Récemment un important tyran a été arrêté en Thaïlande pour trafic d’un produit valant plus que l’or, les diamants et même la cocaïne. Le produit illégal en question était quatorze cornes de rhinocéros d’Afrique. Cette affaire majeure a enflammé le monde surtout après avril 2017, date à l’Afrique du Sud a légalisé les ventes de cornes de rhinocéros sur son marché intérieur. Alors que beaucoup d’amoureux des animaux voyaient cela comme une provocation, les parcs animaliers privés soutiennent la décision de l’Afrique du Sud. Face à l’échec des interdictions de cornes de rhinocéros pour sauver ces animaux, il est grand temps de tenter une autre solution.
La demande de cornes : la variable oubliée
En 1972, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d’extinction (CITES) a interdit le commerce international des cornes de rhinocéros. Alors que cette structure s’occupe du commerce international, les pays ont également adopté leurs propres restrictions nationales. Aux États-Unis, les États ont commencé à créer des lois anti-braconnage pour les produits de la faune. Malheureusement, aucune de ces lois n’a contribué à sauver les rhinocéros de l’extinction, car elles n’ont aucun effet sur la réduction de la demande de cornes. Malgré la loi répressive, les rhinocéros continuent d’être menacés de braconnage par les chasseurs locaux, car les cornes sont utilisées dans la médecine orientale traditionnelle. Les acheteurs de la corne croient à tort qu’elle peut guérir le cancer, les troubles sanguins, agir comme un aphrodisiaque, et traiter la gueule de bois.
De plus en plus de sous-espèces de rhinocéros disparaissent, comme les rhinocéros de Java au Vietnam, dont le dernier a été tué en 2010. Au Soudan, le dernier rhinocéros blancs du Nord est soumis à une garde armée 24h/7j. Le braconnage a décimé les populations des cinq espèces de rhinocéros à travers le monde. En 2007, l’Afrique du Sud n’avait que 13 rhinocéros. Après une rumeur selon laquelle la corne de rhinocéros aurait guéri le cancer d’un politicien anonyme, la demande au Vietnam avait explosé. En 2017, plus de 1 000 animaux avaient été braconnés sur les quelques 23 000 rhinocéros laissés dans le pays. Non seulement l’illégalité du commerce met en danger les animaux, mais en plus, les rhinocéros sont souvent trouvés défigurés car une extraction de la corne sans cruauté peut prendre beaucoup de temps et augmente le risque d’être pris par les autorités.
Même les animaux en captivité ne sont pas en sécurité. Un rhinocéros blanc gardé dans un zoo de Paris a été tué pour sa corne par des braconniers qui ont fait irruption dans la nuit. La corne volée est évaluée à près d’un million de dollars sur le marché noir. Et les cornes ne cessent d’être prisées par les collectionneurs. Cette mentalité ne sauve pas nos rhinocéros et, à bien des égards, elle encourage le braconnage puisque la valeur de la corne augmente avec sa rareté.
Quelle nouvelle voie ?
Alors que certains pays, tels que les États-Unis continuent à s’accrocher à l’interdiction des cornes, certains pays africains font un autre choix pour aider à sauver les rhinocéros. En 2017, l’Afrique du Sud a mis fin à son interdiction nationale sur les cornes de rhinocéros dans une décision de la Cour constitutionnelle. Cette affaire avait été portée en justice par la « Private Rhino Owners Association » d’Afrique du Sud. Le groupe possède près d’un tiers des rhinocéros d’Afrique du Sud, qu’ils gardent dans des réserves privées. Les membres pensent qu’un commerce légal de cornes extraites par des méthodes non létales pourrait mieux financer la protection de l’espèce et inciter les propriétaires à augmenter la population animale. Malgré cette victoire, un changement légal ne suffit pas. En effet, l’Afrique du Sud n’a pas de demande intérieure de cornes suffisantes. Les consommateurs sont situés à l’étranger en Chine et au Vietnam, où ils ne peuvent toujours pas acheter les cornes légalement en raison de l’interdiction internationale mise en œuvre par la CITES.
De nombreux parcs retirent déjà les cornes des rhinocéros pour les protéger des braconniers. Ces cornes sont détruites ou, dans le cas des fermiers privés, stockées dans l’espoir qu’elles puissent être vendues sur un futur marché légal. Si les ranchs privés et les parcs nationaux étaient autorisés à récolter et à vendre les cornes légalement sur le marché mondial, ils pourraient réduire le risque que les chasseurs tuent les rhinocéros, et ils pourraient même utiliser les fonds pour augmenter la protection des rhinocéros dans le monde. Les cornes nouvellement légalisées inonderaient également le marché, faisant chuter les valeurs de la corne, et donc réduisant les incitations à braconner les rhinocéros.
Malheureusement, de nombreux groupes de défense des droits des animaux et de l’environnement continuent idéologiquement de boycotter et de faire pression contre les efforts de légalisation. Le groupe de protection de la faune Born Free a exprimé son opposition à la levée des interdictions. Leur président Will Travers avait déclaré : « La légalisation du commerce de la corne de rhinocéros, au niveau national ou international, indique aux consommateurs que la corne de rhinocéros est un produit légitime, et conduira inévitablement à une augmentation de la demande, ce qui encouragera le braconnage. Le commerce de la corne ne sauvera pas les rhinocéros, il pourrait même accélérer leur extinction ».
La réalité sur le terrain est que les consommateurs veulent de la corne de rhinocéros. Pour les acheteurs, l’important n’est pas de savoir si c’est légal ou non et, par conséquent, cela causera l’extinction des animaux. La meilleure option est de permettre aux propriétaires de rhinocéros de récolter les cornes pour alimenter le marché d’un produit plus respectueux de la vie de l’animal afin de concurrencer le marché noir, un peu à la façon dont les agriculteurs américains ont procédé pour sauver le bison.
Quand on regarde le débat sur le commerce des cornes de rhinocéros, beaucoup de gens voient des sauveurs d’animaux altruistes opposés à des propriétaires de rhinocéros avides qui veulent faire de l’argent avec des cornes. Mais le véritable débat est de savoir si nous voulons poursuivre les politiques qui mènent à l’extinction des rhinocéros ou si nous voulons des rhinocéros vivants dont la conservation et l’expansion sont financées par la vente de certaines de leurs cornes.
Sam Dunkovich, étudiant-chercheur à l’University du Wisconsin à Green Bay
Afrik