Cette espèce végétale suscite la controverse entre les partisans et les adversaires de son utilisation pour se soigner
Depuis l’annonce le 20 avril dernier par le président malgache Andry Rajoelina de l’«efficacité prouvée» de l’artemisia dans la prévention et dans l’élimination des symptômes du coronavirus, c’est la ruée dans le monde sur cette plante et notre pays ne fait pas exception à la règle. Chez les herboristes, comme chez les fleuristes, le mot «artemisia» est sur toutes les lèvres. Il est midi à Torokorobougou dans la pharmacopée de Bocar Ali Bocoum. Depuis deux à trois semaines maintenant, une vingtaine de personnes viennent chaque jour ici. Et une même question revient toujours : «Est-ce que vous avez de l’artemisia ?». Non, répond Bocar Ali Bocoum, avant de se tourner vers nous. L’artemisia annua et afra sont deux plantes utilisées en médecine traditionnelle depuis des siècles, en Chine et en Afrique de l’Est. Il est difficile d’avoir cette plante à Bamako, il faut se rendre dans les confins du pays et surtout se faire assister par un herboriste, explique Bocar. L’artemisia est utilisée depuis longtemps pour soigner le paludisme, la bilharziose et bien d’autres maladies. «Depuis bientôt cinq ans, je prends régulièrement de l’artemisia contre le paludisme et aussi pour renforcer mon organisme. J’ai appris qu’il est utilisé dans la médecine chinoise depuis des siècles. Tout le monde connaît la qualité de la médecine chinoise. Je n’ai pas contracté de palu depuis que j’ai commencé à prendre des décoctions d’artemisia et je n’ai eu que de petites migraines et rhumes ces dernières années», relate Abdoulaye, comptable de son état. Néanmoins, il reconnaît que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) émet des réserves en ce qui concerne l’usage de l’artemisia contre le paludisme et maintenant sur le cas du Covid-19.
Vertus curatives- À quelque 100 mètres du Centre international des Conférences de Bamako (CICB), de part et d’autre de la voie principale se trouvent des vendeurs de pieds/pousses d’arbres et de fleurs. Au milieu de ces arbrisseaux, Moussa Diallo, arrose de petites plantes d’à peine 2 centimètres. Ce sont des pousses d’artemisia. «La demande d’artemisia a explosé depuis quelques jours maintenant, nous avons même été en rupture de stock une fois», confie Moussa qui travaille avec son oncle. Celui-ci voyage dans la sous-région pour se procurer des plantes rares. Il s’approvisionne en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Togo, au Bénin et au Sénégal. Leur pousse d’artemisia vient essentiellement de la Côte d’Ivoire et du Ghana. Les vertus curatives de l’artemisia sont connues depuis longtemps. Moussa l’infuse régulièrement et la boit, c’est bon pour la santé, assure-t-il. Ajoutant que chez eux la jeune pousse est vendue actuellement à 7.500 Fcfa, mais il «nous arrive de la vendre à 10.000 Fcfa parce que la demande a augmenté». «Il y a une quinzaine de vendeurs dans cette zone, nous sommes les seuls à vendre de l’artemisia et je ne sais pas si l’on en trouve ailleurs? », s’interroge le vendeur.
L’artemisia, plante aux airs de fougère issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise, connaît un succès grandissant sur le continent malgré la polémique qui l’entoure. En cinq ans à peine, plusieurs maisons de l’artemisia se sont créées dans 18 pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire qui en compte cinq. L’association, qui promeut l’utilisation de la plante, affirme sur son site Internet que «l’artemisia annua ou afra soigne et prévient le paludisme». Elle conseille la prise sous forme de tisane conditionnée en sachets de 5 g qui sera infusée en 15 minutes dans un litre d’eau bouillante à boire au cours de la journée et ce, pendant sept jours. La maison de l’Artemisia de Kati, première au Mali, est, selon son chargé de communication Abdoul Diallo, en pénurie de stock. Néanmoins, il y a des pépinières et des semences disponibles. Il propose l’appropriation à grande échelle de pépinières pour les besoins. Les prochains stocks seront disponibles à partir du 11 mai. Abdoul Diallo assure que la culture de l’artemisia se développe de plus en plus au Mali, comme à l’Institut d’économie rurale (IER) par le Dr Mariam Gamby qui utilise la plante à titre expérimental au niveau du Centre régional de recherche agronomique de Sotuba (CRRA).
L’artemisia est-il réellement efficace contre le Covid-19? Au département médecine traditionnelle de l’Institut national de santé publique, la question suscite la plus grande prudence. Dans son bureau, dans lequel trônent des trophées, des certificats de participation et des tas de badges pour différents séminaires et colloques, le Pr Rokia Sanogo observe la plus grande prudence sur la question. «Nous avons en notre possession des médicaments traditionnels améliorés, des plantes qui ont fait la preuve de leur efficacité, innocuité et qualité. Ils sont utilisés et peuvent contribuer à la prise en charge d’autres maladies virales et la prise en charge des symptômes associés au Covid-19 et qui renforcent le système immunitaire. Nous proposons des préparations traditionnelles qui peuvent contribuer à la prise en charge du Covid-19», explique le Pr Rokia Sanogo.
Combinaisons thérapeutiques- Par ailleurs, le Centre de formation et recherche sur le paludisme en collaboration avec le département médecine traditionnelle, travaille sur une liste de plantes pour développer des médicaments contre le paludisme. Et profitant de la situation de la pandémie, il va tester des plantes in vitro sur le virus du Covid-19. Ce n’est qu’à l’issue de ce test que l’on saura si cet extrait de plante a un effet sur le virus, a fait remarquer le Pr Sanogo. Avant d’ajouter qu’il y a une grande spéculation autour des médicaments contre le Covid-19. Par exemple, la quinine est utilisée contre le paludisme parce qu’on a la preuve qu’elle élimine le parasite responsable de la maladie. C’est le même procédé qu’avec les combinaisons thérapeutiques à base d’artemisinine, qui proviennent de l’artemisia. «Ce principe actif a été utilisé en Chine pendant des siècles sous forme de tisane. Après isolement du principe actif artemisinine en 1970, l’OMS a recommandé l’utilisation des combinaisons thérapeutiques à base d’artemisinine dans le cas du paludisme simple», ajoute le Pr Rokia Sanogo.
Dans le cas du Covid-19, l’OMS ne recommande pas l’utilisation de la tisane artemisia, car une tisane selon sa préparation peut ne pas contenir la quantité suffisante de principe actif. Il faut faire un travail scientifique, développe la scientifique. Selon elle, le danger, au cas où il n’y a pas de concentration suffisante pour tuer le parasite, réside dans le fait que le produit agit uniquement sur les symptômes et ne détruit pas le germe responsable. Il continuera donc à se développer, prévient la scientifique. En résumé, le Pr Rokia Sanogo déconseille l’automédication et la ruée sur les médicaments pour la prise en charge du Covid-19. Il serait préférable de se concentrer sur les mesures de prévention : mesures barrières, lavage des mains au savon, distanciation sociale pour ne pas contracter le Covid-19. Selon elle, l’hydroxychloroquine, proposé par le célèbre Pr Didier Raoult, est le résultat d’études antérieures qui ont démontré leur efficacité sur certaines espèces de coronavirus, mais pas sur celui du Covid-19.
Oumar SANKARÉ
Hivernage 2020 : Des pluies abondantes en perspective
La réunion sur les prévisions saisonnières des caractéristiques agro-hydro-climatiques de la saison des pluies pour les zones soudanienne et sahélienne (PRSEASS) s’est tenue du 20 au 24 avril. La rencontre a été organisée par le Centre régional de formation en agro-météorologie et hydrologie opérationnel (AGRHYMET), en collaboration avec le Centre africain pour les applications de la météorologie au développement (ACMAD), les services météorologiques et hydrologiques (SMNH) des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Tchad, les organismes des bassins et l’Organisation météorologique mondiale (OMM). À l’issue des travaux, les spécialistes se sont accordés pour prédire des quantités de pluies globalement supérieures aux cumuls moyens de la période 1981-2010. Les pluies couvriront la bande sahélienne et soudanienne, allant du Tchad à la façade atlantique. Sur les parties centre et est du Sahel, des dates de début de saison précoces à la normale sont probables. Par contre, sur l’Ouest du Sahel, il est attendu des dates de début de saison moyennes à tardives, avec toutefois une possibilité de démarrage précoce par endroits. Des dates de fin de saison tardives à équivalentes aux moyennes sont probables sur le Sahel centre et est. Toutefois, sur la façade ouest couvrant le Sud-ouest mauritanien, le Sénégal, l’Ouest du Mali, la Gambie, la Guinée-Bissau et l’Ouest guinéen, les dates de fin de saison devraient être moyennes à tardives. Cependant, des séquences sèches globalement plus courtes ou équivalentes à celles habituellement observées sont attendues en début de saison sur le Sahel centre et est et dans certaines localités des parties nord du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigeria.
Vers la fin de la saison, des séquences sèches globalement plus courtes sont attendues sur toute la bande sahélienne et soudanienne. Pour atténuer les risques d’inondation (sur les personnes, les animaux, les cultures et les biens matériels), il est recommandé de suivre de près les seuils d’alerte dans les différents sites à haut risque d’inondation, renforcer la communication des prévisions saisonnières et la sensibilisation des communautés vulnérables. Les spécialistes préconisent de prévenir l’occupation anarchique des zones inondables, en particulier dans les zones urbaines, de renforcer la veille et les capacités d’intervention des agences en charge du suivi des inondations, de la réduction des risques de catastrophes et des aides humanitaires. Ils préconisent également de faire des exercices de simulation dans le cadre de la préparation des plans de réponses aux inondations.
En plus de la situation liée à la pandémie du Covid-19, le risque d’invasion acridienne en cours en Afrique de l’Est pourrait aggraver le risque d’insécurité alimentaire pour des millions de personnes au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Comme prévention, il est recommandé aux États de renforcer la surveillance vis-à-vis de l’invasion acridienne dans les zones à risque des pays de la ligne de front, et de maintenir la vigilance contre les autres ravageurs des cultures comme la chenille légionnaire. Il est recommandé de mobiliser les Partenaires techniques et financiers (PTF) et la communauté internationale pour une gestion préventive du risque acridien.
Face au risque de sécheresse, il est probable d’observer par endroits, des déficits hydriques pouvant d’une part retarder la mise en place de la biomasse fourragère, d’autre part entraîner des échecs de semis et affecter la croissance des plantes. Ces déficits hydriques pourraient aussi favoriser le développement d’insectes ravageurs des cultures.
Pour prévenir les risques, il est recommandé de diversifier les pratiques agricoles, à travers notamment la promotion de l’irrigation, du maraîchage pour réduire le risque de baisse de production dans les zones exposées. Il faudra aussi veiller à une gestion intégrée des ressources en eau pour une meilleure prise en compte des différents usages, notamment les besoins des barrages hydro-électriques et des aménagements hydro-agricoles. En vue de réduire le risque de maladies liées à l’eau (cholera, malaria, dengue, bilharziose, diarrhée, etc.) dans les zones humides ou inondées, il est fortement recommandé de sensibiliser sur les maladies climato-sensibles, en collaboration avec les services de météorologie, d’hydrologie et de santé. Il faut également vacciner les populations et les animaux, encourager l’utilisation de moustiquaires, mettre en place des stocks d’antipaludéens, prévoir des stocks des médicaments dans les zones difficiles d’accès.
Synthèse O. S
Source : L’ESSOR