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Cités: quand les victimes de règlements de comptes refusent de porter plainte

Peur des représailles, défiance vis-à-vis de la police ou volonté de se faire justice soi-même: les victimes de règlements de comptes dans les quartiers sensibles refusent souvent de porter plainte, au grand dam des enquêteurs en butte à la loi du silence

policiers quartier sensible nord marseille

Peur des représailles, défiance vis-à-vis de la police ou volonté de se faire justice soi-même: les victimes de règlements de comptes dans les quartiers sensibles refusent souvent de porter plainte, au grand dam des enquêteurs en butte à la loi du silence.

Jeudi 2 janvier, 22H30. Alors qu’il rentre chez lui à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), un homme de 24 ans est pris pour cible en pleine rue avec une arme à feu. Blessé à la cuisse, le jeune homme est hospitalisé. Mais reste muet sur son agression.

“Malheureusement, ce cas de figure est très fréquent”, soupire un enquêteur du département, pour qui le phénomène va en s’aggravant. “Dans les règlements de comptes, non seulement les victimes ne portent pas plainte, mais elles refusent de parler”.

Le manque de coopération des victimes, “ça arrive régulièrement dans les cités”, confirme un policier toulousain. “Et pas seulement de la part de la vieille dame qui a peur des sales gosses dans sa cage d’immeuble: ça concerne aussi des voyous”.

Certains déposent ainsi plainte sans donner le nom de leur agresseur, alors qu’ils le connaissent. D’autres “racontent n’importe quoi”, donnant “des lieux à l’opposé de là où les faits se sont passés”, poursuit le fonctionnaire.

Dans la ville rose, un jeune de 18 ans a ainsi été hospitalisé en décembre après une fusillade survenue dans le quartier populaire des Izards, qui avait fait un mort. Blessé à la main, le jeune homme avait finalement quitté l’hôpital sans porter plainte.

 

Enquêtes “vouées à l’échec”

 

“La loi du silence dans les quartiers est difficile à briser”, constate Edith Monsaingeon, de l’Association d’aide aux victimes d’actes de délinquance (Avad), basée à Marseille. “Les victimes ont beaucoup de mal à se confier”, ajoute-t-elle.

En cause: la peur des représailles, alimentée par plusieurs affaires sordides survenues ces dernières années. Mais aussi, pour certains, la volonté de contourner l’autorité judiciaire pour se faire justice soi-même.

“Les règlements de comptes sont des affaires complexes, où les victimes sont souvent aussi des auteurs d’infractions. Du coup, il y a la volonté de ne pas attirer l’attention sur soi”, souligne Sebastian Roché, chercheur au CNRS et spécialiste de la délinquance.

Une situation frustrante pour les enquêteurs. “Si l’on identifie les coupables, les victimes vont dire que ce ne sont pas leurs agresseurs. Les enquêtes sont souvent vouées à l’échec”, regrette un policier de Seine-Saint-Denis.

Au-delà, c’est la défiance vis-à-vis des autorités qui est en jeu. “En France, le niveau de confiance envers la police est très faible, particulièrement chez les jeunes et dans les quartiers populaires. Ca joue forcément”, analyse Sebastian Roché.

Pour le procureur de la République de Bobigny, Sylvie Moisson, l’intérêt des victimes est pourtant bel et bien de “tout dire” aux enquêteurs, quand bien même “elles seraient impliquées dans des affaires situées en arrière plan” des faits concernés.

“Celui qui cache des éléments de son agression fait une mauvaise interprétation de ses intérêts”, souligne la magistrate. “Nous sommes en démocratie, seules la police et la justice peuvent mener une enquête. Sinon, c’est le retour à la barbarie”, ajoute-t-elle.

Pour inciter les citoyens à se confier plus facilement à la justice, et éviter l’engrenage des vengeances, l’Union européenne a adopté, fin 2012, une directive visant à renforcer la protection des victimes durant la procédure pénale. Cette dernière, qui prévoit la mise en place d”évaluation personnalisée” afin d'”identifier les besoins spécifiques en matière de protection” et éviter les “intimidations et représailles”, devrait être transposée cette année dans le droit français.

“Pour la justice, l’attention accordée aux victimes est primordiale”, assure Sylvie Moisson, qui déplore les réticences de certaines victimes à se manifester. “Il faut bien comprendre qu’en ne déposant pas plainte, on se prive de tous ses droits, notamment de demander des dommages et intérêts mais aussi d’accéder à la procédure”.

 

© 2014 AFP

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