Après les avoir traqués, la France soutiendrait les djihadistes au Sahel. C’est l’accusation portée par le Mali, dans une lettre transmise mercredi à des journalistes par ses services et abondamment reproduite sur les réseaux sociaux. Le gouvernement dominé par les militaires y réclame une réunion d’urgence pour faire cesser ce qu’il présente comme « les actes d’agression » de la France.
Le contexte de cette missive n’a rien d’anodin puisqu’il correspond au départ du dernier soldat français au Mali après neuf ans d’engagement contre les djihadistes. La junte au pouvoir au Mali depuis le putsch d’août 2020 s’est détournée de la France et de ses alliés pour se tourner vers la Russie.
« Ils ont voulu marquer le coup », pointe Wassim Nasr, journaliste à France 24, spécialiste des mouvements djihadistes, et auteur de « État islamique, le fait accompli » (éditions Plon). « Cette lettre vient à la suite d’un communiqué sur Tessit, où un massacre a eu lieu et 42 Maliens ont été tués, et au moins 9 portés disparus. Dans ce fameux communiqué ils assurent que les djihadistes ont reçu un soutien externe. Cela visait déjà la France », souligne-t-il. En avril dernier déjà la junte assurait avoir « constaté depuis le début de l’année plus de cinquante cas délibérés de violation de l’espace aérien malien par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises ».
Des accusations « farfelues »
Cette fois encore les autorités maliennes pointent directement l’Hexagone. Dans cette lettre adressée au Conseil de sécurité des Nations Unies, elles affirment disposer « de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions ».
« Ce que le gouvernement malien appelle terroriste ce sont tous les groupes armés qui s’opposent à l’État malien, rappelle Michel Goya, colonel et écrivain militaire. Depuis toujours il y a l’accusation que la France a de la sympathie pour ces groupes-là ».
Ces dernières accusations changent-elles la donne ? « Elles sont complètement farfelues », tranche Wassim Nasr. Cela s’ancre dans cette veine qui veut que les Occidentaux aident les djihadistes. Cela remonte déjà à la Syrie et ça sert simplement à discréditer les forces françaises, c’est du populisme pur jus qui ne se fonde sur rien », tranche-t-il. Selon lui, les hélicoptères cités dans le document n’appartiennent pas à la force Barkhane. « Il n’y a plus eu de vol au profit de Barkhane depuis bien longtemps », insiste Wassim Nasr.
Un message interne
Si le Mali « se réserve le droit de faire usage de la légitime défense » en cas de poursuites des « agissements français », pour Michel Goya le message est surtout interne et vise l’opinion publique du pays. « Ça ne va pas aller beaucoup plus loin. L’idée de la junte est surtout de dire : on défend le pays et son indépendance ». Et de rappeler que l’attitude de la France n’a pas toujours été exemplaire. « L’attitude du président de la République a beaucoup déplu, il est apparu un peu brutal, en parlant de zones sensibles. C’est une ancienne colonie, et pas n’importe laquelle, il s’agissait d’une région dans laquelle nous étions peu présents militairement ».
Dans une suite de messages postée sur Twitter, l’ambassade de France au Mali rappelle que « la France n’a évidemment jamais soutenu, directement ou indirectement, ces groupes terroristes, qui demeurent ses ennemis désignés sur l’ensemble de la planète ».