L’injustice à des beaux jours devant elle au Mali. Les déguerpis de Kalambabougou ont été surpris d’apprendre que les auteurs de la démolition de leur quartier respirent l’air pure de la liberté alors qu’ils ont été condamnés. Pour ces citoyens qui doivent être plutôt secourus, parce que malades, l’injustice serait l’autre plus grand préjudice qu’ils ne veulent pas subir. Ils exigent le retour en taule de ces démolisseurs de logements d’autrui, relaxés par la Cour d’Appel, sinon ils marcheront sur cette cour. Ils l’ont fait savoir mercredi dernier, au cours d’une conférence de presse au jardin Babintou Keita de Djicoroni – Para.
Ce sont trois groupements d’association qui ont exprimé leur colère au cours de cette conférence de presse. Il s’agit de l’association ‘’Sigida Ton de Kalabanbougou’’, de l’Association des Jardiniers Malades et Handicapés de la Lèpre de Djicoroni-Para(AJMHLDP) et de l’Association du village de Bougouba. L’affaire remonte au 18 juin 2014, quand sur une décision venue de nulle part 309 logements sont démolis jetant dans la rue des centaines de familles. Très rapidement, le ministre de la justice de l’époque Me Mohamed Aly Bathily se saisit du dossier et suite à un procès les sieurs Issouf Bengaly « faux geometre », Sidiki Djiré syndicaliste au Centre National d’Assistance Médicale (CNAM) et Moussa Keita clerc sont condamnés à trois ans d’emprisonnement ferme .Mais contre toute attente ces derniers seront mis en liberté. Cette libération, selon Massa Koné, membre de l’Union des Démunis est l’œuvre de la Cour d’appel qui a profité du départ de Me Aly Bathily pour mettre en application cette décision de justice, certainement, suite à l’octroi par les intéressés de pots de vin. Avant d’obtenir gain de cause auprès de la Cour d’appel, dira-t-il, les filous ont tenté de corrompre le Procureur de la commune IV, le magistrat Diawara, un homme connu pour son intégrité morale qui a horreur de l’injustice. Que ce dernier y a opposé une fin de non recevoir. Cette affaire doit être prise très au sérieux par les autorités compétentes surtout par ces temps qui courent ou le citoyen lambda est à bout de nerf.
Pour le vice –président de l’AJMHLDP Tounko Diarra ces terres ont une longue histoire qui remonte aux années 70. En effet, selon lui c’est suite à une plainte des populations qui à l’époque ont estimé que les malades de la lèpre et autres handicapés perturbent la circulation que le gouvernement a décidé de mettre à disposition ces parcelles que les malades exploitaient, d’ailleurs tout Bamako venait s’approvisionner en légumes. Qu’une partie des parcelles étaient utilisée comme logement avec des bâtisses de fortune. Les jardins produisaient tellement que le président de la République venait chaque année remettre des prix aux plus méritants. Les parcelles octroyées par l’Etat s’étendaient sur 24 hectares. « Nous ne pouvons pas acceptés que des malhonnêtes de la 21eme heure viennent morceler et vendre ces parcelles », a fait comprendre Tounko Diarra. Et lui de poursuivre : « le rétrécissement de nos parcelles comme peau de chagrin a commencé avec l’ACI qui a mis en valeur la partie grignotée ».
Le secrétaire général du syndicat des jardiniers, Toumani Traoré dans son intervention dira que quand la ville a atteint les parcelles, les malades de la lèpre ont souhaité qu’elles soient utilisées comme habitat. « Le syndicat de la CNAM a mis à profit cette situation pour en toute illégalité vendre les dites parcelles. Le syndicat l’a fait en complicité avec ces ‘’bandits’’ qui ont été libérés. Nous ne sommes pas d’accord avec cette libération et nous exigeons le retour sans délai de ces escrocs en prison car c’est là-bas leur place », a-t-il fait savoir. Massama Camara, jardinier exploitant les larmes aux yeux dira que : « cette situation est inacceptable dans un pays ou les gens se disent croyant, je n’ai jamais pensé un seul jour que des gens allaient avoir le courage de vendre des parcelles qui appartiennent à des handicapés, c’est vraiment atroce ».
Dans la Cour, noire de monde, les victimes ont juré de se rendre justice si l’Etat ne fait rien.
A cette conférence, il y avait beaucoup de femmes avec des nourrissons qui dorment à ciel ouvert. Pour toutes ces raisons, les coupables doivent payer.
Enfin, pour l’un des conférenciers rien ne sera plus comme avant et justice doit être rendue alors qu’il est encore temps. De mémoire de ce sexagénaire, au Mali les régimes finissent peu honorablement parce que les plus forts piétinent les plus faibles. Et, selon Jean de la Fontaine : « selon que vous soyez puissant ou misérable les jugements de la cours vous rendrons blanc ou noir ».
Badou S. Koba
source : tikan