La conférence internationale sur la justice transitionnelle au Mali sous le thème « La réparation, une voix vers la réconciliation et la stabilisation pour une paix durable », s’est tenue le 16 mars 2021 à Bamako, à l’Ecole de Maintien de la Paix Alioune Blondin Beye. Cette activité organisée par la GIZ, a reçu l’appui d’ONU-femmes et de la MINUSMA à travers sa Division des droits de l’homme et de la protection.
La cérémonie d’ouverture était présidée par le Ministre de la Réconciliation et de la Cohésion sociale, le Colonel-Major Ismaël WAGUE, en présence de l’Ambassadeur d’Allemagne, Son Excellence Dietrich POHL, La représentante d’ONU-Femmes Beatrice EYONG, le Directeur de la Division des droits de l’homme (DDHP)/Représentant le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) au Mali Guillaume NGEFA et le Président de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) Ousmane Oumarou SIDIBE.
Ce dernier a rappelé le processus d’élaboration du document de politique de réparation qui, dira-t-il est au cœur du mandat de la Commission.
« Élaborée de manière inclusive et participative, la politique de réparation est le fruit de multiples concertations des communautés de toutes les régions, des organisations de défense des droits de l’homme, des associations de victimes, des groupes armés signataires de l’Accord d’Alger, des partis politiques et d’autres acteurs pertinents ».
M. SIDIBE ajoutera que le moment est indiqué pour effectuer des plaidoyers aux fins de la mise en place d’un fonds pour répondre aux attentes des victimes. Cette conférence est également selon lui, une opportunité d’échange d’expériences en matière de réconciliation nationale. Il a terminé son propos par un message de reconnaissance à l’endroit du Ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale grâce à l’engagement duquel, le processus d’adoption connaît une réelle progression et en remerciant les Partenaires Techniques et Financiers de la CVJR, les experts internationaux et nationaux pour l’organisation de la conférence.
À son tour, l’Ambassadeur d’Allemagne, Son Excellence Dietrich POHL s’est réjoui du débat qui a eu lieu sur le document de politique de réparation de la CVJR, en comité interministériel. Les mesures de réparation qui y sont contenues, sont centrées sur les droits et le bien-être des victimes. Il ajoutera, avant de clore son propos, que le Projet d’Appui à la Stabilisation et à la Paix (PASP/GIZ) s’est impliqué dans ce programme dès le début du processus d’élaboration de la politique de réparation.
Depuis 2016 ONU-Femmes, accompagne la CVJR tout en veillant à l’intégration de l’approche genre dans tous les axes d’intervention de la Commission a précisé sa Représentante au Mali, Beatrice EYONG.
Dans son allocution, M. NGEFA a affirmé que « la DDHP de la MINUSMA accompagne, dans le cadre de la mise en œuvre de son mandat, l’opérationnalisation de la CVJR et porte une attention particulière sur la politique de réparation ». Il a tenu à rappeler que l’une des recommandations fortes faites par l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali aux autorités maliennes, était le besoin de démontrer leur volonté de lutter efficacement contre l’impunité par des actes concrets.
L’expert recommande également de s’engager activement dans la mise en œuvre des recommandations pertinentes que le pays a acceptées lors de l’Examen Périodique Universel de 2018. Celui-ci, consiste à garantir l’accès à la justice aux victimes des violations et atteintes aux droits de l’homme et qu’elles obtiennent réparation. Enfin, Guillaume NGEFA s’est réjoui de l’adoption prochaine d’une loi sur les réparations et a rappelé que « les actes de la conférence » seront imprimés et diffusés grâce à l’appui de la DDHP.
Chargé d’ouvrir officiellement les travaux de la conférence, le Colonel-Major Ismaël WAGUE, a affirmé que « le Mali a adopté une politique de justice transitionnelle dans le cadre de sa stratégie de réconciliation nationale. Il s’agit de créer les conditions pour établir la confiance entre les citoyens et la cohésion sociale par l’instauration d’une justice transformatrice. Le gouvernement soutiendra une équitable réparation à toutes les victimes dont il salue la participation aux audiences publiques ».
À l’issue de la cérémonie d’ouverture, une communication inaugurale sur « l’état des lieux de la réparation dans la justice transitionnelle : défis et leçons apprises, » a été présentée par Visio conférence par M. Fabian SALVIOLI, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion de la vérité, la justice, la réparation et la garantie de non-répétition.
L’importance de la réparation dans un contexte de conflit armé est l’un des points qu’il a souligné, avant de partager quelques expériences du processus de justice transitionnelle des pays de l’Amérique Latine. Comme principaux défis il a évoqué, entre autres, la prise en compte de la dimension genre, de la réparation ou encore, des droits de l’homme dans toutes les politiques nationales. Plusieurs questions sur l’amnistie, sans doute liées à l’actualité malienne, ont été posées et reçues des réponses à la satisfaction des participants.
Des débats poussés…
Les thèmes relatifs à la politique de réparation de la CVJR : processus d’élaboration et contenu et ; les défis de la réparation dans un contexte de conflit continu : expériences comparatives, ont fait l’objet de discussions respectivement dans les panels 1 et 2 animés par les experts de renommée internationale tels que Eduardo GONZALEZ (Pérou), Mohamed SUMA (Côte d’Ivoire), Igor CVETKOVSKI, appuyés par le Coordonnateur de la sous-commission Réparation et soutien aux victimes de la CVJR et Mamadou DIAKITE, ancien ministre.
Prévue pour durer deux jours, la conférence s’est poursuivie le 17 mars 2021. La seconde journée de la conférence a été rythmée par les différentes interventions des intervenants des panels 3 et 4 et des ateliers simultanés. Parmi les panélistes nous pouvons compter Bernard Anoumo Dodji BOKODJIN, Conseiller Technique à la GIZ Paneliste, Drissa TRAORE de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme ; Fatimata TOURE Directrice de l’ONG GREFFA du panel 3 suivi de Sihem BENSEDRINE, Présidente de la Commission IVD de la Tunisie et Monseigneur Nicodème BARRIGAH-BENISSAN Archevêque de Lomé, ancien Président de la CVJR du Togo membres du panel 4.
Les interventions ont essentiellement porté sur le rôle des acteurs de la société civile, des victimes et de l’état dans le processus de justice transitionnelle l’accent a été mis particulièrement sur le rôle majeur de la société civile en tant qu’actrice incontournable dans le processus de justice transitionnelle notamment en termes de relais dans la sensibilisation. Une présentation succincte du rôle joué par la société civile dans le processus de la justice transitionnelle au Mali tout en soulignant à quel point le contexte est rendu difficile par le taux assez bas d’alphabétisation a également été faite. Des témoignages de personnes victimes de violences sexuelles notamment à Gao et à Ménaka ont également été partagés par la directrice de l’ONG GREFFA.
Parmi les sujets traités la question de la réparation comme contribution à la cohésion sociale, la réconciliation et la Paix ainsi que la réparation des enfants et des déplacés internes a également été abordée. Sur les ateliers simultanés, les débats ont essentiellement porté sur les réparations des violations sexuelles et sexistes commises en période de conflits ainsi que le mécanisme de mobilisation des ressources pour les réparations en faveur des victimes. Lors de l’atelier sur les réparations en faveur des enfants en période de conflit, une présentation détaillée par la Division des droits de l’homme de la MINUSMA /Représentation du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au Mali sur la situation des enfants en période de conflits, la participation des enfants dans les commissions et les modalités de réparations en faveur des enfants a été effectuée.
Une cinquantaine de personnes ont assisté en présentiel à la conférence, tandis qu’un nombre important y a participé par visioconférence et plus encore à travers une retransmission en direct sur les réseaux sociaux. Les mots du rapporteur général ont mis fin à la conférence. Celui-ci a conclu en rappelant les principaux constats, les défis, les leçons apprises ainsi que les Recommandations mettant l’accent entre autres sur l’implication des victimes et l’adoption de lois contre les crimes graves de violations des droits de l’homme qui ne doivent pas bénéficier des lois d’amnistie.
MINUSMA