010 et 2012, Francis Gillot l’a titularisé à seulement vingt reprises en championnat. Mais le joueur ne s’est jamais découragé. « Ce n’est pas un garçon qui pose problème, il accepte son sort, même si ce n’est pas évident, soulignait son entraîneur en janvier. Je me mets à sa place, il a beaucoup de réussite quand il joue et quand il ne joue pas, il ne le fait pas savoir. Pour le collectif, c’est un joueur agréable à coacher, un joueur atypique qui ne peut pas avoir le jeu de Messi avec les jambes qu’il a, elles sont deux fois plus grandes ». Le coach bordelais n’a pas toujours été aussi tendre avec son joueur. Il faut dire qu’il n’avait pas vraiment digéré ses cinq jours de retard au début de la préparation estivale en juillet 2011, ce qui lui avait valu de squatter le banc des remplaçants. Mais il a fini par se faire à l’idée qu’il devrait composer avec ce joueur au profil si particulier, comparable à Guillaume Hoarau. Silence radio après la CAN
Fâché du scepticisme ambiant, il avait même pris la défense de Diabaté en septembre dernier. « Il faut l’accepter comme il est, il joue avec ses qualités, avait-t-il lancé. Il a progressé dos au but, c’est un point d’attache pour nous, il est présent dans le combat. » L’ex-entraîneur sochalien avait certainement anticipé que sa troisième option offensive pourrait rapidement grimper dans la hiérarchie, au gré des départs de Yoan Gouffran et Jussiê au mercato hivernal. En janvier, Diabaté a pris la direction de l’Afrique du Sud pour y disputer la CAN avec la sélection malienne. Il y a décroché une probante troisième place, avant de briller de nouveau par son absence au Haillan. Durant des jours, il n’a pas donné de nouvelles, faisant sérieusement grincer des dents à Bordeaux. « C’est vrai que j’ai toujours connu ça, et que partout ailleurs, c’est pareil, avait lâché Gillot, presque fataliste. Après, il y a toujours des avions supprimés, des pertes de passeports, des météorites… C’est l’éternel problème. » Le coach des Girondins était alors prêt à prendre des mesures drastiques et s’est privé de son joueur durant plusieurs semaines. Mais il a dû se rendre à l’évidence. Entre les transferts et la blessure de Diego Rolan, seule recrue offensive de l’hiver, Gillot n’avait pas l’embarras du choix en attaque. Après avoir tenté de relancer David Bellion, il s’est résigné à donner une nouvelle chance à Diabaté. Et le Malien lui a donné raison. Avec 18 buts toutes compétitions confondues, il a réalisé la saison la plus accomplie de sa carrière. S’attirant les louanges de son entraîneur. « Heureusement qu’on l’a, soufflait-il début avril. Il nous fait du bien. » Ses performances pourraient attiser la convoitise, notamment en Angleterre, où l’avant-centre bordelais (sous contrat jusqu’en juin 2015) a tout pour séduire. Et si on ne peut pas plaire à tout le monde, Diabaté a fait changer bien des avis sur son compte ces derniers mois.
Par Geoffrey Steines | Eurosport