Les Nations unies mènent aujourd’hui l’enquête après avoir tout fait pour étouffer l’affaire il y a un an.
Il y a presque un an, lorsque le média britannique The Guardian avait révélé les premiers abus sexuels de casques bleus français de la force Sangaris à Bangui, l’Onu était assis sur une chaise inconfortable. Anders Kompass, directeur des opérations de terrain au Haut Commissariat de l’Onu pour les droits de l’homme, avait transmis le rapport transmis par des employés des Nations unies à Bangui à des enquêteurs français après avoir constaté que l’Onu tardait à agir. En réponse, les Nations unies l’avaient temporairement suspendu de ses fonctions. Les révélations de The Guardian avaient également montré que l’organisation onusienne avait tenté d’étouffer le scandale.
Mais onze mois après, les choses ont changé, alors que depuis le début de l’année 2016 les accusations d’abus ou d’exploitation sexuels concernant des casques bleus se sont multipliées. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté le 11 mars dernier une résolution, proposée par les États-Unis, qui prévoit de rapatrier des contingents entiers de Casques bleus en cas de soupçon d’abus sexuels ou d’exploitation sexuelle.
Enfin, des enquêteurs du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) ont recueilli, mi-mars, de très nombreux témoignages de jeunes filles en République Centrafricaine affirmant avoir été abusées sexuellement par des soldats des forces internationales dans la région de Dékoa. Les faits allégués ont été révélés mercredi 30 mars par l’ONG AIDS-Free World, qui indique que 98 filles ont indiqué avoir été abusées pas des soldats de l’Onu. L’ONG AIDS-Free World était déjà à l’origine des premières révélations en avril 2015.
Les accusations de l’ONU
Jeudi 31 mars, c’est un véritable réquisitoire qu’a tenu l’organisation onusienne contre certains pays engagés dans l’opération de maintien de la paix en Centrafrique. Une nouvelle fois des Casques bleus sont accusés d’être impliqués dans des abus sexuels: des soldats français, gabonais et burundais sont visés par une enquête des Nations unies. Dans un communiqué, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a dénoncé l’inertie – au mieux – des Etats concernés, voire même – au pire – leur volonté d’étouffer les abus sexuels de leurs soldats.
La plupart des allégations concernent les contingents burundais et gabonais présents dans la région de Kémo entre 2013 et 2015, ainsi que la force française distincte Sangaris qui était aussi stationnée sur place au cours de cette période. Les allégations d’abus dans d’autres parties du pays continuent aussi à faire l’objet d’enquêtes. Les autorités des trois pays concernés ont été formellement informées des allégations portées contre leurs troupes.
«Les Etats auxquels appartiennent ces troupes doivent mettre un terme aux abus, punir leurs auteurs par des peines appropriées et empêcher d’autres violations. Sinon ce terrible cycle d’abus ne s’arrêtera jamais. Le renvoi chez eux des soldats disgraciés constitue une réponse tout à fait inadéquate à des actes tels que le viol de mineurs», a déclaré Zeid Ra’ad Al Hussein.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon a aussi indiqué son effroi devant de tels actes.
«Hier, la République Centrafricaine a investi un nouveau président élu démocratiquement, ce qui marque la fin d’une période de transition. Les interventions de la communauté internationale ont contribué à sauver la Centrafrique du chaos. Cependant, nous devons reconnaître qu’un certain nombre de soldats qui ont été envoyés sur place pour protéger les populations ont au contraire commis des atrocités sans nom», a notamment écrit Ban Ki-moon.
Dans un pays, la Centrafrique, qui espère enfin sortir du chaos avec l’élection de son nouveau président Faustin-Archange Touadéra, déclaré vainqueur le 20 février, l’Onu doit joindre les actes aux mots pour punir les coupables d’actes qui auront contribué à grandement décrédibiliser ses forces de maintien de la paix sur place.
Joindre les actes aux mots