Dans son arrêt du jeudi 04 août, la Cour suprême a annulé la décision du tribunal administratif de Kayes qui avait suspendu l’arrêté du préfet de Kayes ordonnant la reprise de fonction du président du Conseil de cercle de Kayes, Dr. Modibo Timbo. Ce que contestent 30 des 32 conseillers membres du Conseil de cercle de Kayes, regroupés en collectif, qui ont formulé une requête contre ladite décision.
La bataille judiciaire est désormais engagée entre les conseillers du Conseil de cercle de Kayes et leur ancien président, Dr. Modibo Timbo, incarcéré en septembre 2021 pour des faits présumés d’atteinte aux biens publics, fractionnement de marchés et délit de favoritisme, portant sur une affaire de 1,5 milliard de FCFA. Il a bénéficié d’une liberté provisoire en avril 2022, après le paiement d’une caution de 50 millions de FCFA en nature et en biens.
Sorti de prison, il a saisi le préfet de Kayes d’un primitif afin que celui-ci, conformément à la loi, ordonne à son intérimaire de faire la passation des charges. C’est dans ce cadre que le chef de l’exécutif local a pris un arrêté ordonnant la fin de l’intérim, qui était assuré par Mamoudou Bah dit Makambo.
Mais avant, tous les conseillers avaient signé une pétition demandant l’organisation d’une session extraordinaire avec un seul ordre du jour : la révocation du président du Conseil de cercle de Kayes, Dr. Modibo Timbo.
Ladite session extraordinaire s’est tenue le 27 janvier. À l’issue de laquelle, sur les 32 conseillers 30 conseillers ont voté pour la révocation du président Timbo et deux se sont abstenus. « La délibération s’est déroulée sous le contrôle d’un huissier », confie-t-on au Conseil de cercle.
Comme l’exige la loi, la délibération du Conseil a été envoyée au préfet de Kayes qui devait la transmettre à sa hiérarchie. L’administration avait 15 jours pour réagir. Ce qu’elle n’a pas fait. À partir de 30 jours, sans réaction de la tutelle, la délibération du Conseil devient exécutoire comme le stipule l’article 294 du code des collectivités territoriales.
Violation de l’article 294 du code des collectivités territoriales
C’est sur la base de cette délibération que le collectif des conseillers a saisi le tribunal administratif de Kayes aux fins de suspension de l’arrêté du préfet de Kayes pour violation de l’article 294 du code des collectivités territoriales. Les conseillers ont été suivis par le tribunal administratif qui a suspendu le 05 mai la décision du chef de l’exécutif local, ordonnant la reprise de fonction de l’ancien président du Conseil de cercle.
Dr. Modibo Timbo a fait appel auprès de la Cour suprême. La plus haute juridiction malienne, dans un arrêt rendu le 04 août, a annulé la décision rendue en première instance au motif que les conseillers n’ont pas qualité à saisir le tribunal administratif. Autre motivation, la Cour suprême estime que le sieur Timbo, qui n’a pas été jugé, bénéficie de la présomption d’innocence.
Une décision que conteste le collectif des conseillers du Conseil de cercle de Kayes, qui a exercé son droit de recours en introduisant une nouvelle requête. Selon son porte-parole, la Cour suprême n’a pas tenu compte de la délibération du Conseil de cercle du 27 janvier 2022, qui a force de loi, et s’est basée sur la volonté d’un individu qui veut reprendre sa place. Ce qui, aux yeux de Soungalo Kanouté, viole les dispositions de l’article 294 du code des collectivités territoriales.
Le porte-parole du collectif des conseillers s’interroge sur les motifs de l’annulation de la décision du tribunal administratif de Kayes par la plus haute juridiction du pays. Il se demande comment la Cour suprême a pu parler de défaut de qualité pour des conseillers qui ont attaqué la décision du préfet de Kayes.
Concernant la présomption d’innocence, sans le remettre en cause, Soungalo Kanouté estime que rien ne prouve à la haute juridiction du pays que Dr. Timbo n’utilise pas de nouveau le conseil à d’autres fins.
« Aucun conseiller ne souhaite travailler avec Dr. Timbo », prévient Soungalo Kanouté
Il rappelle qu’il est reproché à Dr. Timbo des faits qualifiés par la justice d’atteinte aux biens publics, fractionnement de marchés et délit de favoritisme portant sur une affaire de 1,5 milliard de FCFA. C’est au regard de toutes ces interrogations que le collectif dit s’opposer à son retour à la présidence du Conseil et jure de tout faire pour l’en empêcher.
« Nous, dignes fils de Kayes, nous n’allons pas accepter que Dr. Timbo s’asseye de nouveau à la tête du Conseil. Car son retour est un danger pour le développement du cercle de Kayes », affirme Soungalo Kanouté qui alerte les autorités du pays sur les conséquences d’une telle éventualité. Ce, d’autant qu’aucun conseiller ne souhaite travailler avec lui.
D’un ton calme, le porte-parole du collectif des conseillers est formel : « personne ne siégera avec lui ». Et au cas où on le ferait venir par la force, les conseillers envisagent d’organiser une session extraordinaire pour « le débarquer », a-t-il promis.
« Dr. Modibo Timbo ne sera plus jamais à la tête du Conseil de cercle », martèle Soungalo Kanouté. Mais avant, il entend saisir le ministre de l’Administration territoriale, le colonel Abdoulaye Maïga, afin de lui expliquer le problème.
Les réalisations de l’équipe intérimaire
Il est reproché à Dr. Modibo Timbo d’avoir mis à mal tous les acquis de ses prédécesseurs qui se sont battus pour le développement du cercle. « En 12 ans de présidence à la tête du Conseil, Dr. Timbo n’a fait une réalisation dans aucune des 28 communes du cercle de Kayes », accuse Soungalo Kanouté.
Selon le porte-parole du collectif des conseillers, le président Timbo a toujours des subterfuges pour ne pas travailler ; mais il a été rattrapé par le temps. Il l’accuse d’avoir fait une gestion solitaire en altérant la vérité.
Au contraire de Dr. Timbo, l’équipe intérimaire, sous la présidence de Mamoudou Bah dit Makambo, en quelques mois de gestion, est parvenue à construire le second lycée de Kayes N’DI qui, nous a-t-on dit, sera opérationnel à la rentrée prochaine (2022-2023). Autres réalisations : l’aménagement des sites maraîchers équipés de forage dans six communes du cercle : Kémènè Tambo, Kouniakary, Koulou, Logo, Bangassy.
Abdrahamane SISSOKO
Source: LE PAYS