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Chronique environnement : LES RISQUES LIÉS À L’UTILISATION DU PESTICIDE AU MALI

L’absence du ministère de la Santé dans l’accréditation des pesticides dans notre pays pose une réelle inquiétude quant à 
l’appréhension des autorités sur la portée et les conséquences de l’utilisation de ces produits sur la santé publique

Le mot «pesticide“ désigne une substance chimique pure ou en mélange qui sert à la destruction d’organes nuisibles à l’homme ou à ses intérêts. Ils peuvent être classés en fonction du ravageur visé : insecticides (insectes), herbicides (plantes indésirables), ovicides (œufs), larvicides (larves), etc.
L’agriculture est le moteur de l’économie malienne. Elle occupe près de 90% de la population et 75% du PIB. L’utilisation du pesticide dans l’agriculture est probablement un atout car elle vise à améliorer la productivité agricole. Ainsi, c’est l’un des secteurs qui utilisent le plus de pesticide sûrement après les usages domestiques. Cependant, au regard de son utilité, se dresse néanmoins la problématique liée aux risques sur la santé humaine et l’environnement. L’usage du pesticide au Mali est en forte croissance due surtout à la forte demande dans l’agriculture et aussi des insecticides comme le serpentin qu’on trouve d’ailleurs dans toutes les boutiques et auprès des vendeurs ambulants.
L’importation de pesticides impose quelques obligations dans notre pays. Avant de se retrouver sur le marché local, les pesticides doivent passer un certain nombre de parapets. Cela va de l’homologation à l’autorisation d’importation délivré par les autorités du pays. L’homologation des pesticides dans tous les pays de l’UEMOA incombe au Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) à travers le Comité sahélien des pesticides. Cette disposition est soutenue par la loi N° 02-014 du 03 juin 2002.
Après homologation vient l’étape de l’autorisation d’importation délivrée par les autorités du pays. Cette autorisation dépend de l’évaluation et l’acceptation de plusieurs ministères et services. Sont concernés les ministères du Commerce, de l’Agriculture, de l’Environnement et les services de douanes mais pas le ministère de la Santé. L’absence de ce dernier dans l’accréditation des pesticides au Mali pose une réelle inquiétude quant à l’appréhension des autorités sur la portée et les conséquences de l’utilisation de ces produits sur la santé publique.
L’analyse du cadre institutionnel montre qu’il existe effectivement une panoplie de lois, conventions, décrets et arrêtés pour contrôler l’usage des pesticides au Mali. Quelques exemples comme la Convention OIT/BIT de 1990 sur les produits chimiques ; la loi N° 02-014 du 03 juin 2002 ; la Loi portant sur le code du travail du Mali article L 171 ; le Décret N°09-313/P-RM du 19 juin 2009 qui fixe les règles d’emballage, de transport, de stock et d’élimination des pesticides, des modalités d’utilisation des pesticides et les rôles des agents du contrôle des pesticides etc. Ainsi les importations frauduleuses sont punies d’un emprisonnement de trois (3) mois à trois (3) ans et d’amende allant de 100.000 FCFA à 1.000.000 FCFA.
Néanmoins, il existe véritablement un écart dans l’adéquation de la prescription juridique et ce qui est visible au quotidien. Le CNGP (Comité National de Gestion des Pesticides), l’organe en charge du suivi et de la régulation de l’usage des pesticides en vue de faire des propositions pour des mesures correctives à prendre n’est pas reconnu à sa juste valeur ou n’existe simplement que sur papier. Il en découle, l’entrée massive et frauduleuse des pesticides au Mali. Ces produits non homologués ou n’ayant pas reçu l’autorisation provisoire de vente sont en circulation libre et anarchique dans tout le Mali.
C’est un marché qui occupe beaucoup de jeunes aujourd’hui, lesquels ne mesurent aucunement l’ampleur du risque auquel ils s’exposent et par ricochet exposent toute la population. Evidemment, chaque pesticide avertit du danger et exige sur son emballage une certaine compétence. Mais, nous observons l’utilisation insoucieuse de ces produits dans la vie courante. Dans le maraichage, le pesticide est apprécié et même recommandé sans considérer suffisamment le risque avisé dû aux résidus chimiques. Les résidus parfois persistants, capables de changer de forme au gré de la température peuvent se retrouver à des lieues de leurs lieux d’applications. Ils sont très dangereux car cancérigènes mais se retrouvent possiblement dans nos assiettes. Face à ces constats, il est urgent de se poser certaines questions. Les utilisateurs de pesticides appréhendent-ils réellement leurs dangerosités? Respectent-ils les doses ? Mieux ont-ils les qualifications nécessaires pour la manipulation de ces produits. Dans ce contexte, s’est tenu du 10 au 12 juillet 2018 au Grand Hôtel de Bamako, un colloque organisé par le Centre africain de prévention des risques professionnels (CAPRP) dont le thème était : Prévention des risques liés à l’utilisation des pesticides dans l’agriculture. Il ressort de ce colloque quelques constats cinglants.
Ainsi il s’avère globalement: – que l’évaluation du risque lié aux pesticides n’est pas correctement pris en compte par les autorités -que le public n’est pas assez sensibilisé sur les risques (mauvaise utilisation) -que la présence néfaste de produits illégaux est toujours grandissante -mais surtout qu’il y a un manque évident et grave de données statiques fiables sur les importations de pesticides dans tous les pays membres du CIlSS. Ainsi ce dernier cas serait surtout dû à la méconnaissance des pesticides, lesquels sont tout simplement confondus avec les produits chimiques au niveau des offices d’inspections des importations comme les Douanes mais surtout à la légèreté de la considération faite aux CNGP. Sinon, l’article 6 de l’Arrêté N°2011-2221/MA-SG du 09 juin 2011 confirme le rôle du CNGP à la création et à la mise à jour de bases de données nationales sur les pesticides dans le cas du Mali.
Ainsi, l’objectif du colloque était de faire l’état des lieux du secteur des pesticides en faisant prendre conscience des dangers liés à leurs utilisations. C’était aussi l’occasion de rappeler aux structures de sécurité sociale, qui assurent les utilisateurs à risque, sur la nécessité d’un changement de politique basée sur la réparation pour une politique de prévoyance. Le colloque a regroupé d’éminents professeurs et docteurs ainsi que plusieurs participants venus de toute la sous région.
Des recommandations fortes ont été, au terme de ce symposium, tirées à l’endroit des autorités de la sous région. Ainsi les Etats doivent-ils mettre en place des plateformes de centralisation de données statistiques sur l’importation et la consommation. Pour ce faire, une solution serait de classer les pesticides dans une catégorie à part et non dans celle des produits chimiques qui regroupent beaucoup d’autres produits et qui ne facilitent pas leur taxinomie. Les agents chargés du contrôle des pesticides, ayant dans l’article 13 du Décret N°09-313/P-RM du 19 juin 2009 fait le serment : «je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions … », ainsi que les associations de consommateurs doivent jouer amplement leurs rôles dans le contrôle et la dénonciation des produits illégaux pour freiner la circulation anarchique des pesticides au Mali. Le marché du pesticide déambulatoire peut être préservé mais évidemment, il serait nécessaire de l’organiser en créant entre autres des structures de formations pour les applicateurs de pesticides.
Le secteur du pesticide doit être incontestablement et profondément évalué pour prendre en compte spécifiquement l’aspect «santé publique», tout en sachant que l’aspect environnemental constitue aussi un élément d’intérêt vital. Les effets du pesticide sur l’environnement se répercutent toujours sur le cadre de vie des humains. Le CGPN par l’Arrêté N°2011-2221/ MA-SG du 09 juin 2011, doit définitivement être une structure à part pour jouer amplement son rôle. Aussi des campagnes de sensibilisations sont nécessaires pour informer la population. Loin de vouloir causer une psychose autour de l’utilisation risquée des pesticides, il serait néanmoins utile d’inculquer certaines habitudes comme lire les étiquettes avant toute utilisation.
Malheureusement, la plupart des pesticides ayant une toxicité plutôt chronique sont mésestimés. Accoutumés à ne voir les risques que de biais, les Africains ne considèrent que les risques immédiats mais pas les risques chroniques. Des pesticides plus accommodants existent à travers les pesticides Bio. La technologie peut être une fois encore source de rédemption à condition de miser davantage sur la recherche.

Souleymane SIDIBÉ

Chroniqueur bloggeur

L’Essor

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