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Consommation d’alcool au Mali : Chagrinés, trahis et déçus… de jeunes Bamakois et campagnards y vont de tout leur soûl

Depuis un certain temps, dans les grandes villes comme dans les campagnes, nous constatons de plus en plus une augmentation du nombre des consommateurs de boissons alcoolisées surtout chez les jeunes, ce qui pose un véritable problème de société. Et c’est compte tenu de l’ampleur des effets et des conséquences sur la vie sociale que nous avons décidé de mener une enquête auprès des jeunes (filles et garçons) afin de comprendre réellement ce qui les pousse à la consommation de l’alcool.

La consommation de l’alcool est une pratique très ancienne. Il fait partie de la vie humaine depuis des milliers d’années et, s’il est souvent synonyme de plaisir et de sociabilité, son usage peut avoir des conséquences désastreuses sur la vie de l’individu. On pourrait penser que ce phénomène ne touche que les pays occidentaux. Mais il est mondial et n’épargne pas le continent africain. Aujourd’hui, les jeunes, filles et garçons, consomment de plus en plus l’alcool.

Selon le rapport 2015 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’usage abusif de l’alcool entraîne environ 3 300 000 cas de décès chaque année, majoritairement des jeunes. Le taux de décès lié à l’alcool chez les jeunes hommes s’élève à environ 7,6 % et 4 % chez les jeunes filles. Il faut aussi savoir qu’il entraîne des pathologies et des décès prématurés. Ainsi l’alcool devient la cause de dommages sociaux, mentaux et affectifs très répandus ; autant de maux qui paralysent toute la société.

Le même rapport indique que la consommation est aujourd’hui stable dans les pays développés avec environ 13 litres d’alcool par personne et par an, mais augmente fortement dans les pays en développement. De nos jours, cette tendance peut être expliquée par le séjour des ONG et organisations internationales, la présence de la mission des casques bleus (le prix abordable des boissons alcoolisées pour ceux-ci), la facilité d’accès aux boissons alcoolisées et la croissance de la délinquance juvénile.

Au Mali, dans les grandes villes comme dans les campagnes, nous constatons de plus en plus une augmentation du nombre des consommateurs des boissons alcoolisées surtout chez les jeunes, ce qui pose un véritable problème de société. En 2015, la direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC) a enregistré la somme de 3 101 352 472 de F CFA comme le montant des boissons alcoolisées importées dans notre pays.

Par contre, en 2016, ce montant s’élevait à 4 585 823 257 de FCFA, soit 9564 cartons de boissons alcoolisées importés des pays développés, ainsi que certains pays africains. Ces chiffres témoignent qu’au Mali, la consommation d’alcool est en train de prendre une dimension importante.

Les autorités ont mis en place une stratégie afin de réduire ou d’interdire l’importation des boissons alcoolisées au Mali. Ces stratégies sont, entre autres, l’interdiction d’importation des boissons alcoolisées avec un contenant en plastique, la fermeture des bars qui sont près des écoles ou établissements scolaires et aussi d’effectuer des campagnes de sensibilisation au niveau des écoles. Cette mesure s’avère inefficace car, ces stratégies ne sont pas respectées à la lettre comme préconisent les autorités.

Selon les statistiques de la mairie du district, la ville de Bamako dispose aujourd’hui de plus de bars, hôtels et cabarets qu’il y a 5 ans de cela. Cette augmentation rapide des bars et cabarets peut s’expliquer par le non-respect des normes exigées pour l’ouverture des bars et le non contrôle des services d’hygiène de la commune.

Au cours de cet enquête, nous avons interrogé des jeunes afin qu’ils nous expliquent ce qui les pousse à la consommation d’alcool. Pour Z. Coulibaly, mécanicien, 31 ans, c’est la dislocation de son foyer qui l’a poussé vers l’alcool. “Je me suis marié très tôt, plus précisément quand j’avais 26 ans.  Tout allait  bien entre moi et ma femme jusqu’à la naissance de notre deuxième garçon. Après six ans de mariage, elle a commencé à changer de comportement. Elle ne me respectait plus ainsi que les membres de ma famille (mon père, ma mère et mes sœurs). J’ai tout fait pour qu’elle revienne à la raison, mais elle n’a pas entendu. Et elle est partie dans sa famille en abandonnant ses enfants. Mes parents et les autres membres de ma famille ont envoyé des émissaires pour la rechercher, mais elle a refusé de réintégrer son foyer. Donc, vu la situation, j’étais très confus et j’avais même du mal à dormir la nuit. Finalement, je n’ai rien trouvé d’autre que l’alcool pour noyer mon chagrin. A force de continuer à boire petit à petit des boissons alcoolisées, je suis devenu dépendant de l’alcool. Je peux vous dire que la dislocation de mon foyer m’a poussé à prendre de l’alcool”.

La déception, un état ou un sentiment induit par une insatisfaction ou un échec, pousse d’autres personnes à la consommation d’alcool. Comme nous l’indique A. Touré, chômeur, 34 ans : “Je suis un ex-aventurier d’Espagne. Durant mon séjour en Espagne, j’ai gagné beaucoup d’argent et c’est moi qui assurais toutes les dépenses de la famille. Je prenais en charge toutes les dépenses quotidiennes  de la famille. Donc, étant à l’étranger, j’ai décidé d’investir chez moi au Mali et après avoir consulté certains membres de ma famille, j’ai commencé à envoyer d’importantes sommes à mon père pour qu’il m’achète un terrain afin de construire au moins une maison avant mon retour au pays. Quelques mois après, j’ai envoyé une autre somme pour qu’il puisse commencer les travaux.

Et progressivement, j’envoyais de l’argent pour les travaux, mais à mon retour au pays après mon expulsion par les autorités espagnoles, j’ai trouvé que mon père n’avait rien construit pour moi. Tellement que j’étais déçu, j’ai quitté la maison pour prendre un loyer quelque part en ville. Vous voyez, j’ai envoyé toute mon économie pour construire quelque chose pour moi, mais au retour, je n’ai rien trouvé. Tellement que la déception était grande souvent ça me revient l’idée de me suicider vu que mon mal vient directement des membres de ma propre famille. Donc, pour oublier un peu ce fait, je prenais de l’alcool jusqu’à devenir un grand consommateur”.

En plus la déception, il y a la pression sociale qui pousse également l’individu dans l’alcool. Comme témoigne O. Bouaré, ferrailleur, 39 ans : “C’est à cause de la pression familiale que je suis devenu un consommateur d’alcool. Je travaillais dur pour subvenir aux besoins de ma famille. A un moment donné, j’ai eu des problèmes à mon travail et le propriétaire de l’entreprise a mis fin à notre contrat de travail. Donc, c’est en ce moment que j’ai eu toutes sortes de problèmes. Ma femme m’a quitté parce que je n’arrive plus à subvenir à ses besoins et ceux des enfants. Dans la grande famille, mes frères ont commencé à me parler mal parce que tout simplement je ne contribue plus à la dépense familiale. Mes amis avec qui je partageais tout m’ont lâché. Donc, vu toutes  ces difficultés, j’ai décidé de noyer mon chagrin dans l’alcool”.

La mauvaise fréquentation peut aussi encourager, comme indique D. Kéïta, coursier, 38 ans. “Je suis coursier dans une entreprise de la place, c’est moi qui effectue toutes les courses de mon patron. Souvent, il m’envoie acheter de l’alcool pour lui et ses amis. Donc, à chaque fois ils prennent leurs toasts, ils m’invitent à faire comme eux, mais je refusais. Cependant, un jour, lors de la fête de fin d’année, j’ai profité de l’occasion pour prendre de la boisson alcoolisée avec eux. Comme cela n’a pas posé de problème, j’ai continué jusqu’à ce que je sois devenu un grand consommateur. Je peux vous assurer que si ce n’était pas à cause de mon patron qui me pousse chaque fois de prendre de l’alcool avec eux, je n’allais pas devenir consommateur”.

Des filles et jeunes dames

comme des éponges

La consommation d’alcool des jeunes filles est une réalité dans la Commune I et dans les autres communes du district de Bamako. Cet aspect fait la particularité de cette enquête. La fréquentation des bars par les jeunes filles est accentuée de plus en plus dans la Commune I, ainsi que dans autres communes du district de Bamako. Elles sont toujours accompagnées de leurs copains consommateurs, mais d’autres y vont seules à la quête de nouveaux copains. Elles consomment même des liqueurs fortes comme la Vodka, le Whisky, etc.

M. 28 ans, est une travailleuse du sexe : “J’ai abandonné les études au niveau du lycée faute de moyens financiers. J’ai commencé à travailler dans une usine de fabrication de chaussures en plastiques, mais le salaire était très bas. Ainsi, j’ai commencé à fréquenter des hommes dont la plupart prenait de l’alcool. A cause de cette fréquentation, je suis devenue consommatrice des boissons alcoolisées comme eux”.

D’autres raisons poussent les jeunes à la consommation des boissons alcoolisées. Ces raisons peuvent être sociales, économiques ou professionnelles.

De nos jours, le phénomène de l’alcoolisme ne concerne pas seulement la ville de Bamako, mais le pays tout entier. Il est en train de prendre de l’ampleur partout. De jeunes filles fréquentent de plus en plus les bars et les hôtels et rivalisent les hommes dans la consommation de l’alcool.

Avant, ce sont les personnes âgées qui consommaient des boissons alcoolisées. Mais aujourd’hui, leur âge minimum est de 15 ans. Ce qui dénote une certaine précocité dangereuse. On remarque également une forte concentration des jeunes dans les bars et buvettes, lors des sorties de week-ends, les soirées dansantes et autres cérémonies. Ils se forment en groupe pour consommer leur boisson sans être gênées.

En plus des manifestations et conséquences connues, des gens continuent de boire de l’alcool. Leur réputation d’ivrogne ? Ils s’en moquent comme de leur premier rot. Le suicide est bien souvent la porte de sortie pour les alcooliques dont le cerveau réclame de l’alcool nuit et jour. L’alcool impacte négativement la stabilité sociale de la personne.

Il engendre non seulement des conflits dans le foyer familial, mais aussi des comportements non indiqués dans les valeurs morales et sociales de l’individu. Il est donc nécessaire d’interpeller les autorités communales, les chefs de familles et l’ensemble de la société pour exposer le problème de l’alcoolisme qui prend une ampleur de plus en plus importante. Il faudrait lancer des mesures de prévention et de lutte contre ce phénomène.               Mahamadou Traoré

Source: Aujourd’hui-Mali

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